1.5 Pratiques culturelles dans le manuel

Discuter et travailler les aspects culturels en classe de langues étrangères n’est pas du tout une tâche simple, malgré le nouveau souffle apporté par la valorisation faite par le Cadre Commun de Référence : en effet, cela nécessite de les connaitre de manière plus approfondie. Il est difficile à un professeur de parler des habitudes d’un peuple, de l’utilisation d’une langue en situation réelle et insérée dans un contexte social, sans jamais avoir connu le pays ou discuté avec un parleur natif de la langue.

Malheureusement cette situation n’est pas aussi rare qu’on voudrait bien le croire. Considérant le cas du Brésil, un pays tellement loin de la France (même si on a une petite partie de frontière avec la Guyane), il est fréquent qu’on trouve des professeurs de français langue étrangère qui ne sont jamais allés en France. Cela nous oblige à réfléchir dans la référence de culture que ce professeur peut apporter à ses apprenants. Comment parler d’une chose tellement subjective et complexe comme c’est le cas de la culture sans jamais témoigner des similarités ou des différences qu’elle a avec la sienne.

Dans ce cas, la réalité observable – et bien compréhensible – parmi les professeurs qui n’ont jamais été dans le pays où la langue qu’il enseigne est parlée, est le recours à des connaissances culturelles communes, généralement celles présentées dans les propres manuels ou le discours présent dans l’inconscient collectif des gens. Les conséquences négatives de cette réalité sont importantes et ne peuvent être négligées. Comme le manuel, ou même plus que lui, le professeur est un disséminateur de la langue non seulement dans ces aspects linguistiques, mais il est d’une certaine manière un ambassadeur de la culture du pays ; s’il ne la connaît pas, il diffusera des préjugés et des idées préconçues, sans compter sa restriction en avoir une perception critique des informations qu’il reçoit et voit touchant la culture étrangère. De ce fait, un travail plus approfondi en classe de langue devient souvent difficile, même si on présente une nouvelle approche dans les manuels.

Plusieurs méthodologies d’enseignement-apprentissage de langues étrangères avaient pour base la croyance dans un apprentissage centré sur la représentation d’un apprentissage dans ces aspects formels et communicatifs, sans prendre en compte l’influence que la culture peut apporter à la situation de communication. Cette vision a des conséquences sur la manière dont le thème est abordé dans le manuel ; si son importance dans la méthodologie est considérée comme secondaire. Ceci aura des conséquences sur son approche dans le manuel, et celle-ci sera elle-même travaillée de manière secondaire et légère.

Ce que nous qualifions d’approche secondaire est celle qui consiste en une présentation d’aspects superficiels, qu’il s’agisse des principaux points touristiques, de la culinaire ou des manifestations artistiques du ou des pays où la langue est parlée. On ne discute pas l’importance de ces caractères comme manifestation de culture, mais quand elles sont exposées de forme légère, sans une discussion plus approfondie ou reprenant les caractéristiques trop connues, elles peuvent fonctionner comme un renfort de stéréotypes et de fausses visions de la culture concernée.

Cette situation montre qu’il y a une confusion fréquente concernant le concept de culture à enseigner ou exposer dans une méthode de langues étrangères. Très souvent, elle est exprimée par l’histoire de la littérature et de la philosophie, et non pas comme la forme de vivre d’un peuple, à travers les actions dans des différentes situations quotidiennes de la population qui utilise effectivement la langue. Un des facteurs qui alimentent cette confusion est sans doute la pluralité de conceptions de culture et la réelle difficulté à trouver un consensus sur le thème. Cependant ce facteur n’est pas le seul. Le nombre de difficultés occasionnées par ce sujet n’est pas négligeable, particulièrement quand on espère distinguer et ensuite exposer la manière de vivre d’un peuple.

La première barrière est la détermination nécessaire de l’établissement d’une norme commune de comportement des individus de la communauté, considérant l’évidente impossibilité de les décrire individuellement. Il est essentiel de se demander s’il existe une régularité dans le comportement des individus de telle communauté ; si oui, laquelle ou lesquelles ? Cela veut dire qu’il faut déterminer comment actent quotidiennement tous les locuteurs d’une langue pour, à partir des résultats obtenus, instituer un recueil de ce qui fait partie effectivement de la vie du peuple. A ce point, une nouvelle barrière s’établit, considérant le caractère subjectif d’un type d’entreprise comme celle-là, soit au moment de décider quelles caractéristiques peuvent servir de critère de comportement ou dans quelles proportions doivent-elles se manifester pour qu’elles puissent être considérées comme significatives, soit dans la détermination des clés culturelles pour chaque communauté, entre autres possibilités.

De cette manière, toutes ces difficultés produisent des répercussions directes dans la représentation de la culture à l’intérieur des manuels d’apprentissage de langues étrangères et, par conséquent, dans l’appréhension que l’apprenant fait de cette langue et des individus qui en font partie. On observe très fréquemment que les contenus culturels sont excessivement généraux et superficiels ; ils se limitent à montrer des données statistiques peu significatives culturellement, qui ne servent qu’à déclencher une brève discussion ou réflexion en classe.

Un autre aspect qui attire l’attention dans la représentation de la culture dans les manuels de langue est l’image exposée des pays, qui couramment détourne sa réalité sociale et culturelle, montrant une vision générale plus proche d’une idée préconçue établie par des étrangers que de la réalité où sont insérés les habitants du pays. Comme nous l’avons noté plus haut, cela est caractérisé très fortement à travers l’utilisation de photos clichés, sans un contraste avec d’autres réalités, posture qui renforce les préjugés et stéréotypes qu’on applique aux étrangers et, dans le cas des manuels de langues, les dissémine de manière importante, considérant que le discours devient institutionnalisé lorsqu’il est référencé par un matériel didactique.

Une bonne option pour le travail culturel dans le manuel peut être donc l’élaboration d’échantillons de langue en contexte social où il est possible comprendre l’aspect linguistique en situation réelle d’utilisation ; avec cette application, l’apprenant aperçoit que ce qu’il étudie a un emploi concret dans la vie quotidienne ce qui, par conséquent, apporte de la valeur à l’enseigné.