3.1 Une activité : « processus pédagogique stage » pour un objet « se professionnaliser » grâce à des instruments « outils pédagogiques conçus par l’école »

Pour reprendre les apports de Leontiev (1978), le sujet n’est pas passif face au monde qui l’entoure : il a un rôle actif face à son environnement qui se matérialise à travers l’activité. L’action du sujet s’inscrit dans le triptyque : Sujet – Objet – Instruments que l’on peut représenter de la manière suivante :

La théorie de l’activité proposée par Léontiev (1976) distingue d’un côté, l’action visant la réalisation d’un but dans des conditions données (c’est ce que les ergonomes désignent sous le terme de tâche) et, d’un autre côté, l’activité qui répond à des motifs. Léontiev appelle action les processus “dont l’objet et le motif ne coïncident pas” (1976, p. 69).

Figure 6 : Modèle de l’activité du sujet selon Leontiev (1976)
Figure 6 : Modèle de l’activité du sujet selon Leontiev (1976)

Pour comprendre le mobile de l’activité et donner du sens au but de l’action, il est nécessaire de considérer les dimensions sociales et collectives qui sont présentes. L’activité renvoie à des besoins sociaux, des valeurs partagées, à l’histoire ou la tradition d’un groupe social, etc. L’action, qui répond à un but précis, peut se réaliser de façon individuelle, collective ou partagée (division sociale du travail). Mais pour être comprise, pour en saisir le sens, il faut pouvoir relier l’action à l’activité des autres et aux motifs qui la suscitent. Ainsi, l’activité constitue une structure dynamique au sein de laquelle des sujets motivés et situés sont en interaction avec des objets (matériels ou symboliques) et en interaction avec les autres.

La théorie de l’activité telle que formulée par Vygotski et ses successeurs, Luria et Leontiev, propose la prise en compte du sujet (individu concerné par l’activité étudiée) en introduisant la notion d’objet (transformation de l’environnement qui est visée par l’activité) et d’instruments (outils matériels ou symboliques qui médiatisent l’activité).

Dans cette perspective, l’homme est un sujet qui réagit et qui s’adapte à son environnement mais en plus, il noue des relations directes avec les objets de son environnement. L’humain est caractérisé par sa conscience qui permet de traiter des abstractions et de donner du sens aux activités.

«  Même les instruments ou outils de la vie quotidienne doivent être découverts activement dans leurs qualités spécifiques souligne Léontiev. L’homme doit effectuer à leur égard une activité pratique ou cognitive qui réponde de façon adéquate à l’activité humaine qu’ils incarnent, c’est-à-dire qu’elle doit reproduire les traits de l’activité cristallisée (cumulée) dans l’objet. » (Rabardel, 1995, p.29).’

L’activité est donc constituée par le sujet actif, qui utilise des instruments (éléments à sa disposition) pour atteindre un mobile (objet visé par l’activité).

“ L’instrument contient, sous une forme spécifique, l'ensemble des rapports que le sujet peut entretenir avec la réalité sur et dans laquelle il permet d'agir, avec lui-même et avec les autres ” (Rabardel, 1995, p. 90). ’

Nous pourrions rajouter que l’objet est la finalité de l’activité. Cette « unité de vie » (Leontiev, 1976) comprend ce qui peut donner sens et forme à toute activité sociale d’un individu réalisée dans le but de satisfaire une aspiration qu’elle soit matérielle ou du domaine de l’idée.

Dans cette approche, les outils assurent notamment la médiation entre le but de l’action et les motifs de l’activité. Les instruments modifient à la fois les rapports sociaux dont ils sont les produits et l’activité première. Cette conception, issue de l’analyse du développement de l’enfant, concerne aussi l’adulte et souligne l’importance du milieu comme source et lieu du développement. Le développement est conçu comme une co-évolution du milieu, des outils et de l’activité.

Dans le cadre de l’analyse d’un dispositif de formation, tel que le stage et son exploitation pédagogique, nous pouvons considérer que l’activité que nous cherchons à étudier est l’activité stage-professionnalisation de l’élève. C’est l’ensemble qui comprend les différentes actions réalisées comme le temps de stage en entreprise, le temps de rédaction du rapport, le temps de présentation de l’expérience sous forme de soutenance… Le Sujet élève participe à sa professionnalisation, il a comme objet de se professionnaliser et utilise différents instruments comme le cahier des charges, le rapport. Il va ainsi pour le rapport réaliser différentes actions ; le rédiger, le présenter à l’oral… L’activité « processus pédagogique stage » peut ainsi être considérée comme réalisée par le sujet « élève » pour un objet « se professionnaliser » grâce à des instruments « outils pédagogiques conçus par l’école ».

Par ailleurs, cette formation se situe dans une entreprise, dans un système collectif. Dans les années 1980, Engeström a développé la notion de système d’activité qui reste orientée vers l’objet, mais avec un accent sur l’activité collective, inscrite dans des rapports sociaux et médiatisée dans la culture au sens large.

Selon la théorie de l’activité, l’analyse ne peut se faire au niveau de l’individu, mais doit être réalisée à un niveau plus global, qui inclut l’individu en tant que sujet, les outils qu’il utilise, ses relations avec la communauté qui l’entoure et le produit qu’il se propose de réaliser. C’est ce contexte minimal qui est appelé activité. Analyser une activité, c’est analyser un système minimal, les interactions qui s’y produisent, les transformations qui s’y opèrent, tout en gardant une vision globale de la structure. De plus, une activité est une construction collective complexe médiatisée par les instruments.