6. Applications du cadre et des Niveaux communs de Référence

6.1 Le Portfolio

Le Portfolio européen de langues fonctionne comme un outil d’auto-évaluation de l’apprenant, pour qu’il puisse vérifier son évolution et son parcours dans l’apprentissage de la langue étrangère. Ce portfolio nous intéresse aussi dans cette étude car il valorise le processus d’apprentissage et lui donne une fonction de motivation. Il permet à l’apprenant de percevoir ses progrès et ses réussites pendant l’apprentissage de la langue. Selon le Conseil de l’Europe, dans son site dédié à ce document34,

‘« Il s'agit d'un document dans lequel toute personne qui apprend ou a appris une langue - que ce soit à l'école ou en dehors - peut consigner ses connaissances linguistiques et ses expériences culturelles, ce qui peut l'inciter à réfléchir sur son apprentissage. » (Conseil de l’Europe, en ligne)’

Ces observations et réflexions concernant l’apprentissage de la langue sont faites donc par l’apprenant au fur et à mesure que son processus se développe et a comme principal objectif la motivation de l’apprenant à travers la perception de sa progression dans la langue, ainsi que la clarification de ses capacités langagières et culturelles pendant qu’elles sont acquises.

Ces objectifs sont basés sur deux fonctions essentielles. La première, la fonction pédagogique, espérer augmenter la motivation des apprenants pour apprendre une langue étrangère à travers le développement de leurs capacités à communiquer dans différentes langues et à avoir des expériences interculturelles ; les amener à une réflexion concernant leurs objectifs et la manière de les atteindre, ainsi que planifier et évaluer constamment l’apprentissage ; les encourager à entrer en contact avec la langue étrangère, soit en connaissant des natifs, soit à travers la lecture et les médias. La deuxième est la fonction de documentation et de présentation, où le Portfolio motive l’apprenant à documenter ses expériences dans l’autre langue, analysant aussi son niveau de compétence par rapport aux niveaux de références déterminés par le Cadre.

Pour que ces fonctions et objectifs soient atteints, le Portfolio de langues a été donc institué et comporte fondamentalement trois éléments : le passeport des langues, la biographie langagière et le dossier. Selon les directrices approuvées par le Conseil de l’Europe35, les éléments sont ainsi décrits :

Le Passeport de Langues :

‘« Le Passeport donne une vue d'ensemble des capacités de l'apprenant en différentes langues à un moment donné ; cette vue d'ensemble est définie en termes de capacités en relation avec les niveaux de compétence du Cadre européen commun de référence ; le Passeport mentionne les certifications officielles et fait état des compétences langagières et d'expériences d'apprentissage linguistiques et interculturelles significatives ; il inclut des informations sur les compétences partielles et spécifiques ; il réserve une place à l'auto-évaluation, à l'évaluation par des enseignants et des institutions scolaires, ainsi que par des organismes de certification. Il exige que soit mentionné explicitement sur quelle base, quand et par qui l'évaluation a été réalisée. Afin de faciliter la reconnaissance du PEL au niveau pan-européen et la mobilité des citoyens, le Conseil de l'Europe propose un Résumé de Passeport standardisé pour les apprenants adultes. » (Conseil de l’Europe, 2000)’

Le passeport serait donc l’outil auto-évaluatif de l’apprenant, avec lequel il serait capable d’évaluer ses compétences et son apprentissage à partir de l’échelle établie par les Niveaux de Référence pour le Langues. Cette évaluation prend en compte donc une classification standardisée de ces compétences, ce qui permet à l’apprenant un référentiel dans n’importe quel pays de l’Union Européenne. Il est complété par la biographie langagière :

‘« Cette partie est organisée de façon à favoriser l'implication de l'apprenant dans la planification de son apprentissage, dans la réflexion sur cet apprentissage et dans l'évaluation de ses progrès ; elle donne à l'apprenant l'occasion d'établir ce qu'il/elle sait faire dans chaque langue et de mentionner les expériences culturelles vécues dans le contexte éducatif officiel ou en dehors de celui-ci ; elle est organisée en vue de la promotion du plurilinguisme (c'est-à-dire, le développement de compétences dans plusieurs langues). » (Conseil de l’Europe, 2000)’

L’élément « passeport de langues » plus pratique et direct pour l’apprenant, qui doit le compléter à partir des expériences réelles de son apprentissage, de manière presque descriptive, témoigne de l’importance donnée à la « biographie langagière » par le Portfolio. En effet, c’est elle qui amène effectivement l’apprenant à une réflexion concernant son processus d’apprentissage, à une analyse de ces procédures et par conséquent à une possible modification des stratégies qu’il a adopté afin d’améliorer sa performance en langue étrangère.

Du point de vue pédagogique, elle apparaît comme un élément fondamental de l’auto-évaluation. Le dossier, au contraire, « offre à l'apprenant la possibilité de sélectionner des matériaux qui lui serviront à documenter et à illustrer ses acquis ou les expériences mentionnées dans la Biographie Langagière ou le Passeport. » (Conseil de l’Europe, 2000) ; il est la matérialisation des pratiques développées par l’apprenant, où il peut illustrer ces activités et expériences relatées dans les parties antérieures.

Initialement prévu comme un outil de base pour l’apprentissage de langues sans une standardisation par le Conseil de l’Europe, le Portfolio est devenu aujourd’hui un des plus importants recours pour l’apprenant. Le fait qu’il soit pratique et applicable a motivé les responsables de différents pays à l’adapter à chaque réalité et à le publier dans des formats divers.

Il est aujourd’hui possible de trouver 89 modèles de Portfolios validés par le Conseil de l’Europe, dont 04 pour la France : le modèle 2.2000 – pour les enfants et accompagné d’un livret d’utilisation ; le 5.2000 – pour jeunes et adultes et révisé en 2006 ; le 44.2003 – pour des apprenants dans le premier cycle de l’enseignement secondaire et le 48.2003 – pour les apprenants dans l'enseignement professionnel élaboré par l'Université de Sofia en coopération avec 5 pays européens. Les modèles français nous montrent que le Cadre a en fait atteint toutes les branches de l’enseignement de langues, soit pour les enfants, les adultes, l’enseignement régulier ou professionnel, même si certains publics n’étaient pas visés auparavant, comme dans le cas des professionnels.

Dans toutes les publications, il est bien souligné l’importance de l’outil comme un matériel qui appartient à l’apprenant et qui par conséquent doit être rempli par lui-même, de manière autonome et consciente. Cela est aussi une manière de le faire participer activement à son processus d’apprentissage et devenir responsable par le développement de ses compétences. C’est là une donnée motivationnelle importante soulignée par les spécialistes de ce domaine (Viau, 1994, 1999 ; Dörnyei, 2000, 2001), qui incite l’individu à prendre des décisions par rapport à son apprentissage.

Notes
34.

Texte disponible sur le site http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Portfolio_FR.asp

35.

DGIV/EDU/LANG (2000) 3