7.5 Le rapport et la soutenance : genres choisis, concepts restitués

Nous percevons des contradictions dans la façon de percevoir les restitutions faites pour l’Ecole. Pour l’élève 1, le rapport est un écrit adapté à partir d’un dossier rendu à l’entreprise, validé, contenant des informations recueillies à destination des salariés. Et, la soutenance est la présentation orale de ce document. De plus, la soutenance et le rapport de l’élève 1 contiennent très peu d’éléments de restitution et d’analyse de l’environnement de travail. Nous observons ainsi dans ce cas une survalorisation faite par l’élève du contenu du travail effectué, au détriment de l’analyse des méthodes employées, et du contexte situant l’action. L’élève 1 ne semble pas avoir perçu l’intérêt de penser son expérience.

Pour le tuteur enseignant 1, le rapport est un document de restitution et d’analyse de l’expérience permettant de montrer sa capacité à prendre du recul avec une situation vécue, des méthodes de travail. Le tuteur enseignant 1 se rapproche des éléments du cahier des charges tels qu’énoncés précédemment.

Ni l’élève 1, ni le tuteur-enseignant 1 n’ont repris l’idée que le rapport et la soutenance pouvaient servir à valider l’atteinte des objectifs du stage tels qu’ils sont définis dans le cahier des charges. Pourtant, le tuteur-enseignant a contribué à l’élaboration du cahier des charges.

A travers les différents éléments présentés précédemment, nous constatons que les concepts restitués par l’élève 1 dans son rapport et sa soutenance sont essentiellement constitués d’informations recueillies dans son stage sur un thème donné par l’entreprise. Cette restitution est réalisée telle qu’elle avait été créée et transmise à l’entreprise. Les informations choisies par l’élève 1 et validées par l’entreprise l’ont été avec l’objectif de permettre une utilisation de celles-ci par les salariés. Ces éléments ont donc une portée immédiate et sont à usage professionnels. Nous pouvons donc affirmer que l’essentiel des éléments restitués à l’Ecole par l’élève 1 sont des savoirs professionnels. Dans le rapport, il n’y a pas de tentative pour être dans un développement inductif qui aurait consisté à analyser le quotidien et voir ce qui aurait pu être généralisé.

Dans la restitution faite par l’élève 2 : il a privilégié le rendu de l’expérience réalisée pendant son stage. Les éléments scientifiques sont exposés sans être repositionnés dans leur contexte organisationnel et humain. L’élève 2 expose une expérience qui pourrait tout aussi bien avoir été réalisée au sein d‘un laboratoire, à l’Ecole, pendant un cours… L’élève 2 restitue des savoirs que nous pouvons qualifier d’enseignés et de savants.

Les deux élèves réalisent une soutenance à destination de leur auditoire pour permettre la validation de leur stage. Cependant, il semblerait que l’élève 1 voulant faire ressortir ce qui avait été valorisé par l’entreprise ne rentre pas dans le genre attendu par son jury : une vision critique de sa méthodologie. L’échange qui suit la soutenance ne semble pas perçu par l’élève comme devant lui permettre de comprendre une autre vision de son stage et l’élève 1 ne comprend donc pas les remarques du jury et elle ne les perçoit pas comme pertinentes. L’élève 2 restitue une présentation complètement a-contextualisée, sans environnement social. Cependant, l’échange avec son tuteur-enseignant se déroule sous la forme de questions-réponses avec pour objectif de validation de connaissances. Ceci semble correspondre à ce qui est attendu de part et d’autre. Dans ce cas, nous avons une restitution de concepts scientifiques qui n’est pas enrichie par une confrontation avec le quotidien.

Nous pouvons constater que dans les deux systèmes d’activité étudiés, le rapport et la soutenance servent à valider seulement une partie des objectifs assignés par le cahier des charges du stage : l’application de savoir-faire acquis. Nous trouvons là une contradiction avec le système d’activité prescrit même si cela semble convenu par les différents acteurs des systèmes.

En relation avec les éléments succincts donnés dans le cahier des charges, chaque élève s’est construit son propre objet pour le rapport et la soutenance. Pour l’élève 1, il s’agit de retransmettre un genre « entreprise », à travers les informations transmises à l’entreprise et validées par celles-ci, même si cela va à l’encontre de ce que souhaitait son tuteur-enseignant, qui attendait un genre « analyse critique des réalisations ». Pour l’élève 2, le rapport et la soutenance sont du genre « restitution d’une expérience scientifique » qui convient au tuteur-enseignant.

Le rapport et la soutenance servent de mise en mots de l’expérience vécue selon un axe très restrictif, sans discussion sur les difficultés rencontrées, sans mise en lien de l’expérience vécue avec son contexte humain, organisationnel, et sans relation établie avec des concepts vus en formation par exemple. Nous pouvons donc penser que le développement produit par le stage ne se trouve que peu restitué dans ces instruments. Les réactions de l’élève 1 lors de sa remise en cause laissent à penser que cette élève, ces temps d’échanges ne sont pas même pas conçus pour pouvoir être lieu à contradictions.