3. L’enseignement du français au Brésil

Comme on en a parlé plus haut dans cette étude, jusqu’aux années 1960 le Français était la langue de l’élite et détenait un grand prestige dans le pays, notamment à partir de la fondation en 1837 du « Colégio Pedro II », école publique traditionnelle de Rio de Janeiro dont l’objectif principal était la formation de l’élite nationale à travers la formation de politiciens et intellectuels. Cet établissement était considéré comme une école de référence dans le pays jusqu’aux années 1950 et son programme servait de base aux écoles privées de l’époque.

C’est en 1885, seulement deux ans après sa création à Paris, qui est fondé la première Alliance Française au Brésil, dans la ville de Rio de Janeiro, capitale du pays à l’époque, qui marquera le début de l’enseignement de la langue en dehors des écoles régulières. Selon le Ministère des Affaires Étrangères Français, les Alliances Françaises du Brésil constituent le réseau le plus ancien et le plus dense du monde (74 implantations dans 52 villes) et compte actuellement 39 établissements et un nombre total de 30.000 étudiants.

Ces informations mettent en évidence les deux grands axes d’enseignement du français au Brésil : les écoles secondaires, comme le Colégio Pedro II et les écoles privées de langues, comme l’Alliance Française. Les premières bénéficient de quelques dispositifs d’appui, via des partenariats avec les Secrétariats à l’éducation des municipalités et des États de Rio de Janeiro, São Paulo et du District Fédéral, mais la présence du français est considérée comme faible en comparaison à l’anglais et à l’espagnol, langues majoritaires dans l’enseignement régulier. En dépit de l’influence sociale et culturelle du système éducatif français, le Brésil ne dispose que de trois lycées français dans son territoire : le Lycée François Mitterrand, à Brasilia ; le Lycée Molière, à Rio de Janeiro ; et le Lycée Pasteur, à São Paulo.

En ce qui concerne les établissements privés d’enseignement de langues, à part les Alliances Françaises qui ont un financement du Gouvernement Français pour la promotion de la langue, les instituts et écoles de langues ont joué un rôle important dans la diffusion de l’enseignement de langues étrangères au Brésil, notamment à partir du déclin de ces disciplines dans les collèges, à tel point que le développement même de la linguistique appliquée comme discipline a connu un grand dynamisme dans ces centres.

« Diga-se, porém, que o Centro de Lingüística Aplicada do Instituto de Idiomas Yázigi teve importante papel, então, no desenvolvimento do ensino de LEs no Brasil. Por cerca de 10 anos, a partir de 1965, este Centro organizou uma série de seminários, intitulados Seminários Brasileiros de Lingüística, em várias capitais do Brasil, que constituíram um espaço importante para os professores de LEs se informarem sobre novas metodologias para o ensino de LEs. » 9 (Moita Lopes, 1999 : 420)

Dans le cas du français, ces centres ont une importance particulière dans la diffusion de la langue, Puisque celle-ci n’est pas étudiée de manière massive dans l’enseignement régulier. À l’exception de quelques cas très ponctuels, leur enseignement est payant et s’adresse à des adultes qui ont pour motivation le départ à l’étranger pour étudier, travailler ou simplement faire du tourisme. La France est toujours la première destination et le plus grand centre d’intérêts des étudiants, même si grandissent les opportunités pour partir dans d’autres pays francophones comme le Canada, la Belgique ou la Suisse ; les pays de l’Afrique figurent rarement sur la liste d’intérêt des apprenants brésiliens, principalement pour ce caractère de langue d’élite lié au français, ce qui ne correspond pas à la représentation généralisée qu’on a du continent africain.

Le fait que l’enseignement du français soit trop lié aux centres de langues, pour la plupart privés, apporte une difficulté importante en ce qui concerne son contrôle dans différents aspects. Il est impossible de savoir, par exemple, quelles sont les méthodes d’enseignement les plus utilisées dans le pays, ainsi que le nombre précis de professeurs qui y travaillent, étant donné qu’il n’y a pas l’exigence que les enseignants des centres de langues aient un diplôme de Lettres pour la pratique de l’enseignement, à la différence de ce qui se passe dans les écoles secondaires.

Malheureusement donc les données concernant l’enseignement/ apprentissage du français au Brésil sont floues et imprécises. Selon la Fédération Brésilienne de Professeurs de Français le coût est trop grand pour mener un sondage auprès de tous les Etats du pays, ce qui empêche, dans le cas de la Fédération, sa mise en œuvre ; la réponse des organismes officiels français présents au Brésil est la même : il n’y a pas de données précises, les statistiques les plus pertinentes nous sont fournies par le tableau ci-dessous, disponible sur le site Internet de l’Ambassade de France au Brésil, qui présente quelques chiffres du nombre de francophones, francophones partiels et étudiants de français dans différents régions du monde, parmi lesquelles on trouve l’Amérique du Sud et de manière indirecte le Brésil.

Tableau 1 : La francophonie dans le monde
Regiões do mundo Francófonos Francófonos parciais Estudantes de francês
África subsaariena 15,5 M 24 M 20,7 M
Magreb 14, 5 M 19,9 M 8,7 M
Oceano Índico 800 000 3,5 M 3,1 M
América do Norte 8,6 M 3,3 M 4,5 M
Caribe/América Central 1,6 M 1 M 3 M
América do Sul 120 000 200 000 0,4 M
Oriente Próximo e Médio 1,3 M 0,5 M 2,4 M
Extremo-Oriente 160 000 0,24 M 3,1 M
Europa 68 M 6,3 M 16,5 M
Oceania 400 000 60 000 0,02 M
Sub-total 110,98 M 59 M 62,6 M
Fora do espaço francófono 7,62 M 3,9 M 20 M
Total 118,6 M 62,9 M 82,6 M

Il faut remarquer que ce manque de précision concernant la quantité d’apprenants dans le pays renforce un sentiment qui commence à circuler parmi les enseignants de Français Langue Étrangère au Brésil ; l’intérêt de la France par rapport au pays a changé et l’objectif n’est plus la promotion du FLE mais plutôt du Français sur Objectifs Spécifiques (FOS), c’est-à-dire la préparation des professionnels qui auront la possibilité de venir en France pour travailler et contribuer scientifiquement avec le pays et non plus économiquement, comme c’est le cas du tourisme.

Ces remarques ne sont pas encore prouvées et elles apparaissent ici sous forme de possibilité pour l’avenir, vu qu’aucune décision officielle qui la confirme n’a été prise ; par contre, les professeurs commencent à sentir un mouvement dans ce sens en se basant sur les intérêts montrés par les organismes gouvernementaux français par rapport à l’enseignement du FOS, particulièrement en direction des ingénieurs et des technologues, ainsi qu’à l’offre de bourses d’études en France pour les spécialistes de ces domaines.

Notes
9.

« Il faut dire, néanmoins, que le Centre de Linguistique Appliquée de l'Institut d'Idiomes Yázigi a eu un rôle important, alors, dans le développement de l'enseignement de langues étrangères au Brésil. Pendant environ 10 ans, à partir de 1965, ce Centre a organisé une série de séminaires, intitulés Séminaires Brésiliens de Linguistique, dans plusieurs capitales du Brésil, qui ont constitué un espace important pour la formation des enseignants de langues étrangères concernant les nouvelles méthodologies pour l'enseignement de langues étrangères.  »