Introduction

Le processus d’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère est un développement complexe et influencé par plusieurs facteurs. Ils peuvent être internes à l’apprenant, comme l’aptitude, l’intelligence, l’attitude, la motivation, la personnalité, l’âge, le sexe et les stratégies de communication et d’apprentissage ; ou externes, comme le professeur, la situation d’apprentissage et le contexte social. Parmi tous ces facteurs, il y a un consensus entre les formateurs et les chercheurs au sujet de la grande importance que la motivation exerce dans ce processus.

Au cours de mon expérience de professeur de français et d’espagnol langues étrangères dans le Centre de Langues et Interculturalité (CELIN) de l’Université Fédérale du Paraná (UFPR), j’ai pu observer, suite à un changement de manuel, une modification significative du niveau motivationnel des apprenants. Ce changement a annoncé un plus grand intérêt pour les séances, phénomène accompagné d’une augmentation de leur fréquentation (à tel point que nous avons eu besoin de diviser des groupes pour que les effectifs ne portent pas préjudice à la qualité des cours). La participation s’est également révélée plus prononcée dans les activités proposées.

La structure d’enseignement n’avait pas été modifiée, avec les mêmes professeurs, ainsi que le profil général des apprenants (étudiants de l’Université). Le remplacement du manuel et le changement méthodologique s’avéraient donc dans ce cas être les facteurs les plus probables de ce renouveau motivationnel montré par les différents groupes d’apprenants.

En prenant en considération les travaux de recherche dans le domaine de l’acquisition de langues étrangères, ainsi que mon observation attentive de toutes les transformations qui ont eu lieu au CELIN (l’arrivée de nouveaux professeurs, les différences entre leurs formations, les nouveaux manuels, les nouvelles recherches, etc.), mon expérience en classe de langue, compte-tenu de l’extrême importance du rôle joué par la motivation dans l’enseignement des langues étrangères, j’ai recentré ma recherche sur la motivation (cf. Mémoire de DEA) en la focalisant dans le manuel et dans sa méthode et leur caractère méthodologique présents un instrument qui puisse aider les professeurs dans l’évaluation de ces éléments.

Mais il nous faut pousser notre réflexion un peu plus loin, afin de mieux comprendre les manifestations de ce phénomène. En effet, un manuel ou une méthode ne peuvent pas, à eux seuls, influencer à ce point la motivation d’un apprenant. Ceci nous conduit donc à porter notre regard du côté de l’exploitation de la méthode en classe, et plus spécifiquement du manuel : comment l’enseignant utilise-t-il ces outils pour établir son cours et aider ses apprenants dans leur apprentissage ?

À y regarder de plus près, on s’aperçoit rapidement que chaque enseignant adapte le manuel en ajoutant ou soustrayant diverses activités. Il est légitime de s’interroger alors sur les causes de ces modifications : l’enseignant s’est-il lassé de la structure du manuel ? Les apprenants manifestaient-ils leur ennui ? Du côté des conséquences, on se demandera si le résultat espéré a été obtenu : la motivation et l’intérêt des apprenants s’en sont-ils trouvés accrus ?

C’est à partir d’un corpus enregistré au Brésil, plus précisément au Centro de Línguas e Interculturalidade (CELIN) de l’Université Fédérale du Paraná, que nous essayerons d’apporter des éléments de réponse à ces questions, en analysant une situation spécifique de l’apprentissage du français comme langue étrangère par des lusophones brésiliens. Nous croyons cependant que cette réflexion pourrait peut être élargie à d’autres contextes d’apprentissage de langues étrangères.

Notre travail se divise en trois parties. La première, formée par le chapitre I, présente le contexte de cette étude, la deuxième, composée des chapitres II, III et IV, expose les aspects plus généraux et théoriques qui servent de support à notre analyse, comme le phénomène de la transposition didactique (base théorique), les caractéristiques des manuels de langues étrangères (outil) et la classe de FLE (mise en œuvre) ; et la troisième, formée par les chapitres V, VI et VII, met en pratique ces aspects et les analyse à partir du corpus disponible : Cadre Européen Commun de Référence (théorique), le manuel Forum 1 (outil) et la classe de FLE au CELIN (mise en œuvre).

Le premier chapitre définit le contexte de cette étude à partir de l’exposition de quelques sujets qui fondent l’enseignement et la présence du français au Brésil, avec les particularités historiques qui concernent l’enseignement/apprentissage des langues étrangères, d’abord dans leur aspect plus général, pour ensuite se concentrer sur la situation du français, et finir par une présentation du Centro de Línguas e Interculturalidade, objet d’étude et source du corpus analysé.

Le deuxième chapitre, qui inaugure notre partie théorique, sera centré sur la notion de transposition didactique établie par Chevallard (1988, 1991 et 1994) et Perrenoud (1993 et 1998). C’est à travers cette notion que nous pouvons comprendre le mouvement de passage des théories développées dans différents domaines aux méthodologies d’enseignement de langues et aux méthodes, ainsi que le processus de lecture du matériel fait par l’enseignant avant sa mise en œuvre en classe.

Toujours au niveau théorique plus général, le troisième chapitre aborde le manuel pour l’enseignement des langues étrangères, vu initialement comme un élément appartenant à une méthode et une méthodologie, avec une fonction centrale dans ce contexte, pour ensuite exercer une fonction pédagogique dans un contexte d’apprentissage. Ceci aboutira sur une question pratique qui intéresse tous les enseignants : comment choisir, parmi tout l’éventail des possibilités, « le » bon manuel ou « la » bonne méthode à utiliser en classe ?

Le quatrième chapitre traite plus spécifiquement de la question de la relation entre le manuel et la situation de la classe de langue étrangère, où tous les éléments qui la composent doivent être mis en corrélation, c’est-à-dire l’enseignant, l’apprenant et les différents outils didactiques, dont le principal est le manuel, en situation d’interaction, suivant un contrat didactique et envisageant une transposition didactique, de manière à ce que l’apprentissage soit efficace et favorable à l’établissement des relations motivationnelles.

Le cinquième chapitre, ouvrant la troisième partie de cette étude, est dédié à une réflexion critique concernant le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues, qui a servi de base théorique pour la méthode Forum 1, utilisée dans le Centre de Langues de l’UFPR, ce qui seul justifierait une discussion plus approfondie dans cette étude, mais qui apparaît aussi comme la base actuelle pour toute la nouvelle génération de méthodes et de manuels conçus en France et exportés dans différents pays du monde, dont le Brésil. Serait-il une base appropriée à n’importe quel type de matériel, ou à n’importe quel objectif d’étude ? Ce chapitre analyse donc les aspects théoriques qui lui servent de base, ainsi que ses applications pratiques.

Dans le sixième chapitre l’accent est mis sur l’analyse pratique des aspects présentés dans les chapitres antérieurs, à partir d’une description et d’un examen détaillés de la méthode Forum 1 et de sa conception, en observant sa structure, son organisation, ses éléments graphiques, les pratiques langagières et culturelles qu’elle propose, ainsi que ses principes méthodologiques et pédagogiques, présentés par les auteurs à travers le guide pédagogique qui accompagne la méthode.

Pour finir, dans le septième chapitre, l’attention sera centrée sur le travail des différents professeurs de FLE au CELIN, en nous basant sur l’utilisation qu’ils font du manuel en classe, la façon dont ils organisent leurs séances pour élaborer un cours, la manière dont ils structurent, sélectionnent et modifient le manuel, par adjonctions ou soustractions d’activités pour l’adapter à l’idée qu’ils se font de l’intérêt de leurs apprenants. À travers les réactions des apprenants pendant les cours, nous montrerons comment la grande diversité de ces modifications peut influer de manière différente sur les résultats de l’apprentissage.