4. L’interaction en classe de langues étrangères comme transposition du manuel

Lorsque nous parlons de l’enseignement/apprentissage de langues étrangères, nous l’associons à un système pédagogique organisé en classes et dans lequel s’utilise une méthodologie qui conduit le développement du cours. Pourtant, ce ne sont pas seulement les bases théoriques de la méthodologie qui déterminent cette progression. Elle est présente en classe à travers l’utilisation d’une méthode d’enseignement qui met en œuvre les préceptes qu’elle soutien. Dans ce cas, le manuel est une pièce fondamentale qui joue un rôle important dans l’organisation du système. C’est à lui de présenter les contenus qui seront travaillés, ainsi que la manière dont ils seront appliqués, ce qui lui donne un statut décisif en classe.

Comme nous l’avons mentionné plus haut le fort niveau d’influençabilité du manuel dans le contexte scolaire est fort et évident, à tel point que l’apprenant le voit tout de même, comme s’il était le gardien d’un savoir à déchiffrer. L’attitude de l’enseignant et le rôle de l’école dans le processus d’appréhension du savoir renforcent cet attribut d’autorité du manuel et cette croyance des apprenants qu’il est le principal détenteur du savoir à apprendre. Comme l’affirme Souza (1999 : 27)

« O caráter de autoridade do livro didático encontra sua legitimidade na crença de que ele é depositário de um saber a ser decifrado, pois supõe-se que o livro didático contenha uma verdade sacramentada a ser transmitida e compartilhada. Verdade já dada que o professor, legitimado e institucionalmente autorizado a manejar o livro didático, deve apenas reproduzir, cabendo ao aluno assimilá-la. » 16

Dans sa proposition, Souza affirme aussi que dans ce système scolaire c’est à l’enseignant qu’incombe la tâche de reproduire les contenus, les savoirs et « la vérité indiscutable » que le manuel apporte, vu qu’il est institutionnellement légitimé et autorisé à le manipuler ; à l’apprenant, il ne restait donc que les assimiler.

Le manuel se présente donc comme un élément déterminant de ce qui est important à apprendre, dans différents degrés d’utilisation d’une langue : le choix des contenus, la place de l’oral et de l’écrit, les niveaux de formalité, les contextes situationnels, les aspects culturels liés à la langue, entre autres. Un de ces choix concerne la référence linguistique qui sera apprise ; elle peut apparaître de diverses manières dans un manuel, dès l’option entre les variantes française, québécoise, belge ou suisse, par exemple, jusqu’à la sélection entre l’utilisation de la langue standard, colloquiale ou polie. Il peut en être de même à l’écrit, avec l’adaptation du registre de langue à chaque situation suggérée.

Ces décisions sont centrales pour le développement de l’apprentissage, vu qu’elles détermineront les caractéristiques des échantillons de langue utilisés dans les dialogues, activités et extraits du manuel qui serviront de référence de langue à l’apprenant, parfois même sa source unique. Comme l’affirme Coracini (1999 : 17), « não raro, o(s) livro(s) didático(s) corresponde(m) à única fonte de consulta e de leitura dos professores e dos alunos. » En reprenant les mots de Souza (1999) :

« Independente do livro didático adotado ou da disciplina abordada, o que se constata é que o livro didático constitui um elo importante na corrente do discurso da competência: é o lugar do saber definido, pronto, acabado, correto e dessa forma, fonte última (e às vezes única) de referência. » (Souza, 1999 : 27) 17

À partir de ce raisonnement, il nous est déjà possible de percevoir l’influence du manuel comme objet qui établit la dynamique de la classe. Cependant, il est indéniable qu’un manuel n’est rien avant son utilisation par les différents acteurs du processus d’enseignement/apprentissage : l’enseignant et l’apprenant, et cette utilisation est faite en interaction.

Notes
16.

« Le caractère d’autorité du manuel trouve sa légitimité dans la croyance de qu’il est le réservoir d’un savoir qu’il faut déchiffrer, car on suppose qu’il contient une vérité sacralisée à être transmise et partagée. Une vérité déjà prête que le professeur, légitimé et institutionnellement autorisé à manier le manuel, ne doit que reproduire et l’apprenant, l’assimiler. »

17.

« Indépendamment du manuel adopté ou de la discipline abordée, on constate que le manuel constitue un chaînon important dans la chaîne du discours de la compétence : c’est le lieu du savoir défini, prêt, fini, correct et de cette façon, dernière source (et parfois unique) de référence. »