La culture chez Forum

Forum 1 a été un des premiers manuels à suivre les préceptes du Cadre Commun de Référence et à cause de cela il se propose de travailler la culture d’une manière différente, comme partie intégrale de l’apprentissage de la langue étrangère. Selon les auteurs, dans la présentation du matériel au professeur,

« Dans le domaine de ce qu’on appelle traditionnellement « la civilisation », FORUM innove en proposant systématiquement dans chaque unité une introduction à l’ « interculturel » :
- sous la forme d’une approche comportementale : des photos, des dessins, des commentaires et des informations permettent à l’apprenant de mieux comprendre l’autre (sans nécessairement tout accepter), de communiquer avec lui, tout en gardant sa personnalité. Cette approche permet de comparer les deux cultures, celle de l’apprenant et celle présentée dans le livre, de mettre en évidence ce qu’elles ont en commun, de relativiser sa propre culture et de combattre les clichés et les préjugés ;
- sous la forme d’une approche factuelle : des images, des statistiques, des brefs commentaires et de courts articles, présentent des aspects de la France d’aujourd’hui en relation étroite avec le thème de l’unité. » (Baylon, Campà et al., 2000b : 07)

Ce segment de la présentation du matériel montre les intentions des auteurs concernant le traitement de la culture dans le manuel. Ils clarifient dès le début leur conception fondatrice, en soulignant le fait de ne plus avoir une rubrique appelée « civilisation » mais « interculturel ». Ainsi, plus qu’un changement de terminologie, les auteurs se proposent de suivre les paradigmes du Conseil de l’Europe à travers le Cadre et de la culture de manière à permettre à l’apprenant une réflexion sur sa propre culture dès qu’il est en contact avec celle de l’autre.

L’intérêt de la part des auteurs par rapport au traitement des aspects culturels est évident dès le début du manuel, lorsqu’on voit dans la présentation des modules les titres des sessions « pause-jeux », « interculturel » et « point-DELF », ainsi qu’au principe de chaque unité. L’interculturel apparaît de manière distinguée et décrite en détails, ce qui montre une attention spécial à chacune de ces rubriques. Cette option a un double résultat : positif, si on considère l’importance donnée spécialement à la partie interculturelle – nouveauté apportée par le Cadre – mais aussi négatif, si on les voit comme des moments détachés du contenu général de l’unité, ce qui réduit la nouveauté de l’interculturel à une répétition des approches antérieures, où la culture était présentée de forme superficielle.

Si on considère le segment présenté antérieurement, pris du guide pédagogique destiné au professeur et conçu par les auteurs de la méthode, ce résultat négatif était exactement ce qu’ils voulaient éviter dans ce manuel. La grande critique qu’ils font est justement la façon restreinte et commune dans les manuels d’exposer la culture à travers les points touristiques, les œuvres littéraires, le cinéma ou les principaux loisirs des ceux qui utilisent cette langue. L’important pour eux sera ainsi d’amener l’apprenant à comprendre la culture liée à la vie quotidienne des gens, tendance méthodologique actuelle.

Dans la pratique, l’option des auteurs a été la création de deux moments dans la rubrique « interculturel » : comportements et cadres de vie, où chaque partie aborderait un aspect et un regard culturel différent. Le premier de ces moments, appelé « comportements », réunira les thèmes caractéristiques de l’usage quotidien de la langue, comme « pour se saluer et prendre congé », « la ponctualité », « les gestes et attitudes », « le pourboire » ou « la politesse ». Ces activités présentent un caractère pratique, où sont créées des situations qui mettent l’apprenant en position de conflit par rapport à sa propre culture et qui exigent de sa part un raisonnement considérant les points communs ou les différences entre les deux formations.

Un de ces exemples est dans l’unité 8 dont le thème est le savoir-vivre à la table, c’est-à-dire, les attitudes au restaurant ou chez des amis. À travers deux activités, le sujet est donc exposé,

« Au restaurant.
À votre avis, est-ce que les attitudes suivantes sont normales ou choquantes ?
1. Quand on entre dans un restaurant, on choisit sa place. On y va directement et on s’installe.
2. Pour appeler le serveur, on tape dans ses mains en disant : Hep ! garçon !
3. Quand on déjeune à plusieurs au restaurant, le serveur apporte une addition séparée pour chaque convive.
4. Pour avoir de l’eau du robinet, on demande : Et une carafe d’eau, s’il vous plait ! Sinon, on peut commander de l’eau minérale (gazeuse ou plate).
5. On peut demander de l’eau en carafe et du pain à volonté. C’est gratuit. » (Baylon, Campà et al., 2000a : 166)

Cette première activité est un exemple de moment dans lequel l’apprenant doit réfléchir établissant une relation entre ce qu’il lit – la culture de l’autre – et ce qu’il fait, dans sa vie quotidienne ; ce sont des situations auxquelles on ne fait pas attention normalement car elles sont enracinées chez nous et on les fait de manière naturelle et inconsciente. Celui-là est donc un moment de conflit entre les différentes réalités et où l’apprenant est confronté à sa propre identité, ce qui doit produire une compréhension de l’autre et de soi même. L’idée est renforcée par deux autres activités qui complémentent la première :

« - Comme vous le savez, les règles de savoir vivre ne sont pas écrites. Qu’est-ce qu’un étranger doit apprendre pour ce comporter poliment dans un restaurant de votre pays ? Proposez quelques règles.
- Vous connaissez les manières de se comporter pendant un repas dans un autre pays. En petits groupes, décrivez les règles de savoir-vivre à table, en précisant dans quel pays elles s’appliquent. Présentez-les aux autres groupes. » (Baylon, Campà et al., 2000a : 166)

En servant de renforcement à la première activité, maintenant les apprenants sont confrontés à deux autres situations. Dans le premier cas, comme il a été inévitable de penser à ses attitudes au moment de lire les affirmations de l’exercice 1, il doit reprendre ces réflexions et les appliquer en forme de règles de comportement à un étranger – probablement celui qui parle la langue qu’il est en train d’apprendre, ce qui exige de lui une position active dans son apprentissage. De la même forme, la deuxième proposition incite à une réflexion et à une connaissance plus large des comportements, quand elle procure que les groupes pensent encore à d’autres cultures et d’autres pays.

En ce qui concerne la rubrique « cadres de vie », la caractéristique des activités est un peu différente de celle de « comportements » et beaucoup plus proche de ce qu’on trouve généralement comme « civilisation » dans les manuels. L’objectif est d’exposer des aspects plus distinctifs de la culture française et les coutumes quotidiens des habitants dans les différentes situations sociales, au même temps qu’il stimule la réflexion comparative de ces aspects avec la culture de l’apprenant, à travers des questions proposées à chaque différent thème. Un exemple est le cas de l’unité 06 dont le thème est la mode ; après une série de questions qui amènent l’apprenant à des réflexions concernant la culture française, il est encouragé à réfléchir sur sa propre culture.

« Est-ce qu’il y a des modes typiques dans votre pays ? Comment est-ce que vous aimez vous habiller dans votre pays pour vous promener, travailler, sortir au spectacle ou au restaurant et faire du sport ?. » (Baylon, Campà et al., 2000a : 129)

La rubrique est présentée toujours de la même manière, en utilisant des photos sur lesquelles sont basées les activités pour caractériser les aspects culturels des Français : les régions, les sorties, les fêtes, les voyages, la mode, la gastronomie, etc. Le choix pour les photos et non les images est exact car leur utilisation montre à l’apprenant une image plus proche de la réalité. Par contre, elles renforcent les visions stéréotypées qu’on a des Français ou de la France, lorsqu’elles présentent des images comme les fromages, les châteaux de la Loire, le Mont-Saint-Michel, le dictionnaire de langue française, les cafés parisiens ou les ateliers des couturiers français. Dans tous les thèmes, les photos servent donc de référence aux activités suggérées, comme dans le cas de l’unité 4, qui traite des fêtes et présente six photos qui seront observées et analysées :

« - À quelle photo est-ce que chaque légende correspond ?
1. La fête des Mères.
2. Le 14 juillet.
3. La fête de la Musique.
4. Noël.
5. Le festival de musique celtique de Lorient, en Bretagne.
6. Une fête foraine
’ ‘ - Associez un adjectif à chaque photo de fêtes : civile – religieuse – culturelle – commerciale. » (Baylon, Campà et al., 2000a : 93)

Malgré l’intention et les efforts des auteurs, le matériel n’arrive pas à faire exactement ce qu’ils proposent, pourvu qu’il n’attire pas vraiment l’attention au culturel pendant les activités ou les dialogues présentés dans le développement de l’apprentissage. Il se restreint à un moment final et ponctuel de chaque unité, généralement détaché de son usage proprement dit, matérialisé dans le manuel à travers les dialogues dont les activités maintiennent fondamentalement un caractère linguistique.

Un autre point à analyser ici est la sélection de thèmes faite par les auteurs pour composer la rubrique « interculturel » du livre. Pour qu’elle soit motivante à l’apprenant et l’incite à vouloir la connaître chaque fois plus, il est essentiel qu’elle ait comme base ses intérêts et besoins, pour qu’il puisse s’identifier avec ce qui lui est présenté. La difficulté dans le cas de Forum 1, ainsi comme dans d’autres manuels de FLE, est justement l’imprécision concernant le public cible du matériel, qui en réalité peut aller des 17 aux 80 ans.

Il est évident que les intérêts de ce public sont les plus diverses et le choix thématique est toujours une tâche complexe, même dans les cas où la détermination d’un public est plus simple et dirigée. Ainsi, ce qu’on voit est une sélection assurée de sujets, basée sur la thématique traditionnelle souvent exploitée dans les manuels de langues étrangères, qui utilise la restauration ou les moyens de transport, par exemple, comme propos pour une discussion culturelle. Ces choix se justifient pour le fait qu’ils sont d’une certaine manière atemporels et généralistes – tout le monde doit manger et se déplacer – mais son effet comme motivateur d’un intérêt ou sa conservation chez l’apprenant est discutable.

On pouvait donc imaginer que le manuel est en réalité développé pour un public plus âgé dont les objectifs seraient plutôt une connaissance superficielle de la langue ou qui s’identifie avec les caractéristiques déjà plus standard d’une culture, sans avoir comme référence un groupe déterminé trop fermé. Par contre, comme on a déjà discuté auparavant, l’organisation graphique du matériel est faite de manière moderne et colorée, ce qui attire l’attention plutôt des jeunes. La conséquence de ces ambivalences devient sans doute compliquée pour le professeur, qui doit donc adapter le matériel à son public, considérant que le manuel n’est pas vraiment ajusté à ses besoins.

Un autre aspect culturel qu’on pourrait attendre comme fréquent dans le manuel et qui aiderai le professeur à établir plus précisément le public cible à qui il va destiné est la présentation de manifestations artistiques du pays : la littérature, le cinéma, la musique ou la danse, par exemple. C’est la « culture officielle », celle connue et acceptée par les individus qui font partie du pays, ainsi que par les étrangers que le voient de dehors.

Ainsi, le type de livre, film ou chanson choisit par les auteurs est un élément de rapprochement avec l’apprenant, et pourtant, ils ne sont pas présents dans le cas de Forum 1. À l’exception de la reproduction d’un message électronique dans la page 27, de l’illustration d’un jeune homme musclé dans la 105, d’une petite photo d’un jeune qui fait du roller dans la 129 et des photos des jeunes dans la page 185, il n’y a aucune référence directe à l’univers des jeunes d’aujourd’hui ou à des manifestations artistiques en spécial, à travers une chanson moderne, un morceau d’un livre ou d’un conte en langue française ou des affiches de films actuels. Un argument qu’on peut chercher pour justifier cette situation est la possible croyance de la part des auteurs de que ce type de manifestation est trop traditionnelle et non représentant de la réelle culture du peuple.

Finalement, un autre point nécessaire d’être remarqué est le choix de quelle culture enseigner : la française ou la francophone. En théorie, les auteurs présentent leur intention d’exposer non seulement les aspects concernant la culture de la France, mais des pays qui composent la francophonie, ce qui inclus le Canada, la Belgique, la Suisse, les pays du Maghreb et tous ceux qui parlent le français comme langue officielle. Nonobstant, ce n’est pas ce qui se donne dans la pratique. En analysant les neuf unités du manuel, seulement la dernière aborde le thème de la francophonie, présente le témoignage d’un jeune étudiant tunisien, d’un chanteur algérien et d’une étudiante belge qui déclarent leur intérêt pour apprendre et parler la langue française ; dans toutes les autres situations, c’est la France qui est le centre d’attention.

De cette manière, il est possible de percevoir que le manuel Forum 1 se montre effectivement dans un moment de transition en ce qui concerne l’approche culturelle, avec la prétention de rapprocher l’apprentissage à la réalité des locuteurs, mais prenant des décisions parfois trop assurées, gardant même une position traditionnelle d’exposition des thèmes, justement une des critiques faites par les propres auteurs par rapport aux manuels antérieurs.