Réception Orale

Bien que Parmi les auteurs considèrent que les quatre compétences sont d’égale importance, ils donnent leur préférence à l’oral. Cette intention apparaît dès le livre de l’élève, quand dans l’unité zéro les auteurs dédient une grosse partie des explications à la rubrique « s’exprimer », signalant la phonétique avec les sons du français – pages 14 et 15 – la répétition orale de l’alphabet – page 16 – et les phrases plus utilisées en classe – page 17. La rubrique « Agir – Réagir », dans la page 12, attire l’attention de l’apprenant sur l’utilisation de la langue à travers un dialogue et finalement, la grammaire et l’écrit n’apparaissent que dans la rubrique « connaître et reconnaître », dans la page 13.

La prédilection des auteurs pour l’oral se manifeste également dans l’avant-propos du livre de l’élève, lorsqu’ils affirment que « les langues sont d’abord des sons, des musiques, des rythmes qu’on perçoit et qu’on met en mémoire. » (Baylon, Campà et al. 2000a : 05). Mais c’est dans le guide pédagogique que cette proposition est le mieux détaillée, en particulier à travers le souci d’une excellence de la prononciation, dans la production orale. Selon les auteurs, « FORUM s’attache à redonner à la phonétique le statut et le rôle importants qui sont les siens dans l’activité langagière et dans le processus d’enseignement/apprentissage. » (Baylon, Campà et al. 2000b : 16)

Les auteurs justifient l’importance qu’ils donnent à la phonétique et d’une certaine manière imposent au professeur leur point de vue lorsqu’ils séparent un moment de leur exposition de la méthode dans le guide pédagogique pour répondre à la question « Pourquoi apprendre/enseigner la prononciation du français ? » (page 16). Selon eux,

« Notre image mentale des langues est une image phonique (même en « lisant des yeux », même lorsque nous « pensons », notre voix intérieure [Barbizet, Angelergues] utilise l’image sonore de la langue) : l’oralité est consubstantielle aux langues, elle fait partie de leur naturalité. C’est à ce titre que la phonétique a sa place dans une méthode d’enseignement du français. On peut affirmer, sans craindre le paradoxe, que, même si l’apprenant n’avait jamais à communiquer oralement, le travail sur la prononciation serait indispensable. Cette question préalable – qui peut d’ailleurs être posée et débattue en langue maternelle – est souvent déterminante pour motiver l’apprenant. » (Baylon, Campà et al., 2000b : 16)

On ne peut pas nier que les pratiques orales deviennent rapidement plus fréquentes et constantes, en particulier grâce à l’évolution des recours technologiques, et que l’hypothèse que l’apprenant ne communique jamais oralement dans la langue cible est en effet improbable. Mais la proposition des auteurs est d’utiliser largement la connaissance de la phonétique, non seulement à l’oral, mais aussi, à l’écrit. Il s’agit de rendre explicite et opérationnelle la place de l’oralité, souvent présente de manière diffuse et inconsciente dans les pratiques de l’écrit.

Cet attachement à l’oral, et en particulier à la production, est toujours bien reçue par les professeurs de langues, principalement de langues étrangères, car il est en général l’objectif primordial des apprenants, au même temps qu’une des compétences plus difficiles à acquérir, notamment quand on est loin de la région où la langue est parlée. De cette manière, dans la rubrique « s’exprimer » il est proposé une certaine quantité d’activités qui ont pour objectif d’aider l’apprenant dans sa prononciation :

« L’opposition entre sons bémolisés [ y ],[ ç ] et sons graves [ u ], [ w ] ’ ‘ 1. Écoutez et répétez les mots diapasons :
- sons bémolisés : [ y ] bus [ ç ] huit
- sons graves : [ u ] cou [ w ] toit
’ ‘ 2. Écoutez et dites si vous entendez la phrase a ou la phrase b
- a Tenez, c’est pour lui, prenez-le.
b Tenez, c’est pour Louis, prenez-le.
- a Vous le mettez au-dessus, s’il vous plait.
b Vous les mettez au-dessous, s’il vous plait.
- a Louis s’est tu.
b Louis sait tout.
- a C’est une très grande rue.
b C’est une très grande roue.
- a Il est sûr, très sûr.
b Il est sourd, très sourd.
- a Dimanche, huit mai, le soir, vers dix heures.
b Dimanche, oui mais… le soir, vers dix heures.
’ ‘ 3. Écoutez et répétez. Respectez bien l’intonation.
- Cette nuit il a plu. → [pli], [plu], [ilaply], [ii], [yi], [sEtnçi ilaply]
- Où est-ce que tu l’as connu ? → [koni], [lakony], [wEsk«], [tylakny], [wEsk«tylakony]
- Tu l’as lu ? → [lali], [lalu], [laly], [tilali], [tulalu], [tylaly]
- C’est entendu, rue de Picpus. → [pis], [ikpis], [ykpys], [pikpys], [tãtãti], [sEtãtãdy] » (Baylon, Campà et al., 2000a : 106)

Ces trois activités présentées dans l’unité 5, nous donnent un bon aperçu des propositions faites aux apprenants concernant la phonétique au long du manuel. Les trois composent un crescendo de complexité, où la première se centre sur les quatre sons à apprendre, la deuxième compare deux phrases similaires et dont l’apprenant doit reconnaître la différence de forme toujours passive, et la troisième activité, où l’apprenant doit non seulement reconnaître les sons qu’il entend, sinon les répéter correctement, dans une position complètement active.

Malgré les efforts des auteurs, les critiques à ce type d’activités sont grandes et fortes, au moins au Brésil. La première critique vient probablement des préceptes de l’approche communicative, qui considérait l’importance du contexte pour la compréhension d’un énoncé. Avec cette idée, le professeur rejette dès le principe l’application des exercices, en les considérant trop structuralistes ou répétitifs. Un autre argument souvent utilisé par les professeurs est le choix des sons qui seront étudiés qui, en raison de la conception généraliste des manuels, développés de manière ample et sans prendre en compte la langue maternelle du public, présentent parfois des activités qui n’apportent aucune connaissance à l’apprenant et qui ne sont pas, par conséquent, intéressantes ou motivantes, et cela d’autant plus lorsqu’on parle de l’apprentissage du français au Brésil, pays dont la langue est aussi d’origine latine et qui garde donc une structure similaire à celle du français.

Une autre difficulté qui apparaît dans ces situations vient de la proposition faite dans l’exercice trois, où l’apprenant doit écouter chaque phrase et, non seulement les répéter, mais établir la correspondance entre ce qu’il entend et la transcription phonétique présentée dans la suite. Les barrières ici sont importantes. Premièrement, la complexité naturelle de la répétition des sons d’une autre langue qui sont, parfois, complètement différents de ceux de sa langue maternelle ; ensuite, la nécessité d’apprendre, non seulement la langue étrangère – suffisamment difficile – mais aussi l’alphabet phonétique international, qu’on n’utilise même pas dans notre langue maternelle ; finalement, le temps passé en classe pour ces activités est important et souvent difficile à justifier auprès des enseignants, qui finissent par les remplacer par d’autres qu’ils considèrent plus amusantes, plus intéressantes ou plus motivantes, comme on le verra. Il faut souligner que ce type d’activité figure dans toutes les unités, à l’exception de l’unité 09, la dernière du livre.

Nonobstant, la réception orale ne se restreint pas aux activités de phonétique et est motivée par l’utilisation d’autres recours comme les dialogues, qui exposent la langue en contexte et de façon plus naturelle. Ces dialogues sont présents dans toutes les unités du livre, de manière constante, spécialement dans deux rubriques : « Forum » et « Agir – Réagir ». Les objectifs sont différents pour chaque étape ; dans la première, ils sont formulés avec le but d’introduire l’apprenant dans le thème qui sera abordé dans l’unité. Le degré de difficulté augmente progressivement au fil de l’apprentissage : les situations sont initialement courtes et simplifiées, puis gagnent en complexité, comme témoigne les dialogues de la rubrique « Forum » de l’unité 02 et de l’unité 08, dont les thèmes sont, respectivement, « rencontres » et « sorties » :

« - Pardon, je vais à Lille et je ne trouve pas le train sur le tableau.
- Pour Lille, c’est le train de Bruxelles. Regardez, c’est la voie 9. »
(Baylon, Campà et al., 2000a : 41)
’ ‘ « - Vous avez choisi ?
- D’abord, une question. Le couscous, qu’est-ce que c’est ?
- Le couscous ? C’est un plat d’Afrique du Nord, du Maghreb : il y a toujours de la semoule, du bouillon de légumes – carottes, courgettes, tomates – des pois chiches, et c’est servi avec de la viande. Chez nous, c’est avec du poulet, du mouton, des brochettes d’agneau, des merguez.
- Et c’est quoi, les merguez ?
- Des saucisses de bœuf.
- C’est sûrement très bon.
- En tout cas, aujourd’hui, le couscous est un des plats préférés des Français. »
(Baylon, Campà et al., 2000a : 153)

La différence de complexité de ces deux dialogues est évidente, même si l’on considère que les deux ont été formulés juste pour introduire la thématique de l’unité ; ils accompagnent ainsi le rythme de l’apprenant dans son acquisition. Mais ce n’est pas seulement la partie linguistique qui est prise en considération dans ces dialogues ; elles sont accompagnées d’éléments graphiques très éclairants, qui aident l’apprenant à comprendre la situation et à la placer dans un contexte déterminé. Cela est fait par l’utilisation de deux types d’éléments, une photo et des dessins ; la photo, grande et bien colorée, est mise dans la page de gauche et représente une ambiance assez générale, comme d’une gare, d’une fête de mariage, d’un grand magasin ou d’un restaurant, par exemple, où il y a la possibilité du déroulement de plusieurs situations différentes, ce qui ouvre la possibilité pour les petits dialogues qui se passent dans ce scénario. Les flèches permettent de situer précisément le lieu où se déroulent les conversations ; ce qu’ils disent, ainsi que leur gestuel, sera de cette forme illustré par les dessins.

Pourtant, cette dynamique est différente de celle que l’on trouve dans les dialogues de la rubrique « Agir – Réagir », concernant différents aspects, comme leurs tailles, les personnages et les situations. Dès le début, et au contraire de la démarche utilisée pour la rubrique « Forum », « Agir – Réagir » donne une place importante aux dialogues, qui comprennent une quinzaine de répliques dès la première unité. Il est clair que le niveau de difficulté augmente, sans doute, à chaque unité, mais ce choix pour utiliser des dialogues assez larges dès le début se montre intéressant et efficace, particulièrement si l’on considère sa fonction de facilitateur de l’apprentissage à partir de la présentation du contexte et du non verbal, comme l’intonation de la voix des personnages et leurs réactions. L’apprenant est ainsi mis en contact dès le début de son apprentissage avec une utilisation situationnelle et communicative de la langue.

Un autre aspect intéressant de ces dialogues est la présence des mêmes personnages dans tout un module, ce qui permet à l’apprenant d’accompagner un certain déroulement des situations, en l’obligeant à reprendre des situations qui ont été entendues auparavant et qui complément le nouveau dialogue. Ainsi, les situations de l’unité 02 sont liés à ce qui s’est passé dans l’unité 01 et de l’unité 03 à ce qui s’est passé dans les deux premières unités ; cela se répète dans le module 2, où les unités 04, 05 et 06 forment une seule unité situationnelle, ainsi que dans le module 03 avec les unités 07, 08 et 09. Pour chaque module des nouveaux personnages sont présentés à l’apprenant, ainsi qu’une situation macro dans laquelle les autres seront déroulées.

Cette organisation, avec des personnages et grands dialogues est très intéressante, même si elle n’est pas nouvelle. Les méthodes directes utilisait déjà ce recours ; l’idée était d’encourager l’apprenant à suivre la vie et les aventures des quelques personnages et à s’identifier d’une certaine manière avec eux ou un entre eux, ce qui rapprocherait l’apprenant de chaque situation et le motiverait à vouloir continuer l’apprentissage et connaître ce qui allait se passer dans l’histoire. Le concept est attirant, mais dans la pratique les résultats n’étaient pas si satisfaisants, au moins en ce qui concerne la motivation des apprenants qui très souvent se sentaient ennuyés par les personnages. Les raisons de cet ennui sont discutables et ont besoin d’une étude approfondie, mais il passe sûrement par le fait que les personnages sont toujours les mêmes, du début à la fin du livre ; de ce fait, ce qui était considéré, au moins par les auteurs de matériels et les didacticiens, un des points plus positifs de la méthode devient négatif pour l’apprenant.

Pourtant, la solution trouvée par les auteurs de la méthode Forum 1 semble résoudre cette impasse. Les dialogues plus larges sont maintenus, avec des personnages dans des situations qui suivent un contexte macro et qui pour cela ont une continuation dans des unités suivantes, mais non au long de tout le livre, sinon de chaque module. L’apprenant a l’opportunité donc de « connaître » les personnages de manière plus ample, peut-être même à tel point de pouvoir s’identifier à l’un d’entre eux, mais sur une durée suffisamment courte pour ne pas provoquer la lassitude de leurs histoires. C’est le cas, par exemple, du module 3 ; dans sa page de présentation on se dépare avec un court profil de Georges, Aude, Cédric, Pascal et Cécile, ainsi qu’avec la situation macro qui va servir de base aux dialogues qui composeront le module :

« Depuis leur sortie de l’INSA, Pascal et Georges n’ont jamais perdu le contact. Malgré la distance et les années, ils ont gardé une grande amitié. Ils ont continué à s’écrire et ils se sont même retrouvés plusieurs fois, mais toujours au Canada. Cette fois-ci, c’est la famille qui vient chez Pascal et Cécile dans leur appartement de la banlieue parisienne. Ils passeront la semaine à Saint-Germain et le week-end dans la maison de campagne en Normandie. Pour Aude, c’est le premier séjour en France. Elle est curieuse de tout, elle veut tout voir et visiter tout ce qui lui semble « bien français ». Georges, lui, se sent chez lui. Partout où ils vont, sur la route, au restaurant, au marché, il voudrait bien montrer à sa femme qu’il est du pays. Ce n’est pas toujours avec succès... » (Baylon, Campà et al., 2000a : 132)

Ainsi, c’est à partir de ce contexte que se dérouleront les dialogues. Il est important de souligner que celui-là est le seule moment dans lesquels les personnages apparaissent : ils ne figurent que dans les parties dialoguées de la méthode.