Question 3 – Questionnaire apprenant

‘Vous sentez-vous motivé(e) pour apprendre et étudier la langue à travers les activités et contenus présentés dans la méthode ?’ ‘Oui, elles [les activités] sont différentes à chaque unité. (Cr)’ ‘Pas seulement par la méthode. Ma motivation est personnelle. (Al)’ ‘Non, ce livre ne sert à rien. (Ma)’ ‘En classe oui, mais à la maison il est un peu difficile d’accompagner la séquence du livre. (Ra)’ ‘Oui, mais je crois aussi qui cela dépend beaucoup du professeur que nous enseigne à utiliser le matériel.(Is)’

La grande majorité des réponses que nous avons reçues pour cette question ont été directes, c’est-à-dire, carrément « oui » ou « non », sans d’autre justification, mais nous avons eu de toute façon quelques observations qui sont importantes pour notre analyse. Le premier point noté dans ce recueil est la relation établie entre la diversité des activités et la motivation pour apprendre. Comme nous l’avons vu antérieurement, une des grandes sources motivationnelles est la surprise et la curiosité apportées par la nouveauté. Cela provoque chez l’individu le désir et la volonté de savoir ce qui viendra après, de quelle manière l’apprentissage se développera.

Deux autres réponses nous exposent l’importance du professeur comme médiateur de cette relation entre l’apprenant et le manuel ; quand ils affirment qu’en classe il est facile de travailler avec le livre, mais non à la maison, ou que la motivation dépend beaucoup de la manière dont le professeur enseignera à l’aide du livre. Il devient clair dans ces réponses spontanées que comprendre le fonctionnement d’un manuel n’est pas aussi évident qu’on aimerait le croire et que l’existence d’un contrat didactique qui peut supposer cette compréhension n’est pas une garantie de que cela se passe dans la pratique.

Il nous est possible d’imaginer différentes raisons à cette difficulté, qui peut être une non-adaptation individuelle de l’apprenant au langage utilisé dans un manuel qui n’est pas écrit dans sa langue ou produit dans son pays ; la complexité apportée par les manuels pour l’enseignement des langues étrangères qui doivent traiter des thèmes divers comme langue et culture ; ou une difficulté plus ponctuelle, liée à l’organisation du manuel Forum spécifiquement, qui est structuré de façon à permettre – et pousser même – le professeur à créer sa propre dynamique de classe.

Or, si le professeur n’explique pas cette dynamique personnelle, l’apprenant aura certainement beaucoup plus de difficulté à la comprendre, ce qui exige aussi du temps, un temps qui devrait être utilisé dans l’apprentissage de la langue. Cette sensation de doute et d’incertitude est aussi une cause de démotivation chez l’apprenant qui influencera directement son apprentissage.

Selon Viau (1999, p.102) il est important pour l’apprenant de savoir ce que l’enseignant attend de lui. De cette manière, il ne perdra pas de temps à chercher à comprendre ce qu’il doit faire. Des consignes claires contribuent à réduire l’anxiété et le doute que certains apprenants éprouvent quant à leur capacité à accomplir ce qu’on leur demande. Cette anxiété sera proportionnellement augmentée à partir du moment où le doute ne concernera plus une activité ponctuelle mais un fonctionnement plus ample, celui de l’ensemble du manuel.

Mais comme Viau le nous propose, la relation entre l’apprenant et l’activité ou la tâche qu’il doit accomplir pour atteindre un but plus grand est un facteur important dans la détermination de sa motivation et de sa capacité à maintenir son objectif jusqu’au bout. D’où les trois questions suivantes du questionnaire qui visaient la compréhension de cette relation chez les apprenants du CELIN, ainsi que la mise en place d’une comparaison entre ce que sentent les apprenants et les croyances établies par les professeurs. Les questions étaient les suivantes :

‘Dans quels moments croyez-vous que la méthode est plus motivante ? Précisez en numérotant du plus au moins motivant : Début d’un nouveau thème ; Début d’une nouvelle leçon ; Compréhension orale de dialogues (contextualisés) ; Compréhension orale de phrases (non contextualisées) ; Production orale (jeux de rôles, par ex.) ; Phonétique ; Compréhension écrite de textes ; Production écrite ; Présentation des contenus de grammaire ; Activités grammaticales ; Contenus interculturels / civilisation ; Évaluation / test DELF ; Activités ludiques ;’ ‘Parmi les activités proposées par la méthode (le manuel), laquelle est, à votre avis, la plus motivante ? Pourquoi ?’ ‘À votre avis, quels sont les moments, du cours et de la méthode (manuel), les plus et les moins motivants ?’

Dans la question 4, il a été demandé aux apprenants de noter les types d’activités présentes dans le livre qui leurs semblaient les plus motivantes. Les résultats surprennent si on considère les réponses données par les professeurs, qui imaginaient un grand intérêt et une tendance très forte à l’oralité chez leurs apprenants. À partir de l’analyse des questionnaires, on distingue en effet que cet intérêt existe, mais non de la même façon ou avec l’importance attribuée par les professeurs. La majorité des apprenants ont choisi les activités de production et expression orales comme plus motivantes, mais elles sont suivies de très près par des activités d’écrit, en particulier la compréhension et la grammaire.

Cette réponse attire notre attention non parce que les aspects de l’écrit sont pris en compte de manière significative par les apprenants, mais parce qu’ils montrent une distance considérable par rapport aux représentations qu’ont les professeurs sur le même sujet, entraînant des conséquences significatives au moment de la transposition didactique mise en pratique par l’enseignant.

En effet, cette prise de position des apprenants est très cohérente, principalement si on considère que pour la majorité, apprendre une langue est avant tout connaître sa grammaire. Cela s’explique par la tradition d’enseignement des langues étrangères dans le système scolaire brésilien, dont la politique linguistique était presque inexistante pour les langues étrangères. Cet enseignement dans le curriculum des écoles était vu jusqu’à présent comme inefficace, notamment avec l’argument que les classes comportent trop d’élèves.

Ce comportement est contraire donc à la vision des enseignants, surtout ceux qui travaillent dans les Centres de Langues, qui sont bombardés par le discours du communicatif, principalement à travers les méthodes et les œuvres de référence, en mettant l’accent sur la communication et non sur la forme et dont la grammaire doit être apprise de manière intuitive et en contexte. Comme l’affirme Bérard (1991 : 44) « La progression dans un cours de type communicatif se caractérise par sa souplesse, sa non-linéarité et l’attention portée à l’apprentissage par rapport à l’enseignement. ».

Ainsi, l’idée de souplesse et non-linéarité dont nous parle ici Bérard, mais qui a été diffusée de différentes façons par l’approche communicative, est comprise par l’enseignant comme contraire à l’idée de rigidité et inflexibilité de la grammaire et du registre écrit en général. L’incompatibilité qui dérive de ce constat a fait par la suite que l’enseignement formel de la langue s’écarte des pratiques de la classe, en détriment d’un apprentissage « plus ludique », à travers les jeux de rôles.

Nous avons donc ici une problématique importante de la didactique de langues concernant les différents idéaux tracés par les enseignants et attendus par les apprenants. La conséquence est une pratique qui n’atteint ni l’idéal de l’un, ni celui de l’autre, puisque les regards sont dirigés vers des côtés différents. Cela est renforcé par les réponses données par les apprenants concernant les moments négatifs ou démotivants du manuel ; leur accent est mis essentiellement sur les activités ludiques et les évaluations DELF et un peu moins, mais de manière significative, sur la phonétique et le début d’une nouvelle unité.

La vision négative des apprenants concernant les activités ludiques est justifiée principalement par l’idée fausse qu’elles ne sont pas sérieuses, qu’on perd du temps ou encore que le professeur le fait en classe quand il n’a pas autre chose à faire. En plus, ce sont des moments où l’individu est « obligé » de participer de manière active, devant ses collègues, ce qu’on n’aime pas vraiment. D’un autre côté, les évaluations DELF ne sont pas motivantes particulièrement parce que, comme nous l’avons déjà remarqué au cours de cette étude, ceux qui étudient au CELIN de l’UFPR n’ont pas cet examen comme objectif premier ; ces activités se présentent finalement comme hors contexte, sans un objectif précis et par conséquent, non motivantes.

La question 5 se présente comme un renforcement de ce qui a été répondu dans la question 4, puisqu’elle interroge sur l’activité la plus motivante de la méthode, mais en demandant en même temps une justification pour cette réponse, afin de connaître les raisons qui ont amené l’apprenant à la choisir. Ainsi que dans les réponses suivantes, on a donc une importance presque égale donnée à l’oral et à l’étude de la grammaire, comme nous pouvons le constater à partir de ces exemples de réponses :