1.3 Europe et Brésil

L’Europe, de la façon dont elle est organisée actuellement, permet le développement d’une politique linguistique que le Brésil, comme pays, ne peut pas encore faire. La force politique et économique d’un pays ou d’une région comme l’Europe, joue un rôle significatif dans l’applicabilité et la propagation de sa politique et de sa planification linguistique, à tel point qu’il serait possible d’influencer significativement d’autres pays qui ne sont pas concernés de prime abord.

C’est le cas du Brésil par rapport à l’Europe et à la politique linguistique que l’Union Européenne met en pratique actuellement à travers la Division de Politiques Linguistiques (DPL) du Conseil de l’Europe. Les actions amenées auront des conséquences dans toute l’Europe, comme c’était le but, mais également dans d’autres continents, comme l’Amérique, où il a servi de source à des documents comme le « Orientações Curriculares Nacionais (OCN) » (Brasil, 2006) au Brésil, présenté dans le premier chapitre de cette étude, dont le matériel produit par le Ministère de l’Education brésilien établit les principes de l’enseignement de langues dans le pays.

Comme nous l’avons vu auparavant, la relation entre l’Europe et le Brésil est très forte, particulièrement en ce qui concerne les références culturelles diffusées par les immigrants européens présents dans les différentes régions du pays. En plus, jusqu’aux années 1960, les habitudes européennes et en particulier celles de la France, ont influencé la vie sociale et culturelle des Brésiliens.

Cette condition historique a laissé des traces importantes dans le comportement des Brésiliens, en même temps qu’elle a créé une dichotomie significative par rapport au chemin qu’un pays en voie de développement cherche naturellement à suivre. Ainsi, on trouve d’un côté l’Europe, la plus grande référence historique à tous les pays d’Amérique, par elle découverts et colonisés ; de l’autre côté les Etats-Unis, pays aussi jeune que les autres de l’Amérique, mais qui représente aujourd’hui la grande force économique mondiale et par conséquent politique et linguistique, liaison directe que nous venons d’exposer dans ce chapitre.

Cela veut dire dans la pratique que les référentiels brésiliens concernant la vie sociale et éducative, ainsi que politique et linguistique, passent d’un extrême à l’autre, tournant leur regard soit vers les Etats-Unis, soit vers l’Europe. Ainsi, en même temps qu’on peut avoir une immense influence nord-américaine à travers la musique, le cinéma, l’informatique et les habitudes de consommation, on garde toujours le continent européen comme la grande référence éducative du pays.

Au niveau linguistique, la force de la langue anglaise est indéniable et elle apparaît, ainsi qu’en Europe, comme la première langue enseignée dans le pays. Par son importance mondiale, la motivation pour l’apprendre est aussi remarquable dans le pays et elle est enseignée dans la plus grande majorité d’écoles d’enseignement fondamental, ainsi que dans des centres privés d’enseignement de langues.

Toutefois, nous avons déjà exposé dans cette étude une tendance actuelle à un changement ou revirement du choix de la langue étrangère étudiée dans les écoles fondamentales brésiliennes précisément à travers la politique linguistique de l’actuel gouvernement du pays, qui dès 2003 a comme objectif le renforcement des relations politiques, économiques et linguistiques avec les autres pays de l’Amérique du Sud, qui ont l’espagnol comme langue maternelle. Cette nouvelle politique oblige donc les écoles à enseigner l’espagnol langue étrangère à la place de l’anglais. Par conséquent, le français, première langue étrangère étudiée au Brésil jusqu’aux années 60 devient ainsi la troisième langue choisie actuellement et chaque fois plus liée à l’élite du pays.

Les choix de cette attitude prise par le gouvernement brésilien montrent clairement son but d’essayer d’empêcher ou de réduire l’impact de la langue anglaise et de l’influence nord-américaine dans le pays, en parallèle avec ce qui est fait par l’Union Européenne, même si c’est pour des raisons différentes, et nous percevons aujourd’hui que cette position est suivie par plusieurs pays sud-américains, notamment au niveau politique.

Ainsi le référentiel pour l’enseignement de langues étrangères qui venait déjà très fortement de l’Europe est accentué, même si c’est de manière indirecte, par cette réaction assez négative (et de manière dissimulée) par rapport à l’anglais. Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL) devient donc le document de référence pour l’implantation de cette nouvelle planification linguistique au pays, particulièrement dans le cas de l’espagnol, puisqu’il sera implanté dans les écoles régulières, mais aussi dans l’enseignement à travers les centres privés de langues, qui utilisent les matériels importés de Europe et qui se sentent aussi rassurés par le support que le Ministère de l’Education apporte au Cadre au moment où il l’utilise comme modèle au Brésil aussi.

En ce qui concerne notre étude, par contre, le Cadre est beaucoup plus qu’une influence ; il apparaît comme une grande référence, puisque les méthodes utilisées au Brésil pour l’enseignement du français comme langue étrangère sont produites en France, ont un caractère universaliste et se proposent d’aider l’apprenant à atteindre les niveaux de langue pour passer les examens linguistiques officiels du pays. Ainsi, il apparaît indispensable qu’une analyse plus détaillée de ce qui est le Cadre, ses objectifs et ses répercussions jusqu’à ce moment soit faite afin de comprendre mieux son influence au moment de la transposition didactique de la classe de FLE au Centre de Langues de l’Université Fédérale du Paraná.