C-4) Thoinarmostria et hiérai.

Dans trois inscriptions citées précédemment1912, les hiérai étaient connectées avec la thoinarmostria. Si toutes deux assumaient une charge d’archèis, il s’agit de considérer qu’elles s’assistaient mutuellement ou qu’un élément permettait de les différencier.

De fait, alors que les inscriptions se rapportant à la thoinarmostria la situent dans le culte de Déméter, rien n’indique, pour les hiérai, un rapport exclusif à Déméter. Elles officiaient en Messénie lors de mystères pour plusieurs divinités, en Laconie aux Eurykléia 1913 … et rien ne permet d’affirmer une association quotidienne avec la maîtresse du banquet. En fait, « chaque fois que l’on rencontre une hiéra dans un texte lacédémonien ou messénien, la personne n’est jamais qualifiée de hiéra de telle ou telle divinité, mais de hiéra tout court, revêtant ainsi un caractère institutionnalisé 1914».

Cette distinction cultuelle pourrait expliquer qu’en ce qui concerne les mystères d’Andanie, la thoinarmostria du temple de Déméter prenait place dans la procession avec les hypothoinarmostriai (l. 30), mais rien n’indique qu’elles participaient à l’organisation du banquet. Elles ne sont pas nommées ailleurs dans l’inscription, même si le passage évoquant « parmi le personnel de service ( τάν ὑπηρεσιάν ), ceux qui les auront assistés dans l’exercice du culte » pourrait les inclure. Il est possible que la thoinarmostria assistaient les hiérai dans l’élaboration du banquet, mais il serait aussi logique de considérer le contraire puisque les hiérai assumaient, en cette circonstance, le rôle qui était celui de la thoinarmostria dans le temple de Déméter.

En ce qui concerne les inscriptions se rapportant à des sanctuaires de Déméter, il s’agit de considérer qu’elles effectuaient ensemble les devoirs se rapportant à la charge d’archèis, comme les hiéroi et les hiérai étaient associées dans l’inscription des mystères. D’ailleurs, il est à noter qu’il n’est fait mention des hiéroi avec la thoinarmostria que dans l’inscription des mystères d’Andania et que dans cette circonstance, la thoinarmostria ne semble jouer aucun rôle. Les hiéroi assumaient peut-être le rôle de la thoinarmostria aux côtés des hiérai en cette occasion.

Même s’il n’est pas certain que les hiérai laconiennes et les hiérai messéniennes étaient des homologues, ni qu’elles fussent de rang semblable en ces deux endroits, le fait que dans trois inscriptions1915 elles soient connectées avec la thoinarmostria, exclusivement connue en ces régions, suggère un lien fonctionnelle entre les hiérai laconiennes et messéniennes : leur rôle devait être assez proche1916. Toutefois, le fait qu’en Laconie, les hiérai et non la thoinarmostria pouvaient prétendre à avoir leur nom gravé sur leur tombe souligne que la fonction de hiérai était plus prestigieuse que celle de thoinarmostria, et possiblement que peu de femmes devenait hiérai. Le terme désignant les initiées dans les mystères d’Andania, il témoignait peut-être aussi de cette particularité pour les hiérai laconiennes. Tout du moins, le titre signifiait qu’elles étaient sacrées, consacrées. Ce que faisaient les hiérai laconiennes pour mériter un tel honneur et prestige est malheureusement difficile à dire et ne serait que pure conjoncture. Du moins pouvons-nous affirmer que les hiérai n’étaient pas des prêtresses1917, mais qu’elles pouvaient en assumer certaines attributions, comme la Basilinna athénienne dont le rôle était si important qu’aucune inscription ne commémorait celle qui l’avait été alors que les noms des femmes athéniennes étaient gravées sur leur tombes, une situation contraire à celle que nous rencontrons à Sparte, et qui par cette extrémité démontre, à chaque fois, la dignité souveraine de la fonction.

Notes
1912.

IG V 1, 1390 (= LSCG 65) (Ier av. J.C.) ; 1511 add = LSS 29 A (IIème ap. J.C.) ; 1498 = LSCG 66 = M. N. Tod, JHS 105 (1905), n ° 10 p. 49 (Copie de l’époque d’Hadrien d’un règlement original plus ancien).

1913.

SEG XIII, 257 : Loi sacrée de Gythéion (Laconie) datée du Ier ap. J.C.

1914.

P. Brulé et L. Piolot, REG 115 (2002), p. 506.

1915.

IG V 1, 1390 = LSCG 65 (Ier av. J.C.) ; 1511add = LSS 29 A (IIème ap. J.C.) ; 1498 = LSCG 66 = M. N. Tod, JHS 105 (1905), n ° 10 p. 49 (Copie de l’époque d’Hadrien d’un règlement original plus ancien).

1916.

Chr. Le Roy, BCH 85 (1961), p. 230 réfute un possible rapprochement et estime que les hiérai et hiéroi de Teuthrôné et de Pyrrhichos subissent l’influence d’Artémis à Ephèse ; P. Brulé et L. Piolot, REG 115 (2002), p. 501-502 font ce rapprochement et critiquent la position de Le Roy, lequel admet toutefois que les textes présentent une organisation identique du culte des « grandes déesses », p. 501 n. 51.

1917.

E. Sinclair Holderman, A Study of the Greek Priestess, p. 27 définissait les hiérai comme des sous prêtresses ; les éditions du texte de Plutarque avant la restauration de Kurt Latte les considéraient comme des prêtresses  (cf. P. Brulé et L. Piolot, REG 115 (2002), p. 488 n. 8) ; Chr. Le Roy, BCH 85 (1961), p. 234 : possiblement des initiées ; J.A. Turner, op. cit., p. 115-119 les définit comme « Holy Women » ; P. Brulé et L. Piolot, REG 115 (2002), p. 513 : semblable à un corps de sacristains ; S. Georgoudi, TheCRA V, Le personnel cultuel, p. 48 : ni prêtresses, ni sacristains, elle les identifie comme une catégorie particulière d’agents du culte.