7.2 Elargissement des objectifs premiers

Reprenant cette idée d’un document dense dans la reprise des concepts théoriques qui forment la base pour l’application, il serait facile d’accepter une utilisation plus vaste de ces instructions. Initialement conçu comme un outil évaluatif, rapidement il a gagné un espace plus large, même si son premier objectif se maintient jusqu’à présent comme le principal. Comme l’expose Coste (2007a : 06), « Il est clair que les six niveaux ont constitué, pour le Cadre, le facteur principal de mise en visibilité et la composante la plus « portée » par les mouvements du moment ».

Toutefois, les possibilités d’amplification de cette perspective étaient envisagées déjà à l’intérieur du Conseil de l’Europe et, plus tard, dans la pratique de classe. Beacco (2004 : 25), par exemple, affirme que « Le Cadre européen commun de référence (CECRL) n’est pas un outil prescriptif mais, pas sa qualité et par ses intuitions didactiques, il offre une plate-forme de réflexion qui alimente aujourd’hui offres de cours et certifications ». Cette préoccupation de ne pas limiter le Cadre à un simple outil évaluatif était aussi une préoccupation de John Trim, directeur des projets « Langues Vivantes » du Conseil de l’Europe. Son intention d’amplifier le rôle joué par le document est témoignée par Coste (2007a : 03)

« Le premier déplacement opéré par l’impulsion de John Trim consista à faire en sorte que ce cadre de référence ne concerne pas seulement l’évaluation, mais aussi l’enseignement et l’apprentissage, et cela avec un souci de très large ouverture, sans aucun dogmatisme méthodologique. Le second élargissement consista à vouloir (…) que le cadre de référence soit un instrument de dialogue et de coopération avec ces espaces qui avaient été marqués par des traditions didactiques et pédagogiques autres, dont l’instrument à élaborer devait aussi rendre compte. »

Ainsi, dès le début le Cadre a été élaboré pour faire double usage, dans le sens qu’initialement le but était la création d’un outil d’évaluation pour aider dans les examens, en même temps qu’on voit à l’intérieur du groupe concepteur une tendance, comme celle de John Trim, très influente d’ailleurs, d’élargir cette fonction à des horizons plus amples.

L’intention était aussi, selon les concepteurs, d’établir quelque chose non imposée aux professeurs, qui seraient invités à mettre en évidence dans la transposition didactique de leurs cours ce qui est important à leurs apprenants, sans l’obligation de suivre des règles ou des normes qu’on suppose être imposées par le Conseil de l’Europe, à travers le Cadre. Par contre, avec sa disponibilité en 36 langues, il était normal de présumer qu’il y aurait des lectures différentes de celles qui ont été imaginées auparavant. Coste (2007b : 04) est conscient de cette reprise un peu détournée du texte et expose que

« (…) les choses ne sont pas passées exactement comme attendu. C’est plutôt l’inverse qui s’est souvent produit : le Cadre a été perçu comme une norme européenne, quasiment comme une prescription ou un injonction, à laquelle il conviendrait que les différents contextes, bon gré mal gré, se conforment.(…) Le Cadre de Référence ainsi compris risquait (risque encore ?) dès lors de devenir un instrument fermé, une procédure du type top down. »

Considérant ses lectures différentes, il faut donc maintenant imaginer ce que cela donnera après leur application dans des perspectives sociolinguistiques distinctes, fait inévitable étant donné que la reprise du Cadre dans les documents éducatifs officiels de plusieurs Etats membres est une réalité consolidée. De toute manière, les résultats prendront encore du temps pour être analysés de façon fiable et concrète, afin d’apporter une idée plus palpable évidente de la pratique de classe de langues.