2.3 De l’intérêt de discuter sur son expérience

Pour Peirce (1995) et Dewey (1938/1993), la connaissance se construit dans l’action, grâce à un processus «d’enquête »qui vise à donner du sens à la situation vécue grâce au contexte. La connaissance n’existe pas indépendamment des réalités du monde, elle se construit dans l’expérience, et vise à étendre les capacités d’action. Dans la continuité de Dewey, Schön (1994) s’est intéressé à la manière dont les professionnels (comme par exemple les architectes) créent de la connaissance dans le cours même de leurs pratiques. Schön appelle «discussion avec la situation» le processus par lequel le praticien crée du sens en interrogeant la situation par une série d’actions qui reçoivent une « réponse » en retour (si je fais ça, il se passe ça).

«Pour transformer une situation problématique en un problème tout court, un praticien doit accomplir un certain type de travail. Il doit dégager le sens d’une situation qui, au départ, n’en a justement aucun. […] Poser un problème, c’est choisir les «éléments» de la situation qu’on va retenir, établir les limites de l’attention qu’on va y consacrer et lui imposer une cohérence qui permet de dire ce qui ne va pas et dans quelle direction il faut aller pour corriger la situation. C’est un processus qui consiste à désigner les points sur lesquels porter son attention et dresser le contexte dans lequel on s’en occupera. » (Schön, 1994, p. 77) ’

Ce courant insiste ainsi sur la pertinence de discuter sur son expérience et d’avoir une approche réflexive sur les situations professionnelles pour produire de la connaissance.

«  Pour un individu ou un groupe professionnel donné, c’est un ensemble de manières d’être, de penser et de faire qu’il s’approprie dans le cours même de son travail. Il s’agit de propriétés sociales qui ont été construites dans le feu de l’action, dans l’épreuve des événements de la vie professionnelle (et en partie extraprofessionnelle, car on sait qu’il est difficile de séparer le temps de travail et le temps hors travail).» (Demailly, 2001, p. 524).

Certaines facettes du travail que vit l’élève en stage peuvent être discutées et rapportées mais d’autres sont certainement intégrées par l’élève comme des habitudes prises difficiles à retranscrire.

‘Ainsi « l’expérience se discute et s’explique, se réfléchit, elle est l’objet d’interactions dans lesquelles elle se construit et prend forme, s’amarre éventuellement aux fictions et aux mythes propres au groupe professionnel ou à ses routines.» (Demailly, 2001, p. 525).

Nous pensons donc nécessaire de porter un regard sur ce qui est rapporté de l’expérience, et plus particulièrement sur ce qui est dit du métier. De même, pour Clot, c’est la confrontation des genres et des styles (controverses) dans l’expérience qui constitue un potentiel de développement.

Peut-on penser que les soutenances et les rapports de stage sont des instruments de formation de l’étudiant qui permettent d’analyser l’expérience professionnelle du stage ? Et a quelles conditions la mise en mots sert d’éléments à la professionnalisation ?