1.6.1 Principes Méthodologiques

Selon l’exposition faite par les auteurs de la méthode dans le guide, la démarche pédagogique est orientée vers les bases didactiques les plus actuelles, ce qui veut dire qu’elle figure comme une des premières méthodes qui prend en compte les directions données par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues du Conseil de l’Europe, même si cela n’était pas encore à l’époque un document officiellement diffusé ou connu des professeurs de langues étrangères.

Pour ses concepteurs, la méthode présente comme caractéristiques l’adaptabilité, l’approche didactique, l’approche méthodologique et la manière de travailler ses contenus.

« Cela se traduit, en particulier, par :
1. une démarche pédagogique constructiviste, qui se retrouve dans l’organisation du matériau et dans les différentes rubriques, et qui mobilise aussi l’affectivité ;
2. une méthodologie de découverte qui, partant des connaissances grammaticales, phonétiques et culturelles de base, développe les aptitudes d’apprentissage autonome de l’apprenant et lui permet d’ « aller plus loin » en fonction de ses objectifs et de son propre profil ;
3. des contenus fondamentaux qui englobent les connaissances linguistiques et culturelles indispensables à la communication ordinaire en milieu francophone (« le niveau linguistique de survie »).  » (Baylon, Campà et al., 2000b : 06)

Le premier point nous montre la perspective pédagogique adoptée par la méthode, qui prend le constructivisme comme base dans l’organisation du manuel, où l’apprenant est appelé « à agir en fonction de sa propre personnalité. » (Baylon, Campà et al., 2000b : 06) Cela se présente dans des activités ouvertes où l’apprenant est incité à parler et créer de situations de communicatives à travers une sélection première de questionnements qui servent de déclencheur à une conversation plus large et riche, en prenant en compte les intérêts des interlocuteurs. C’est le cas d’une activité de production orale, comprise dans l’unité 05 :

« 1. Posez des questions aux autres étudiants sur le temps, la date, l’heure, la durée, etc .
Depuis combien de temps est-ce que vous apprenez le français ?
Vous faites du français à la maison pendant combien de temps chaque semaine ?
Chez vous, est-ce qu’on peut regarder la télévision française ? De quelle heure à quelle heure ? » (Baylon, Campà et al., 2000a : 107)

Ce segment montre donc de manière séparée la vraie tâche que l’apprenant doit accomplir, ce qui est mis en gras c’est-à-dire, poser des questions à ses collègues ; comme l’activité élaborée de cette forme est trop ouverte et générique, ce qui met en difficulté l’accomplissement de la tâche, les auteurs ajoutent des questions plus précises pour aider l’apprenant avec quelques suggestions qui peuvent servir de base à un dialogue plus approfondi.

Un autre point souligné par les auteurs est l’attention donnée à l’affectivité, ce qui accorde à la méthode un caractère nouveau et contemporain. Selon eux, cette composante est « inhérente à toute communication parlée » et qui apparaît dans les relations entre les personnages et à travers les réactions des apprenants en face des situations présentées dans le matériel. Cette relation entre les personnages est aperçue dans les dialogues de la rubrique « Agir – Réagir », où les personnages maintiennent des relations d’amitiés et peuvent donc montrer des affections, comme dans le dialogue suivant, de l’unité 03,

« SABINE : Salut, Sophie. Alors, ton voyage a Londres ?
SOPHIE : Formidable ! Londres est une ville formidable ! Et les restaurants…
SABINE : Regarde l’heure. Déjà moins le quart. Je me dépêche. Qu’est-ce que tu fais à midi ? On déjeune ensemble et tu me racontes tout ?
SOPHIE : Aujourd’hui, non. On a la visite de Christophe Weiss, alors…
SABINE : C’est dommage. Demain, peut-être ?
SOPHIE : Demain, c’est parfait. On se retrouve à midi et demi, à la brasserie en face ? Ils ont du bon poisson…
SABINE : Excellente idée !J’adore ça ! Et en plus, ils font des desserts au chocolats extra.
SOPHIE : Super. Allez, salut.
SABINE : Bonne journée. À demain. » (Baylon, Campà et al., 2000a : 60)

Il est possible donc de trouver dans ces dialogues plusieurs signes d’affectivité, qui montrent le degré d’amitié entre les deux personnages : Sabine et Sophie. L’intimité est déjà marquée dès le début par leur usage du tutoiement et par leur utilisation d’une formule de salutation informelle pour commencer la conversation ; mais l’affectivité est remarquée par l’emploi de différents adjectifs, comme formidable, dommage, parfait, excellente, extra et super, qui montrent une réaction des personnages par rapport à ces interlocuteurs et aux thèmes qu’ils discutent. Ainsi, on aperçoit que ce que les auteurs considèrent comme affectif dans les relations entre personnages, par exemple, passe en fait par les questions liées plutôt au non verbal ou à l’utilisation d’expressions figés et non vraiment aux questions affectives, comme la motivation et l’implication dans son apprentissage, la confiance en soi ou l’attitude.

Il est envisageable de considérer que les postures que l’apprenant doit percevoir et adopter dans ses relations en situation de communication sont illustrées à partir de l’attitude des personnages, mais son effet est quand même très faible sans une intervention plus effective du professeur. Un apprenant inexpérimenté dans l’apprentissage d’une langue étrangère aura des difficultés à établir les connexions entre ce qu’il écoute dans des dialogues, par exemple, et les attitudes qu’il peut ou doit avoir au moment de l’utilisation de la langue, d’où la nécessité d’attirer l’attention de l’apprenant sur les questions liées à l’affectivité et d’introduire dans le manuel des compléments d’information dans ce domaine.

Dans le cas du dialogue de Forum 1 cité plus haut, spécialement car il apparaît toujours au début de la méthode, il faut que le professeur attire l’attention de l’apprenant à des caractéristiques qui puissent l’aider à repérer certaines particularités de la langue, qui peuvent ou non ressembler à celles de la langue maternelle de l’individu, comme la joie, la tristesse, la haine, l’amour, l’amitié, etc. Au-delà du professeur, le manuel peut aussi faciliter cette caractérisation, ce qui est fait dans le cas de ce dialogue spécifiquement, à travers les questions « Est-ce que Sophie et Sabine sont très amies ? » et « Est-ce que Sophie est contente de son voyage ? », conduisant l’apprenant à réfléchir sur l’état affectif des personnages.

Dans le guide pédagogique, les auteurs abordent également la composante psycho-cognitive, matérialisée en particulier dans le Carnet de Route : l’apprenant doit y compléter des fiches de vocabulaire ou grammaticales pour renforcer l’acquisition de la langue. De nouveau on trouve plutôt le discours qu’effectivement un travail psycho-cognitif, considérant que le Carnet de Route est un matériel de support et plusieurs fois n’est même pas utilisé. Mais lorsqu’il est utilisé, l’idée est de motiver l’apprenant à compléter les tableaux indicatifs pour comprendre mieux les règles de la langue, comme dans cet exemple de la fiche G20 :

« Le masculin et le féminin
1.
Le nom
Il n’y a pas de neutre en français. Les noms sont tous __________ ou ___________.
Le genre est évident quand on peut faire la distinction entre sexe féminin et sexe masculin. Par exemple, pour les membres de la famille :
le mari/la ___________.
ou pour certaines professions :
le musicien/la _______________.
Dans les autres cas, le genre des noms est arbitraire en français.
’ ‘ POUR MIEUX APPRENDRE !
Apprenez toujours les noms avec l’article et notez toujours l’article dans les fiches de vocabulaire.
Quand vous lisez ou écoutez un texte, le déterminant et l’adjectif permettent souvent de deviner le genre du nom » (Baylon, Campà et al., 2000c : G20)

Avec ce type de tâche, l’apprenant doit compléter les espaces vides afin d’établir la bonne règle du thème. Les différentiels sont la création d’une colonne dans toutes les fiches pour les remarques personnelles, où l’apprenant a la possibilité de prendre des notes et de garder les informations qu’il pense les plus importantes pour son apprentissage ; les observations titrées « pour mieux apprendre » sont élaborées pour aider l’apprenant dans la création de stratégies d’apprentissage qu’il utilisera pour la maximiser, en les reprenant dès qu’il soit nécessaire.

Ensuite, on souligne l’objectif méthodologique de développer l’autonomie de l’apprenant à travers la découverte et l’induction de règles de la langue. Le livre de l’élève, par exemple, ne présente pas de tableaux grammaticaux, comme généralement on voit dans d’autres méthodes, déjà conçus avec les lois du système de la langue, au contraire, il est nécessaire de le compléter, généralement en se basant dans un texte comme dans ce cas, extrait de l’unité 08 :

« 3. Observez le texte suivant.
Pensez à votre santé. Mangez bien et ne travaillé pas trop !
Il ne faut pas manger trop de viande. Il faut boire beaucoup d’eau. Souvent, il n’y a pas assez de vitamines dans notre alimentation, parce qu’on consomme trop de fruits.
N’oubliez donc pas de manger assez de fruits et un peu de légumes.
Pour le travail, c’est la même chose : il faut travailler assez. On peut travailler peu ou travailler
beaucoup selon ses goûts, mais il ne faut pas exagérer : travailler trop ou travailler trop peu, c’est mauvais pour la santé ! » (Baylon, Campà et al., 2000a : 158)

Après la lecture de ce texte et la compréhension des règles proposées, l’apprenant doit donc compléter un cadre qui résume l’emploie des expressions de quantité pour ensuite répondre à des exercices de systématisation du contenu appris. Cette aptitude est favorable au développement de l’autonomie de l’apprenant, qui doit assumer une position plus active dans son apprentissage, en essayant de comprendre la langue et son fonctionnement. Pour les auteurs,

‘« au-delà des objectifs linguistiques et communicatifs d’apprentissage, l’ensemble du livre de l’élève et des autres matériaux a pour but que l’apprenant soit capable de prendre en charge son propre apprentissage, c’est-à-dire qu’il acquière une véritable autonomie d’apprentissage. » (Baylon, Campà et al., 2000b : 06)’

Finalement, le choix de contenus déterminé en consonance avec la méthodologie privilégie les aspects considérés par les auteurs comme fondamentaux, avec des « situations de communications authentiques de la vie courante, mais aussi des documents écrits et graphiques, omniprésents dans la civilisation d’aujourd’hui, qui privilégie de plus en plus le visuel. » (Baylon, Campà et al., 2000b : 07) Parmi les contenus traditionnellement présents dans les méthodes, comme le vocabulaire ou la grammaire de la langue, on trouve une innovation apportée par le Conseil de l’Europe, à travers le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues : le culturel. L’objectif est, au-delà de montrer à l’apprenant quelques caractéristiques d’un pays ou d’une langue, comparer cette culture à celle de l’apprenant, en permettant l’établissement de points en commun et de différences, ce qui motive une réflexion de la réalité culturelles.

Par contre, même si les auteurs ont l’intérêt et l’objectif d’établir ces relations culturelles, ils commettent une erreur quand ils laissent de côté les aspects relatifs aux autres pays francophones, comme le Canada, la Belgique, la Suisse et tous les pays africains par exemple, en priorisant la France comme symbole majeur de la langue et de la culture francophone : « des images, des statistiques, de brefs commentaires et de courts articles, présentent des aspects de la France d’aujourd’hui en relation étroite avec le thème de l’unité. » (Baylon, Campà et al., 2000b : 07).