3. Le choix d’un manuel

3.1 Le manuel personnalisé et le manuel généraliste

À partir de tout ce dont nous avons déjà discuté concernant les matériels didactiques, un des moments plus importants du processus d’apprentissage est le choix du manuel qui sera utilisé par l’enseignant en classe. Généralement il rencontre un grand éventail de possibilités, ce qui parfois complique encore plus sa tâche, principalement car les manuels de langues étrangères sont élaborés, depuis environ cinquante ans, pour des publics du monde entier, sans considérer, par exemple, la relation extrêmement importante entre la langue maternelle et la langue cible. Cela veut dire qu’un Brésilien ou un Espagnol vont apprendre le français en utilisant le même manuel qu’un Russe, un Allemand ou un Japonais.

L’efficacité de ce type de manuel est fortement discutable, non seulement en termes linguistiques, car les voisinages ou éloignement entre les langues ne sont pas pris en considération, mais aussi en termes culturels. Nous avons déjà abordé dans cette étude, et il sera aussi un thème récurent à la continuation, l’importance du manuel comme agent de diffusion et rétablissement d’une identité culturelle. Pourtant, dans le processus d’apprentissage d’une langue étrangère, cette identité ne se restreint pas seulement à celle du groupe qui parle la langue étudiée, mais aussi à celle de l’apprenant, qui établit inévitablement des comparaisons entre les deux.

La grande question est que cette comparaison devient plus complexe et difficile à l’apprenant s’il n’existe dans le manuel aucune référence pour le faciliter. De cette forme, au-delà de la difficulté normale apportée par l’apprentissage de la langue et la constitution d’une nouvelle identité à partir de la nouvelle culture, l’apprenant doit établir toutes ces relations sans l’appui important du matériel.

Similairement, quand le manuel n’est pas fait pour un public spécifique, c’est au professeur de l’adapter, en remplaçant les activités trop difficiles ou trop faciles par des exercices mieux adaptés à la réalité de son groupe. Cette adaptation est propre à l’enseignant et il le fait de manière intuitive, avec l’objectif d’aider et motiver ses apprenants à mieux apprendre la langue.

Dans le cas du Brésil, par contre, même en considérant la grande taille du pays et la bonne quantité d’apprenants de français, cette langue ne figure plus comme la langue étrangère la plus étudiée au pays. Comme nous l’avons vu plus haut (cf. Chapitre I), aujourd’hui le français atteint la troisième place parmi les langues étrangères, après l’anglais et l’espagnol. En ce qui concerne les manuels, nous n’avons pas donc un marché éditorial considéré comme intéressant pour la conception des matériels de français au Brésil, ce qui oblige les enseignants à le choisir parmi ceux qui sont fait en France.

L’exception est faite à partir d’actions isolées. Un exemple au Brésil est l’Etat de l’Amapá, au nord du pays. Pour être un état frontière avec la Guyane Française, l’intérêt pour la langue française là-bas est très fort, au point d’être une des langues étrangères étudiées dans le système public d’enseignement, ce qui justifie l’existence des manuels adaptés au contexte local. Sinon, nous n’avons que quelques cas isolés, particulièrement concernant des matériels pour le français sur objectifs spécifiques.

Ainsi, comme dans la réalité du Brésil en général il n’y a pas de manuels personnalisés pour l’enseignement du français au public brésilien, l’enseignant doit choisir donc parmi les possibilités existantes au marché éditorial français. Pour cela, il prend en considération certaines caractéristiques de son public pour diminuer le choix et faciliter sa tâche, à partir des classifications des manuels, que nous verrons à la suite.