3.3 Les outils qui facilitent la sélection

En considérant tous ces éléments et la réalité de la classe, la question qui se pose est comment bien choisir un manuel ? Cunningsworth (1995) propose 4 critères pour le choix. Selon lui, un manuel doit correspondre aux besoins de l’apprenant, refléter les usages que l’individu va faire du langage, faciliter le processus d’apprentissage sans imposer « dogmatiquement » une méthode rigide et jouer nettement le rôle de support pour l’apprentissage. Un choix plus pratique pour répondre à cette question peut être, comme montrent Cuq et Gruca (2003), l’utilisation d’un nombre considérable de grilles ou outils d’évaluation de manuels mis à disposition du professeur, qui permettent un examen du matériel à partir de quelques points de référence, comme le public visé, le type de langue privilégiée ou le contenu linguistique y présenté. Thierry (1987, 1991, 1997), par exemple, renouvelle et publie souvent l’analyse des principaux manuels pour l’enseignement du FLE disponibles dans le marché éditorial, et les classifient en 4 catégories, d’accord avec la classification même attribuée par les maisons d’édition : français à objectifs spécifiques (FOS) ; enseignement aux jeunes enfants ; jeunes adolescents et grands adolescents et adultes.

En effet, la réponse idéale à la question posée ci-dessus devrait être « un choix à partir des attentes et expectatives des apprenants, ainsi que leurs besoins, leur âge, etc. », mais ce n’est pas toujours celle la situation qu’on rencontre dans la pratique des écoles, comme affirme Carmagnani (1999). Selon l’auteur, l’adoption d’un manuel dépend, surtout, de l’influence de la maison d’édition, de sa stratégie de commercialisation, des accords faits avec les directions des écoles et d’autres aspects que les qualités pédagogiques du matériel. Il n’y a pas de doute que cette stratégie appliquée par les maisons d’édition a aussi influencé, et influence toujours, les changements de manuels de FLE au Brésil. Cela a été le cas, par exemple, du changement qui s’est produit entre les années 1998 et 2000 de la méthode « Libre Échange » par la méthode « Tempo », les deux éditées chez Didier/Hatier, qui a atteint les instituts de langues, Alliances Françaises et universités, et qui a motivé cette étude.

Ce témoignage de Carmagnani, même s’il est trop extrémiste, montre que le professeur, principalement des écoles, n’est pas toujours autonome pour choisir ce qu’il considère le matériel le plus adapté à utiliser en classe. En tout cas, c’est à lui, toujours que possible, de choisir le manuel le plus proche de la réalité des apprenants et de leurs attentes, comme affirme Courtillon (2003) :

« Se constituer une méthode suppose que l’on puisse analyser les besoins des apprenants, leurs caractéristiques socioculturelles, les chemins qu’ils ont à parcourir pour passer de leur langue maternelle (L.M.) à la langue cible (L.C.), c’est-à-dire ce qui constitue les variables de la situation d’enseignement. Cela suppose ensuite qu’on ait une vision claire du parcours d’apprentissage qu’implique l’acquisition d’un nouveau moyen linguistique de communication, et qu’on sache en évaluer les résultats. Il faut donc savoir utiliser de manière à la fois active et critique les différents moyens pédagogiques qui existent afin de réaliser au mieux le parcours en l’adaptant aux contextes particuliers des classes. » (Courtillon, 2003 : 10)

Ce choix est donc important pour que leur niveau motivationnel augmente ou soit maintenu de manière positive, et est déterminé par plusieurs facteurs, dont les principaux sont l’âge des apprenants et ses objectives et besoins.

Choisir le manuel qui sera utilisé en classe n’est pas une tâche simple, et plusieurs instruments ou outils ont été conçus pour faciliter le choix du professeur. Parmi cette grande variété, il est intéressant de connaître l’instrument élaboré et présenté dans le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL). Construit en forme d’une liste de questions qui seront répondues par le professeur, cet outil reflète les présupposés théoriques formulés par les chercheurs réunis dans ce projet.

Tableau 3 : Une liste de contrôle de sélection de manuels - CECRL
Une liste de contrôle de sélection de manuels
1. CONTENU
- Les auteurs du matériel établissent-ils une logique claire de ce qui doit être inclus dans le matériel ?
- Les objectifs principaux du cours et des unités sont-ils clairs ?
- Le matériel justifie-t-il ces objectifs ? Pensez-vous que les apprenants pourront atteindre ces objectifs en utilisant ce matériel ?
- Les objectifs du matériel sont-ils adaptés aux apprenants ?
- Le "niveau" du matériel est-il approprié ?
- Le rythme d'apprentissage anticipé est-il approprié ?
- Les thèmes sont-ils susceptibles d'intéresser les apprenants et de leur être utiles ?
 
2. SUPPORTS
- Le cours est-il basé sur des supports utiles et pratiques dans votre contexte ?
- Exploitez-vous des supports divers pour les possibilités uniques qu'ils offrent ?
- Toutes les composantes du cours sont-elles essentielles ou certaines sont-elles facultatives?
 
3. METHODOLOGIE
- Êtes-vous satisfait des convictions qui sous-tendent le matériel en matière d'apprentissage et de langue ?
- Le matériel contient-il différentes approches pour différentes finalités (composantes/supports) ?
- Le matériel contient-il des possibilités d'apprentissage et d'acquisition ?
- Le niveau de réutilisation de la nouvelle langue est-il adéquat ?
 
4. SOUTIEN AUX APPRENANTS
- Le matériel contient-il des ressources qui permettent aux apprenants d'étudier seuls en dehors de la salle de classe ?
- Existe-t-il du matériel de référence utile ?
- Existe-t-il du matériel utile de développement de l'apprenant ?
 
5. SOUTIEN AUX ENSEIGNANTS
- Le matériel fournit-il un degré adéquat d'aide, de conseil et de développement pour les enseignants susceptibles de travailler avec ce matériel ?
- Le matériel est-il suffisamment flexible pour permettre aux enseignants expérimentés de les exploiter de différentes manières ? Le matériel se prête-t-il à une complémentarisation ?
- Le matériel contient-il des informations culturelles et langagières complémentaires destinées à aider les enseignants ?
 
6. THEMES
- Sont-ils susceptibles d'intéresser, de faire participer et de stimuler vos apprenants ?
- Offrent-ils des possibilités d'établir un rapprochement avec l'expérience personnelle et les goûts et aversions de vos apprenants ?
 
7. TEXTE
- Est-il susceptible d'intéresser vos apprenants ?
- Est-il pertinent en termes de langue, de type de texte, de tâche, etc. ?
- Semble-t-il "réel" ?
- Est-il présenté de façon attrayante ?
 
8. TACHES
- La diversité des types de texte est-elle importante ?
- Vos apprenants vont-ils trouver ces types de tâches pertinents, intéressants, stimulants ?
- Les types de tâches permettent-ils de varier suffisamment le rôle de l'apprenant dans un cadre de communication ?
- Les types de tâches encouragent-ils autant le développement des compétences et des stratégies de l'apprenant que les compétences langagières ?
 
9. CONTROLE DES PROGRES
- Le matériel offre-t-il des instruments permettant de contrôler les progrès réalisés ?
- Existe-t-il d'autres tests disponibles ?
- Des examens externes se rapportent-ils à ce matériel ?

En lisant les questions proposées sur cette liste, on observe que plusieurs facteurs motivationnels soulignés par les théoriciens de la motivation y sont présents. Entre eux on remarque la préoccupation avec l’adaptation et la possibilité d’atteinte des objectifs de l’apprenant (contenu), l’utilité des supports, la réutilisation de la nouvelle langue (méthodologie), la possibilité d’autonomie de l’apprenant dehors de la salle (soutien aux apprenants), l’importance donnée à l’intérêt et stimulation de l’apprenant par les thèmes abordés (thèmes), l’intérêt, pertinence et attractivité des textes et des tâches proposées dans le manuel et, enfin, un contrôle régulier des contenus travaillés en classe, pour que l’apprenant soit capable de percevoir le progrès qu’il a réalisé.