2.3 La motivation et le manuel

Pour son caractère trop lié au comportement des individus, les études concernant la motivation en classe ont comme intérêt dans leur presque totalité les attitudes soit du professeur, soit de l’apprenant, sans réellement prendre en compte les éléments « non humains » qui y sont présents de manière significative. Ces éléments jouent le rôle d’instruments d’interaction entre l’enseignant et les apprenants, de forme à déterminer non rarement la manière comme cette relation sera établie.

Par contre, l’influence de facteurs externes commence à être prise en considération dans les nouvelles théories motivationnelles, à partir des années 90 du XXe siècle. Quelques tentatives isolées de détermination d’instruments d’analyse motivationnelle pour des activités ont été conçues et à partir de cela il est possible de mieux comprendre l’impact de ces éléments sur les situations réelles d’enseignement.

Ainsi, dans une situation d’enseignement/apprentissage, les réactions de l’apprenant face aux objets externes comprennent, par exemple celles vis-à-vis du manuel, des cassettes, des livres de littérature en langue étrangère ou même par rapport aux attitudes du professeur. Ces réactions pourront être positives ou négatives, et aller de l’augmentation de la motivation au désintérêt, au rejet, voire à l’abandon du projet d’étude. De ce point de vue, la qualité et l’organisation du contenu du manuel, son style graphique, les photographies, les couleurs, etc., ont une grande importance dans la motivation de l’individu. Ce sont ces caractéristiques qui vont y déclencher des réactions positives ou négatives.

Pour Alonso (1991) il y a une série de variables qui peuvent motiver l’apprenant dans son apprentissage, qui sont (a) les contenus et la manière dont ils sont présentés ; (b) les tâches à réaliser et la forme de leur présentation ; (c) la manière d’organiser l’activité ; (d) le type et la forme de l’interaction avec les autres apprenants ; (e) les recours techniques et méthodologiques utilisés en salle par le professeur ; (f) les messages donnés par le professeur ; (g) les résultats obtenus par l’apprenant et, finalement, (h) l’évaluation.

Ce qu’on voit à travers ces variables soulignés par Alonso est qu’elles ne font seulement référence à la manière comme les activités doivent être organisées, responsabilité qu’on pourrait à la limite passer aux auteurs du matériel, mais aussi la manière comme elles sont travaillées par le professeur en classe, en situation d’interaction avec les apprenants, comme « le type et la forme d’interaction avec les autres apprenants » ou « les messages donnés par le professeur ». Cette constatation est importante pour qu’on perçoive la nécessité d’avoir un professeur conscient de son rôle comme premier lecteur et utilisateur du manuel qui sert de base à son cours.

D’où un déplacement de point de vue : depuis quelques années, des chercheurs voient dans les instruments pour connaitre la motivation des apprenants des outils pour évaluer la capacité des activités à faire naitre cette motivation. Un de ces chercheurs est Viau (1999) et, pour lui, une activité doit donc :

  1. responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix ;
  2. donner à l’apprenant la possibilité d’interagir avec les autres apprenants et de collaborer avec eux ;
  3. être interdisciplinaire ;
  4. comporter des consignes claires ;
  5. se dérouler sur une période de temps suffisant.

Il est important de remarquer que ces caractéristiques ne sont pas ici classées de manière hiérarchique et ne sont pas non plus obligatoirement présentes dans tous les exercices, mais, par contre, les activités qui les englobent en grand nombre seront considérées comme plus motivationnelles.

Une fois de plus, à partir des caractéristiques citées par Viau, on remarque la valeur donnée à la relation entre l’apprenant et son apprentissage, et dont témoignent les activités pédagogiques. Elles doivent avoir un sens pour l’apprenant et correspondre à ses buts et à ses attentes, tout en étant productives. La responsabilité de l’individu n’est pas oubliée, car il est constamment encouragé à résoudre un problème à partir d’un défi cognitif et responsabilisé par ses choix. Deux types d’interaction sont marqués : la première, plus pédagogique, montre l’importance de l’intégration entre les différents contenus travaillés par le professeur dans une même discipline, et avec les autres disciplines. La deuxième interaction, plutôt sociale, permet l’intégration entre l’individu et ses collègues de classe.

Sur la base des différents facteurs identifiés et à partir d’un échantillon d’activités, Sánchez Pérez (1993), lui aussi, établit une série de caractéristiques qu’il considère comme distinctives dans le domaine de la motivation. Ces caractéristiques sont plus significatives pour l’auteur que d’autres facteurs et leur présence ou absence dans l’activité signifierait aussi la présence ou l’absence d’une potentialité motivationnelle déterminée :

Quand on compare les deux listes de caractéristiques relevées par Viau (1999) et Sánchez Pérez (1993), on trouve plusieurs points en commun : le caractère interactionnel nécessaire à une activité, la nécessité qu’elle soit signifiante et utile à l’apprenant, ainsi que l’intérêt qu’elle présente un défi qui exige une implication cognitive de l’apprenant.

Ces résultats apportés par Viau et Sánchez Pérez sont une bonne référence pour analyser ce que les professeurs font dans leur pratique en classe de langue, tandis que leur objectif est de motiver l’apprenant et rapprocher l’apprentissage de ses intérêts, de forme qu’il soit effectif pour lui. On verra ultérieurement dans cette étude si cela se confirme dans la pratique, à travers l’analyse du corpus disponible.