1.2 Au-delà d’un choix de langue

Il est évident que toute politique linguistique fait partie d’une action plus large et que dans le cas du Brésil elle a comme intérêt un resserrement des relations et des échanges entre les pays de l’Amérique Latine, de majorité hispanophone, en ce qui concerne les aspects sociaux, politiques, économiques et culturels. Le rôle de l’apprentissage de la langue dans ce cas est donc essentiel et une politique linguistique dirigée vers de tels objectifs produit des résultats assez considérables. Nonobstant, les conséquences de ces actions ne se restreignent pas au choix de langues enseignées ou au travail du professeur en classe, mais elles ont des échos dans d’autres secteurs liés à l’éducation, dont le marché éditorial de manuels de langues étrangères.

Considérant que le pays n’avait pas jusqu’aux années 90 une vraie préoccupation de règlement ou d’engagement concernant les langues étrangères, on ne voyait pas d’investissement de la part des maisons d’édition dans la conception des méthodes d’enseignement élaborées spécialement pour les apprenants brésiliens. Par conséquent, il était nécessaire d’importer et cela apporte des changements importants.

La première difficulté est de nature méthodologique. Plusieurs recherches remarquent l’importance de la présentation du contenu, pour qu’il soit proche de la réalité des apprenants et prenne en compte les souhaits et les intérêts du public cible. Cela permet à l’individu un apprentissage plus significatif et plus réel, car il sera capable d’appliquer ce qu’il apprend dans sa vie quotidienne, et le motivera à continuer ses études. Cette thématique sera abordée avec plus de détails dans les chapitres qui suivent, compte-tenu de l’importance du thème pour cette recherche.

Une autre problématique aperçue comme conséquence est de nature économique. Le surcoût occasionné par l’importation provoque une restriction d’accès aux méthodes ; il faut souligner que le coût des études est très souvent un déterminant au Brésil pour l’apprenant et l’empêche parfois de suivre un apprentissage, qui devient élitiste et sélectif.

Malgré la présence de difficultés toujours assez fréquentes, la tendance du pays à avoir une politique linguistique permanente commence à donner ses premiers résultats. En se préoccupant initialement de la langue maternelle, un programme d’analyse de manuels est mis en œuvre pour la vérification de la qualité des matériels didactiques produits dans le pays. Ils sont analysés par un jury national composé par des spécialistes de ce domaine – linguistes, didacticiens, etc. – qui recommandent ou non les manuels. Les résultats sont publiés par le Ministère de l’Education et les livres recommandés par le jury peuvent être adoptés dans les écoles publiques du pays qui les recevront gratuitement. Le choix final est fait par le professeur, mais seulement à partir de ce qui a été approuvé par les spécialistes.

Même s’il n’existe aucune règle qui affirme la nécessité pour un manuel de suivre les préceptes présentés par le Parâmetros Curriculares Nacionais, le document a servi de base à la formulation des critères d’évaluation des manuels et par conséquent à la composition des derniers livres, ce qui montre que la même chose pourra se passer au moment de l’implantation du programme pour les manuels de langues étrangères. Selon les spécialistes, ce type d’action commence à peser sur le marché éditorial du Brésil et à promouvoir une augmentation du nombre comme de la qualité conséquente des manuels publiés dans le pays.

Comme on le verra ultérieurement dans cette étude, cette tendance n’est malheureusement pas valable pour les manuels de Français Langue Étrangère, au moins jusqu’à présent, car il n’y a pas une politique de conception de méthodes de FLE dirigée spécifiquement vers le public brésilien. Par conséquent le matériel trouvé et utilisé dans le pays est, mis à part deux ou trois remarquables exceptions, massivement conçu et produit en France pour un public très varié et non ciblé.