Partie I : Contexte de l’étude

Chapitre I : le français au Brésil

1. La politique linguistique au Brésil

Compte-tenu de l’immensité du Brésil, il devient difficile d’établir une règle générale en ce qui concerne l’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère quelconque, nous essaierons de décrire de la manière la plus précise possible les différentes situations d’enseignement du français et des autres langues étrangères.

Le Brésil est un pays officiellement monolingue où la langue portugaise doit être enseignée dans toutes les écoles du territoire. Des exceptions sont faites dans les communautés autochtones, où il est possible d’avoir un enseignement bilingue institutionnalisé. Pourtant, ceci reste exceptionnel ; l’ensemble du pays étudie le portugais comme langue maternelle et, en général, comme langue unique. Les cas de plurilinguisme sont dus à une pluralité des cultures d’immigration qui ont composé le pays, connu pour la diversité de sa population.

Le statut des langues étrangères a beaucoup changé entre le XVIIIe et le XXe siècle au Brésil. Si l’enseignement dispensé par les jésuites privilégiait initialement la connaissance de plusieurs langues – latin, grec, français, anglais, allemand et italien –, cette situation va peu à peu se transformer, accompagnant une détérioration généralisée de l’éducation ; dans un premier temps les « langues classiques » – latin et grec – sont retirées du curriculum des écoles secondaires et ensuite les « langues modernes » passent au statut de discipline optionnelle, ce qui a fait qu’elles ont été, avec le temps, presque complètement écartées de l’enseignement formel.

Jusqu’à la première moitié du XXe siècle, le français était la langue étrangère la plus étudiée au Brésil. La France était un modèle de culture, une référence dans les études, et ce qui se passait à Paris influençait la vie des classes riches et moyennes du pays. Étudier ou simplement aller en France était un des désirs et objectifs communs pour les personnes les plus fortunées et parfois même celles appartenant à la classe moyenne, ce qui exigeait naturellement une bonne connaissance de la langue, voire même excellente. Avec le latin, l’enseignement de la langue française ainsi était-il fréquent dans les écoles secondaires, même si cela n’était pas obligatoire.

Il y a un changement de ce statut autour des années 60 et l’anglais prend peu à peu la place du français. Son importance vient surtout d’un grand changement politico-économique mondial, survenu principalement à partir de la Seconde Guerre Mondiale mais qui a atteint son sommet à la fin du XXe siècle en raison de nouveaux rapports de force mondiaux. Ces faits ont favorisé l’utilisation de l’anglais comme langue des affaires au niveau mondial et même comme deuxième langue informelle dans plusieurs pays.

Ces événements expliquent en partie le grand choix au Brésil de l’apprentissage de l’anglais et non pas de l’espagnol, option naturelle si on considère la position géographique du pays, le seul à parler portugais en Amérique du Sud, en ayant toutes ses frontières avec des pays hispanophones, à l’exception du plateau des Guyanes : Guyana – anglophone – Guyane française – francophone – et Suriname – néerlandophone – au nord.

L’autre raison vient de la grande similarité entre la langue portugaise et la langue espagnole, à tel point qu’une grande partie de la population croit pouvoir parler l’espagnol sans avoir besoin de l’étudier. Même si de cette croyance vient une grande quantité de malentendus et presque la formation d’une nouvelle langue, ce qu’on appelle le « portugnol » au Brésil, la ressemblance entre les deux donne la fausse sensation de manque de défi et éloigne l’individu de l’envie de l’apprendre. Un possible changement de cette situation et une motivation pour l’augmentation de l’apprentissage de la langue espagnole a été l’organisation du Marché Commun du Sud – Mercosur, au début des années 90. Avec un intérêt essentiellement commercial, politique, de coopération et de développement, il a eu des influences naturelles dans la politique linguistique de tous les pays englobés dans l’accord. Par contre, cette attente ne s’est pas réalisée et n’a pas pris la force qu’on pouvait espérer dans un premier moment.

Ainsi, et en suivant une tendance américaine, soit mondiale, la première langue étrangère étudiée actuellement au Brésil continue à être sans doute l’anglais. Les motivations qui poussent les gens à ce choix sont multiples, mais sûrement la position que certains pays anglophones occupent dans l’économie mondiale, en particulier celle des États-Unis par rapport aux pays latino-américains, est probablement l’une des influences les plus fortes sur le choix de la langue étudiée.

Nonobstant, les Brésiliens ne sont pas par essence un peuple « multilingue ». Même si on considère l’histoire du pays et la formation ethnique de sa population, composée d’une immigration grande et diversifiée, les Brésiliens n’accordent pas beaucoup d’importance à l’apprentissage d’une nouvelle langue. Cela peut s’expliquer par les difficultés d’infrastructure dans les écoles, ce qui rend plus pénible l’apprentissage, mais aussi – et peut-être fondamentalement – par une condition restreinte de mobilisation de la plus grande partie de la population, qui n’a pas de possibilités financières pour sortir du pays, voyager ou avoir un contact direct avec des étrangers, ce qui laisse l’apprentissage trop loin de la réalité de l’apprenant, sans une utilisation concrète de la langue ou, pour une grande partie du peuple, sans aucune perspective d’un jour l’utiliser. Ainsi,

« No Brasil, tomando-se como exceção o caso do espanhol, principalmente nos contextos das fronteiras nacionais, e o de algumas línguas nos espaços das comunidades de imigrantes (polonês, alemão, italiano etc.) e de grupos nativos, somente uma pequena parcela da população tem a oportunidade de usar línguas estrangeiras como instrumento de comunicação oral, dentro ou fora do país. Mesmo nos grandes centros, o número de pessoas que utilizam o conhecimento das habilidades orais de uma língua estrangeira em situação de trabalho é relativamente pequeno. » 1 (Ministério da Educação, 1998 : 20)

On voit donc à partir de cette citation qu’un des grands problèmes de l’acceptation de l’apprentissage des langues étrangères est surtout la difficulté que les apprenants ont à l’utiliser, à mettre en œuvre leurs connaissances. Cela naturellement démotive l’individu ou ne l’encourage pas à s’engager dans le processus, ce qui est absolument indispensable pour la réussite d’un type d’apprentissage qui est centré sur la performance de l’individu.

Notes
1.

« Au Brésil, en prenant comme exception le cas de l'Espagnol, principalement dans les contextes des frontières nationales et de quelques langues dans les espaces des communautés d'immigrés (polonaise, allemande, italienne etc.) et de groupes natifs, juste une petite parcelle de la population a l'occasion d'utiliser des langues étrangères comme instrument de communication verbale, à l'intérieur ou dehors du pays. Même dans les grands centres, le nombre de personnes qui utilisent la connaissance des habilités verbales d'une langue étrangère en situation de travail est relativement petite. »