1.2 Les sphères du savoir chez Chevallard

Dans son sens restreint, la transposition didactique est le passage du savoir savant au savoir enseigné. Selon Chevallard (1991 : 20), « c’est à la confrontation de ces deux termes, à la distance qui les sépare, par delà ce qui les rapproche et impose de les confronter, que l’on peut le mieux saisir la spécificité du traitement didactique du savoir. »  Ainsi, en analysant de façon plus élargie l’ensemble des transformations par lesquelles le savoir doit passer pendant le processus de préparation à l’enseignement, l’auteur établit trois types de savoirs : le savoir savant, le savoir à enseigner et le savoir enseigné.

Le savoir savant est le plus proche des activités académiques, généralement développé dans les universités et instituts de recherche, mais qui ne sont pas directement liés à l’enseignement scolaire. C’est un type de savoir qui n’est pas accessible à l’apprenant en classe, particulièrement à cause de son langage, plus proche des thèses, articles et livres spécialisés. Cette difficulté du langage technique a pour résultat une centration dans la communauté scientifique et un empêchement certain d’accès à l’apprenant.

Ainsi, pour permettre le passage du savoir savant au savoir scolaire, il est nécessaire d’effectuer un travail didactique, afin de procéder à une reformulation qui vise la pratique éducative. Il faut donc faire appel à l’élaboration d’une forme didactique, montrant ainsi l’importance d’une méthodologie fondée sur une proposition pédagogique.

Le savoir à enseigner compte aussi avec une grande diversité de questions, dont l’analyse est importante à la situation éducative. Il consiste en une présentation didactique du savoir à l’apprenant. Pendant le passage du savoir savant au savoir à enseigner, nous avons la création d’un vrai modèle théorique, à partir duquel sont conçus les outils pédagogiques qui fourniront l’essentiel de l’intention d’enseignement. Dans cette étape il y a donc une théorie didactique dont la finalité est le travail du professeur et son intention d’enseigner. De ce fait, si le savoir savant est présenté à la communauté scientifique à travers des thèses ou des articles, par exemple, le savoir à enseigner est matérialisé dans les manuels, programmes d’enseignement et outils d’appuis pédagogiques.

Finalement, le processus d’enseignement devient le vrai objet du savoir enseigné, celui qui est consigné dans le plan de classe développé par le professeur et qui ne correspond pas forcement à ce qui a été imaginé dans les objectifs du niveau savoir à enseigner. Cette étape met en évidence les défis de la réalisation pratique d’une méthodologie d’enseignement qui ne peut pas être dissociée de la question des valeurs et de l’objet même de l’apprentissage.

D’un autre côté, au niveau individuel, il n‘est pas garanti que le résultat de l’apprentissage corresponde au contenu enseigné, ce qui veut dire qu’il est possible de trouver des résultats assez différents de ce qui a été imaginé à l’origine. Pour cette raison, dans la pratique éducative le contenu ne peut pas être conçu comme une simplification du savoir savant. Ainsi, en même temps que ce savoir est validé par ses paradigmes internes, le savoir enseigné est sous le contrôle d’un contrat didactique qui dirige les relations entre le professeur, l’apprenant et le savoir.

De manière schématisée, les étapes de la transposition didactique chez Chevallard sont ainsi constituées :

  Transposition Didactique chez Chevallard

1
Savoir savant

2
Savoir à enseigner
  Savoir enseigné

Les flèches marquent dans ce schéma ce qui a été suggéré par Chevallard comme la transposition externe (flèche 1) et la transposition interne (flèche 2) du savoir et marquent les processus naturels d’adaptation des savoirs afin de les présenter aux apprenants. Les deux temps n’ont pas la même caractéristique, vu qu’ils sont mis en œuvre dans deux niveaux différents de travail : externe et interne. Le travail externe est opéré par la noosphère, qui organise les contenus à préparer à partir du savoir scientifique et est la partie visible de la transposition ; d’un autre côté, la transposition interne est un phénomène discret qui se développe à l’intérieur du système d’enseignement.