1.3.2 Chercheur au sein de deux communautés

Nous dirions maintenant que notre objet de recherche se trouvait au sein de deux systèmes d’activités complémentaires. Tout au long de ces cinq années, nous avons pu apprécier le respect donné au temps nécessaire à un travail de recherche. Nous avons été sollicités pour représenter l’ENSMSE dans plusieurs réflexions menées dans les Grandes Ecoles sur la professionnalisation des Elèves Ingénieurs. Nous pensons que c’était un moyen de nous reconnaître comme étant pertinent sur le sujet.

‘Clot affirme que, « c’est le jeu ouvert entre le modèle d’action « réalisé » dans une situation de travail et le modèle global du sujet qui, selon les cas, inhibe ou active le développement du système des activités. C’est aussi cette tension qui fournit sa plasticité intrinsèque au sujet, qui fixe son seuil de tolérance, le rendant capable ou non de déborder les contraintes de la tâche prescrite ». (Clot, 1995, p.222). ’

Ceci semble bien représenter le jeu de tensions dans lequel nous nous sommes mis pendant cette partie de la recherche avec la volonté de parvenir à franchir le cap et de sortir du système ENSMSE pour rester ancrée dans notre communauté « recherche » afin à terme d’être reconnu comme « enseignante-chercheur ». Il nous semble que c’est quand la tension a été trop forte que nous avons dû poser les problèmes, se poser des questions sur ce que nous voulions réellement faire et devenir. Nous avons pu franchir ce cap après avoir clarifié les réponses de notre devenir et avoir fait le choix de nous reconnaître capable d’être à terme validés comme ayant des compétences de chercheur.

Notre approche des théories a oscillé entre notre volonté d’entrer dans l’analyse des systèmes d’activités alors que nous revenions sur les théories sur la construction identitaire. Maintenant, nous sommes prêt à considérer que ce n’était pas un hasard, puisque nous pensons avoir été au cœur d’une évolution professionnelle avec un changement d’identité. C’est comme si nous avions à organiser et concilier plusieurs identités entre :

  • une identité pour nous qui se construisait en accord avec ce que nous étions précédemment et ce que nous souhaitions devenir ;
  • et une identité pour autrui, l’identité communautaire qui se trouvait en prise avec plusieurs communautés, celle d’enseignante à l’ENSMSE, celle de chercheur au sein du laboratoire iCAR et celle de tutrice dans un institut de formation par alternance (annexe à la recherche mais existant bel et bien sur la moitié de la semaine, salariée à mi-temps pour la recherche).

Les nouveaux liens sociaux tissés pendant ces années au sein de ces deux communautés, le dispositif de médiation offert par les réunions de laboratoire, par la rédaction de documents de synthèse, ont participé à apaiser cette crise identitaire et permis de construire une nouvelle identité d’enseignant-chercheur.

‘Dans une recherche sur le « rapport au savoir et engagement dans la recherche des doctorants en histoire et en mathématiques », il ressort du discours des doctorants « un sentiment assez ambivalent à l’égard du travail de construction de la thèse. C’est en effet un travail à la fois aride et attrayant, où se mêlent souffrance et plaisir. » (Capdevielle-Mougnibas et al. 2004, p. 147)
Ainsi, « l’engagement dans la recherche nécessite une inclinaison à l’égard de la nature du savoir étudié. Le choix d’une discipline puis de la recherche est en grande partie motivé par une intense envie de savoir et parfois même un désir d’apprendre jusqu’aux limites du savoir. » (idem, p. 149)
« L’activité de recherche équivaut à une véritable activité de création et ne peut être envisagée uniquement dans une perspective économique : c’est avant tout dans un but d’accomplissement personnel que se conçoit l’engagement en thèse. » (idem, p. 150)’

En conclusion, cela nous a conduit à vivre ce que nous étudiions, la construction de l’identité professionnelle au sein de différents systèmes d’activité.