Interaction

La valorisation de l’interaction comme un élément important du processus d’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère est un nouveau concept dans la méthodologie de langues apporté par le Cadre Commun de Référence, même si cela n’était pas vraiment une nouvelle pratique dans les manuels. Auparavant, elle était déjà présente à travers les dialogues, les débats, les entretiens ou l’échange de correspondances, par exemple, mais figurait toujours comme un élément secondaire de la communication. Avec le Cadre, l’interaction gagne une autre dimension. Ceci se matérialise, selon le document, à travers des activités, puisque

« Dans les activités interactives, l’utilisateur de la langue joue le rôle du locuteur et de l’auditeur ou destinateur avec plusieurs interlocuteurs afin de construire conjointement un discours conversationnel dont ils négocient le sens suivant le principe de coopération. » (Conseil de l’Europe, 2001 : 60)

Ainsi, le Cadre considère-t-il deux types d’interaction : l’oral et l’écrite. De ces deux possibilités, sans doute la plus connue et rapidement considérée comme interaction est l’orale, où le caractère du face à face permet une réponse immédiate à et de l’interlocuteur ; pourtant, elle existe aussi dans la forme écrite, de manière intense et constante.

Le moment de l’interaction, spécialement celui de l’interaction orale, n’est pas une circonstance facile pour l’apprenant de langues étrangères ; c’est en fait une situation où il est testé dans toutes ses connaissances non seulement linguistiques, mais aussi stratégiques, considérant qu’il devra trouver des solutions à des problèmes immédiates qui arriveront inévitablement, du simple oubli d’un mot à la méconnaissance même d’une structure linguistique ou de vocabulaire. C’est dans ce type de situations que l’apprenant doit se montrer capable d’utiliser les stratégies cognitives et de coopération, et cela n’est possible qu’en utilisant effectivement la langue. C’est dans ce type de situations, qui de plus ne peuvent être toutes anticipées, que l’apprenant doit se montrer capable de choisir rapidement dans une palette de stratégies cognitives et de coopération.

Comme l’affirme le Cadre,

« L’interaction recouvre les deux activités de réception et de production ainsi que l’activité unique de construction d’un discours commun. En conséquence, toutes les stratégies de réception et toutes les stratégies de production explicitées ci-dessus font aussi partie de l’interaction. Cependant, le fait que l’interaction orale entraîne la construction collective du sens par la mise en place d’un contexte mental commun, en se fondant sur la définition de ce qui peut être pris pour argent comptant, les supputations de l’origine des locuteurs (d’où ils parlent), leur rapprochement ou, au contraire, la définition et le maintien d’une distance confortable, habituellement en temps réel, ce fait signifie qu’en plus les stratégies de réception et de production, il existe une classe de stratégies propres à l’interaction et centrées sur la gestion de son processus. » (Conseil de l’Europe, 2001 : 69)

Dans la pratique, ce sont les activités de conversation, discussion, débat, interview, négociation, planification, coopération et échange d’informations qui développeront ces habilités à l’oral, tandis qu’à l’écrit l’interaction se matérialise dans des activités comme la correspondance, la négociation des accords, la participation en conférences, etc. Malgré son apparente faiblesse interactionnelle, l’écrit à repris le souffle avec la croissante sophistication de l’informatique et l’utilisation quotidienne des plus divers logiciels d’écriture synchrone.

Dans le manuel Forum 1, ces interactions apparaissent de différentes manières, soit sous forme d’exemples à l’apprenant, soit à travers les propositions d’activités. Les exemples sont donnés à travers des dialogues en contexte, qui permettent à l’apprenant de commencer à comprendre les relations interactionnelles dans la langue étrangère qui ne sont pas forcément les mêmes qu’il connaît dans sa langue maternelle. Cela est fait, par exemple, dans la rubrique « forum », où une grande photo aide l’établissement de la situation et son rapprochement de la réalité ; les dialogues sont situés dans l’image, ce qui permet une meilleure compréhension de l’interaction.

C’est le cas, par exemple, de l’unité 3 du manuel (pages 58 et 59), où on trouve une photo de la réception d’un hôtel, ainsi qu’une autre qui représente une scène quotidienne ordinaire dans le restaurant, où les gens prennent leur petit déjeuner. À partir de ces images, trois dialogues sont proposés, un dans la réception et deux dans le restaurant, comme en atteste l’un des dialogues

« 2.
- Du café, monsieur ?
- Oui, merci. Avec beaucoup de lait, s’il vous plait.
- Quelle chambre ?
- Pardon ?
- Le numéro de votre chambre, s’il vous plait.
- Ah ! ma chambre ? J’ai la 212. » (Baylon, Campà et al., 2000a : 59)

Alors même que l’apprenant apprend le vocabulaire et connaît les structures linguistiques concernant la thématique abordée, il découvre (tout seul, avec l’aide du professeur ou du manuel) les structures interactionnelles abordées dans chacune des situations. La négociation de sens, par exemple, est claire dans le cas du dialogue numéro 2, où le serveur demande abruptement une information (- Quelle chambre ?) et le client, que ne comprend pas d’immédiat la question, négocie le significat en demandant que la question soit répétée (- Pardon ?), ce qui est fait par le serveur en suite (- Le numéro de votre chambre, s’il vous plait). Pour conduire le professeur et l’apprenant dans cette perception, les auteurs du manuel proposent une activité dirigée qui attire l’attention exactement à cet extrait du dialogue :

« 2.Écoutez le dialogue 2 et répondez
1. Le serveur pose deux questions pour demander le numéro de la chambre. Retrouvez-les.
2. Comment est-ce que le client demande au serveur de répéter ?
3. Quel est le numéro de la chambre du client ? » (Baylon, Campà et al., 2000a : 59)

La consigne de l’exercice nous montre que la lecture du dialogue vient après son écoute et, comme nous l’avons précédemment abordé, à l’oral le caractère interactionnel est plus évident. Par contre, cette représentation faite dans le manuel est toujours loin de l’usage réel de la langue, considérant que quelques caractéristiques marquantes d’une interaction verbale en français, comme les chevauchements par exemple, ne sont pas reproduites. Cela est justifiable par le caractère didactique du manuel et l’importance qu’il faut donner à l’information et, par conséquent, à la clarté avec laquelle elle doit être transmise, mais ce choix didactique de présentation du dialogue en détriment de l’interaction apporte des difficultés postérieures à l’apprenant quand en situation réelle de communication, puisque ces spécificités y apportent des difficultés naturelles.

Pour la production orale de l’apprenant en interaction, l’importance de développer des stratégies, à partir de négociations, est motivée par les auteurs à travers quelques activités, comme un jeu de rôles

« 4. Imaginez la situation. Préparez et jouez la scène à deux.
Vous passez trois jours (du 20 au 22 mai) à Lyon pour votre travail. Un(e) ami(e) français(e) habite Lyon. Vous téléphonez et proposez un rendez-vous : vers 8 heures du matin à votre hôtel (hôtel du Parc), pour le petit déjeuner. Vous proposez le 21, mais votre ami(e)a une réunion et propose de dîner un soir au restaurant. Vous discutez… » (Baylon, Campà et al., 2000a : 69)

Avec cette activité, non seulement il y a la suggestion d’un schéma à suivre de la part des auteurs, mais le différentiel est la proposition d’une négociation que l’apprenant doit établir avec son interlocuteur, afin d’arriver à un consensus concernant la date de leur rencontre. Ce type d’activité exige de l’apprenant, au-delà des connaissances linguistiques, le développement de stratégies d’interaction qui basent la négociation et qui donneront le support à des futures interactions en situation réelle de communication.

Malgré le grand éventail de possibilités d’interaction à l’oral, comme les débats, ce que nous percevons est la restriction d’activités proposées dans le manuel réduite à la formulation de dialogues, qui peut être motivé par le niveau toujours trop élémentaire des apprenants ou pour la grande difficulté argumentative apportée par un débat, par exemple, qui exige une bonne connaissance de la langue et du thème discuté. L’exception est faite dans l’unité 05, à la rubrique « interculturel », où une interview est proposée comme tâche à l’apprenant :

« Interviewez votre voisin(e)
Est-ce que vous partez ? Où ? Pour quoi faire ?
- Combien de fois par an est-ce que vous partez ? ... » (Baylon, Campà et al., 2000a : 111)

De manière distincte, la difficulté d’établir une interaction écrite est due à cause de la séparation temporelle et spatiale entre les interlocuteurs ; de quelque manière, elle existe de manière constante, particulièrement à travers les correspondances, qui d’une certaine manière matérialisent cette « conversation » véhiculée par l’interaction. Pour son caractère aussi pédagogique, les correspondances sont souvent proposées comme activités dans les matériels, comme c’est le cas d’un exercice de l’unité 3, dans la rubrique « Agir – Réagir » (page 63), où l’idée est que l’apprenant rédige une carte : « 4. Marine et Vincent écrivent une carte de la Martinique à Sophie Lecornec. Rédigez-la » (Baylon, Campà et al., 2000a : 63). Plusieurs exercices d’écriture de correspondance comme celui-ci sont proposés dans toutes les unités du manuel, ce qui montre l’importance qu’on lui donne en tant qu’activité didactique.

Une autre proposition d’écriture, qui motive les interactions et est proposée plus en plus souvent dans les manuels, est l’utilisation du courriel, qui est représenté sous sa forme graphique standard, avec ses parties fondamentales : expéditeur, destinateur, objet et message, et qui symbolise actuellement l’interaction écrite, plus proche de la vitesse de l’oral, vu qu’il y a la possibilité d’une réponse presque immédiate de ce qui a été écrit et envoyé. Nous trouvons un exemple de l’utilisation de cette forme de document dès le début de l’apprentissage, quand le manuel propose dans la rubrique « Point-DELF », par exemple, la rédaction d’une lettre amicale comme exercice pour l’évaluation du DELF unité A1 : « Céline reçoit un mél de son amie Carole. Elle répond. Écrivez le mél de Céline. » (Baylon, Campà et al., 2000a : 56).