Conclusion chapitre 5 :

Les services religieux accomplis par des « femmes sacrées spécialisées » constituaient un ensemble complexe car sous cette dénomination générale se trouvaient plusieurs groupes et notions du sacré féminin. Le terme désignait aussi bien celles qui accomplissaient un service spécifique à la divinité et/ou assumaient des charges prestigieuses, que celles qui faisaient partie du personnel du temple et s’occupaient au quotidien de gérer l’ensemble des tâches journalières au service de la divinité. Certaines de ces femmes participaient activement à la vie sociale et économique de la cité et étaient honorées en conséquence comme l’étaient les hiéreiai. Comme ces dernières, lorsqu’il était possible de connaître leur famille, il était rare qu’elles n’aient pas un ou plusieurs membres occupant ou ayant accompli une fonction civique, parfois riches, parfois nobles…, même s’il est difficile d’affirmer que toutes celles qui avaient accompli la charge venaient de ce milieu social élitiste puisque seules les familles riches pouvaient se permettre le coût de ces commémorations. Néanmoins, le fait que leur origine sociale fut élevée montre que tous ces services étaient perçus comme des fonctions importantes, même si elles présentaient des degrés différents dans la responsabilité et l’autorité religieuse.

Ainsi, si prendre soin de la divinité était l’un des devoirs de la prêtrise, la participation réelle des prêtres et des prêtresses dépendait surtout de la taille du sanctuaire. Le personnel, qui dans les grands sanctuaires suppléaient celle ou celui qui assumait le sacerdoce principal, était composite (gynaikes ou parthénoi) mais toujours d’un rang élevé bien qu’il ne soit pas facile de les hiérarchiser, d’autant moins que leur statut différait d’un lieu à l’autre et que parfois leur rôle se croisait, notamment celui de zakore et néocore. Parmi ces femmes sacrées, il y avait aussi celles qui, dans l’exercice du culte, possédaient un rang supérieur et se trouvaient investies d’une autorité religieuse semblable à celle de la prêtresse dans le rituel, mais qui ne l’assumaient pas au quotidien. Elles étaient sacrées au même titre que les prêtresses dont elles partageaient certaines de leurs compétences, mais leur fonction ne permettait pas d’englober l’ensemble du domaine cultuel (administratif, rituel, liturgique) comme c’était le cas pour lesprêtresses. D’autres, au contraire, endossaient le statut et le rôle de prêtresse, comme la Basilinna d’Athènes, la loutrophore de Sicyone, les hydrophores de Milet… Ces femmes pouvaient être qualifiées de hiéreiai spécialisées au sens où même en assumant le sacerdoce principal du culte, elles n’étaient pourtant pas qualifiées de hiéreiai mais nommées en fonction de l’acte le plus important que leur service requérait.

Certaines de ces fonctions s’inscrivaient dans le religieux féminin, servant de cadres initiatiques où se révélaient les jeunes filles mais aussi de décors où s’exprimaient les femmes des citoyens. Toutes cependant étaient essentielles à la pérennité du culte. Avec ces femmes sacréesspécialisées, nombreuses, variées, constituant un panel hétéroclite, nous clôturons l’étude de ces services religieux féminins, en retrouvant nombre de celles que nous avions déjà observées dans la première partie, démontrant que le religieux féminin formait un ensemble composite mais structuré, pouvant se réaliser sur plusieurs niveaux de compréhension. Le service accompli était toujours un office religieux mais il pouvait revêtir différentes significations selon que la femme participait à l’expression d’un univers féminin idéal ou qu’elle agissait dans un cadre cultuel, non pas asexuel, mais détaché de considérations sexuées.