V - Les collèges féminins.

Un collège était un collectif constitué de personnes possédant la même dignité ou accomplissant une même fonction. Au cours de la première partie nous avons rencontré plusieurs de ces ensembles féminins, notamment avec le dieu Dionysos mais aussi à l’occasion des rituels du bain et du tissage du vêtement sacré. Ces groupes - composés de femmes ou de filles de citoyens de bonnes familles, choisies pour leur piété, leur honorabilité, parfois aussi leur sagesse - accomplissaient pour une ou plusieurs divinités des cérémonies cultuelles. La plupart de ces groupes exécutait un rituel religieux, quelquefois sous l’autorité de la prêtresse. Ce n’étaient pas des assistantes au sens propres mais des femmes chargées par la cité d’accomplir un office, souvent un acte unique à l’occasion d’un rituel spécifique, telle les lotrochooi, les ergastines, les tisseuses parthénoi d’Argos et celles de Sparte, les plyntrides de Tégée, les ensembles choraux, les femmes qui célébraient Déméter, celles qui honoraient Dionysos telles les thyades de Delphes ou encore les deipnophores, ……. A ces groupements, nous pouvons ajouter les ensembles restreints que formaient les loutrides/plyntrides et les arrhéphores athéniennes. La particularité de ces groupes était qu’ils ne pouvaient être compris que dans leur ensemble. Si les zakores pouvaient former un groupe, constitué de plusieurs zakores ou d’hypozakores, de même que les thoinarmostriai, la fonction existait individuellement et demeurait pertinente dans son rôle et sa raison d’être. Ce n’était pas le cas des groupements féminins, une ergastine existait par elle-même certes mais elle ne pouvait accomplir la fonction seule.

Par contre, les cadres dans lesquelles ces collèges accomplissaient leur service pouvaient varier. Aucun n’était semblable à un autre même si des rapprochements s’effectuaient. Le plus souvent, ils étaient constitués pour accomplir une tâche ou participer à une cérémonie particulière, et même si la durée de l’activité durait plusieurs mois elles ne faisaient pas partie du personnel du temple. Mais ce n’était pas toujours le cas, ainsi des hestiades de Delphes qui veillaient sur le feu sacré d’Apollon ; des gérarades argiennes qui servaient peut-être aussi Athéna au quotidien dans son temple, au côté de la prêtresse, affectées aux soins esthétiques de la statue de culte de la déesse ; mais aussi peut-être des hèrésides argiennes qui apportaient l’eau lustrale du bain de la déesse Héra. A Argos, encore, il existait un collège féminin affilié à l’Héraion d’Argos, qui utilisait l’eau de la source dite l’eau de la liberté (eleuthérion hydôr), non loin du sanctuaire, pour accomplir les purifications et faire des sacrifices secrets1861. Certains de ces collèges servaient plusieurs divinités, d’autres ne semblaient affiliés à aucun dieu en particulier. La plupart était assigné à un rôle précis dans le culte de la divinité, leurs prérogatives généralement restreintes à cet aspect, mais certaines assemblées dépassaient ce cadre.

Ainsi, tous les collèges ne possédaient pas le même statut : leurs pouvoirs, leurs compétences différaient, pouvant aller de la simple participation à l’ordonnancement du rituel collectif. Subordonnées ou supérieures, exécutrices ou décisionnaires, ces femmes jouissaient parfois d’une autorité quasi-sacerdotale, ainsi des gérairai athénienne officiant aux côtés de la Basilinna. Elles participaient au rituel secret, manipulant les objets sacrés, sacrifiant et faisant actes de libations. Ce sont préférentiellement ces ensembles que l’on nomme collège féminin, le terme collège renvoyant dans l’inconscient à une idée d’autorité, de savoir et de pouvoir qui exprime la supériorité. Mais ce terme s’appliquait aussi à toutes ces femmes qui se constituaient en assemblée féminine, qu’elles fussent subalternes ou de rang quasi-égal à la prêtresse. Ces ensembles formaient les cadres initiatiques du « gender » où évoluaient les filles de citoyens, soutenant cette diversité car ces parthénoi, revêtues d’un statut d’initié, ne pouvaient prétendre jouir d’une autorité sacerdotale de haut rang. Ainsi, il existait autant de situations que de collèges féminins mais leur particularisme demeurait : leur force venait de leur collectif.

Notes
1861.

Pausanias II, 17, 1  « ῥεῖ δὲ κατὰ τὴν ὁδὸν ὔδωρ Ἐλευθέριν καλούμενον· χρῶνται δὲ αὐτῳ πρὸς καθάρσια αἱ περὶ τὸ ἱερόν  καὶ τῶν θυσιῶν ἐς τὰς ἀπορρήτους. » De ce collège, nous ignorons tout. A. Avagianou, Sacred Mariage, p. 36-39 pense que le collège féminin serait celui des hèrésides ; M.F. Billot, « Recherches archéologiques récentes à l’Héraion d’Argos », p. 47-48. Nous savons qu’à Olympie, le collège des seize femmes servait Héra et Dionysos, était-il possible qu’à Argos le collège de Dionysos servait aussi la déesse Héra ? Mais sans plus de données, il ne nous est permis que de faire des conjectures.