2.1 Utilisations du CECRL

Dans son chapitre de présentation, le CECRL clarifie les utilisations auxquelles est destiné le matériel – l’élaboration des programmes d’apprentissage des langues ; l’organisation des certifications en langues et la mise en place d’un apprentissage autodirigé – et nous permet de comprendre les objectifs essentiels du document :

« Le Cadre européen commun de référence servirait notamment à : élaborer des programmes d’apprentissage des langues prenant en compte : les savoirs antérieurs acquis et l’articulation de ces programmes avec les apprentissages précédents, notamment aux interfaces entre le primaire, le premier cycle du secondaire, le second cycle du secondaire, l’enseignement supérieur et l’enseignement continu ; les objectifs ; les contenus ; organiser une certification en langues à partir : d’examens définis en termes de contenu ; de critères d’appréciation formulés en terme de résultats positifs, plutôt qu’en soulignant les insuffisances ; mettre en place un apprentissage autodirigé qui consiste à : développer chez l’apprenant la prise de conscience de l’état présent de ses connaissance et de ses savoir-faire ; l’habituer à se fixer des objectifs valables et réalistes ; lui apprendre à choisir du matériel ; l’entraîner à l’autoévaluation. » (Conseil de l’Europe, 2001 : 12)

Le premier point souligné est l’élaboration de programmes d’apprentissage des langues. Il préconise une structuration des relations entre les différents systèmes d’enseignement de langues, encourageant notamment l’enchaînement entre les cycles. Cela permet un renforcement de l’enseignement à l’école, garantissant la connaissance de la langue étrangère sans la nécessité de recourir à des écoles privées. De la même manière, l’établissement des objectifs et des contenus de ces niveaux préserve une cohérence continue et assure la constance de l’apprentissage dans les circonstances les plus diverses : pour l’apprenant qui étudie toujours dans une seule école, pour celui qui change d’école dans un même pays ou pour celui qui part ailleurs dans la zone européenne régi par le Conseil de l’Europe.

L’autre point noté par le Cadre est le besoin d’organisation d’une certification en langues. Le public cible dans ce cas ne sera pas les apprenants faisant partie de la communauté européenne, mais plutôt les étrangers d’autres continents, qui ont l’envie ou la nécessité d’aller étudier ou travailler dans un des pays membres et qui pour cela doivent prouver un certain niveau de connaissance de la langue. Cela est important non seulement pour garantir un bon développement de ces activités, soit dans un milieu éducatif, soit dans le domaine professionnel, mais aussi dans son insertion à la vie quotidienne du pays, ses habitudes et sa culture. 

Actuellement, la Division des Politiques Linguistiques amène de manière expérimentale un projet pour relier les certifications existantes auparavant aux principes et objectifs du Cadre. À travers le manuel « Relier les examens de langues au Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer (CECRL) 31», daté de septembre 2003, la Division met en œuvre une étude pour faciliter l’adaptation des certifications à la nouvelle grille de référence, où le niveau des apprenants est distingué en 6 catégories, ce qui sera développé de manière plus détaillée ultérieurement. Ainsi,

« Le manuel s’attache donc à : contribuer à construire une compétence dans le domaine de la relation des examens de langues avec le CECR ; encourager une plus grande transparence chez les concepteurs d’examen ; encourager la constitution de réseaux d’organismes et d’experts, officiels ou non, tant au plan national qu’international. 32 »

On remarque que le texte renforce l’idée que son objectif dans ce cas n’est pas d’établir des niveaux de qualité pour les examens, qui doivent plutôt l’avoir auparavant, mais de créer des paramètres capables de valider l’évaluation à partir des nouveaux principes apportés par le référentiel et, par conséquence, être ratifiée par le Conseil de l’Europe et par d’autres institutions fédérales ou régionales des États membres.

Parmi les diplômes officiels de connaissance de la langue française, les plus traditionnels, délivrés par le Ministère de l’Education Nationale français sont le DELF (Diplôme d’études en Langue Française) et le DALF (Diplôme Approfondi de Langue Française). Traditionnellement cherchés par les étrangers, surtout parce qu’ils sont acceptés comme validation de niveau de langue par les universités française, les deux diplômes ont souffert d’un changement dans leur structure depuis septembre 2005, visant à l’harmonisation de leur contenu avec les principes du CECR. La composition DELF 1er degré avec 4 examens, DELF 2e degré avec 2 examens et DALF avec 4 examens est remplacée par 6 examens qui sont organisés comme suit : DELF A1, DELF A2, DELF B1, DELF B2, DALF C1 et DALF C2. Si auparavant les compétences étaient évaluées de manière indépendante, particulièrement à partir du 2e degré du DELF, aujourd’hui elles sont intégrées à tous les examens. Ce changement est très significatif car ces examens servent de référence aux étrangers et font partie des divers matériels didactiques pour l’enseignement du FLE, ce qui inclut le manuel analysé dans cette étude et dont ont discutera postérieurement les aspects particuliers.

Comme le DELF et le DALF, d’autres certifications sont aussi utilisées en France, basées sur les niveaux du CECR : le Test de Connaissance du Français (TCF) et le Diplôme Initiale de Langue Française (DILF), coordonnés par le Centre International d’Études Pédagogiques (CIEP), chargé de l’organisation des examens institués par le Ministère de l’Education Nationale français. De plus, suite à la publication du Cadre, plusieurs examens de Français sur Objectifs Spécifiques (FOS) sont aussi adaptés ou élaborés, tout en utilisant les principes et, en particulier les niveaux de référence élaborés dans le document.

Cette grande diversification d’examens en France et ailleurs est possible car le Conseil de l’Europe n’impose pas un type spécifique d’évaluation, permettant que les caractéristiques pertinentes à chaque certification soient maintenues. Par contre, le fait d’avoir sa base fondée sur les mêmes niveaux de référence, présuppose une standardisation de ces tests, où ils deviennent trop normatifs et répétitifs. Pour sa part donc le Cadre établit juste une typologie des programmes et certifications :

« Les programmes d’apprentissages et les certifications peuvent être – globaux, faisant progresser l’apprenant dans tous les domaines de la compétence langagière et de la compétence à la communication ; - modulaires, développant les compétences de l’apprenant dans un secteur limité pour un objectif bien déterminé ; - pondérés, accordant une importance particulière à tel ou tel aspect de l’apprentissage et conduisant à un « profil » dans lequel les savoirs et savoir-faire d’un même apprenant se situent à des niveaux plus ou moins élevés ; - partiels, ne prenant en charge que certaines activités et habiletés (la réception, par exemple) et laissant les autres de côté. » (Conseil de l’Europe, 2001 : 12)

Ces caractéristiques des programmes d’apprentissages et certifications montrent l’intention première du document de servir de direction pour l’apprentissage des langues sans imposer une méthodologie ou des objectifs. Cherchant l’idéal d’être « suffisamment exhaustif, transparent et cohérent », le texte se structure comme un référent élaboré pour faciliter les différents acteurs du processus d’enseignement/apprentissage à identifier les besoins et les objectifs de chaque cours, adaptant les matériaux et les méthodes d’enseignement, ainsi que les programmes, les contenus et l’évaluation de l’apprentissage.

Finalement, le Cadreconforte une tendance importante de la fin des années 90 touchant la préoccupation pour le cognitif, avec le développement de la capacité de l’individu à apprendre de manière autonome, ainsi que la compréhension de son style d’apprentissage, pour ainsi être capable de chercher les matériels les plus adéquats à son intérêt, capacité et niveau de langue. Ce positionnement comme apprenant apporte à l’individu une motivation pour continuer son processus d’apprentissage, en ayant une attitude positive face aux défis et lui apportant un sens de responsabilité concernant les décisions prises et les résultats obtenus.

Pour cela, elle propose un travail de conscientisation de l’apprenant considérant ses objectifs, intérêts et attentes, pour qu’ils soient principalement valables, faisables et réalistes. Cette prise de conscience favorisera son apprentissage vu que l’essence du processus est exactement l’atteinte des buts établis par l’individu lui-même et non par un curriculum pré-établi, par exemple.

Ainsi, pour aider l’apprenant dans les tâches de gérant de son propre apprentissage et d’évaluateur de ses acquis, les experts du Conseil de l’Europe ont crée un document dénommé « Portfolio européen de langues » qui se développe en parallèle avec les paradigmes du Cadre et avec lequel on doit travailler, invitant constamment l’apprenant à analyser et re-évaluer ses connaissances. La structure de ce document ainsi que son application seront donc exposés et approfondis.

Notes
31.

Vue d’ensemble. Avant-projet de manuel. DGIV/EDU/LANG (2003)10. Division des Politiques Linguistiques, Strasbourg, Novembre 2003.

32.

Ibid. pg. 15.