1-3- Présence historique de l’ennui dans la psychologie

1-3-1- Les Bases de Données comme reflet des intérêts de recherche scientifique

Afin d’avoir une représentation de l’objet de recherche « ennui » dans le champ de la psychologie, nous avons réalisé une analyse documentaire par l’intermédiaire de bases de données. Le postulat étant qu’une base de données, au même titre que les « encyclopédies et dictionnaires sont les dépositaires de la culture humaine » (Lalhou, 2003, p. 41). Dans ce cas précis, nous avons orienté nos recherches dans la sphère scientifique avec la base de données PsycINFO. Nous avons également consulté les bases de donnée PsycARTICLE, équivalent disciplinaire de PsycINFO, et ERIC, base de données plutôt relative aux sciences de l’éducation, qui ne se sont pas révélées pertinentes16 . PsycINFO est une base de données réalisée par l’American Psychological Association, qui recouvre de manière internationale environ 2 000 périodiques, en anglais et 26 autres langues. Cette base de donnée couvre la littérature académique de la psychologie au sens large : neuropsychologie, psychiatrie, ou encore l’éducation et la sociologie. Afin de réaliser une recherche, nous disposons d’index de deux types. Des index issus de l’article et l’auteur, tels que le titre du périodique, la méthodologie utilisée, les mots clefs ou encore l’âge de la population étudiée, etc… Un second type d’indexation est réalisé par les personnes mettant à jour la base de données, autour de classements par « classification », qui sont les grandes thématiques, et de « descripteurs », sorte de mots-clefs17. Un des descripteurs est *Boredom. Nous pouvons d’ores et déjà grâce à l’existence de cet indice, affirmer que l’ennui est bien une thématique traitée par le champ de la psychologie. Ces deux types de catégorisation nous permettent d’avoir un aperçu représentationnel de l’objet de recherche « ennui » dans la littérature référencée comme scientifique.

S’agissant d’une base de données anglophone, nous avons réalisé une traduction français/anglais. On trouve en anglais les termes de boredom et de tedium. Nous avons pris boredom comme synonyme d’ennui, et c’est le cas tout au long de ce travail lorsque nous nous référons à des travaux anglophones. La première raison de ce choix émane de nuances dans les traductions. En effet, si l’on cherche dans un dictionnaire français/anglais18, la traduction d’ennui en anglais est : « A/ (= désoeuvrement) boredom ; (litt. = spleen) ennui (littér), world-wearness ; (= monotonie) tedium, tediousness B/ (= tracas) trouble, worry, problem C/ (littér, = peine) grief ». Si l’on cherche boredom la traduction est la suivante : « ennui » ; et tedium est indexé avec tediousness : « ennui, caractère assomant. ». La seconde raison est qu’il existe une échelle anglophone mesurant la disposition à l’ennui, nommée Boredom Proneness Scale. Cette échelle est traduite en français par Echelle de Disposition à l’Ennui (Gana et Akremi, 1998).

Afin d’obtenir un aperçu des champs de la psychologie qui se sont interrogés sur l’ennui, nous avons réalisé une recherche critériée. Si l’on réalise une recherche simple avec la troncature bored* et qui prend alors en compte également boredom et bored, et ce dans tous les champs (titre, mots clefs, dans l’article, dans les références bibliographiques etc…), on obtient 3628 articles. Nous avons réalisé la recherche avec bored* et ennu*, afin de ne pas exclure les travaux francophones, et également car « ennui » est parfois utilisé en anglais. Nous avons renseigné les champs « titre », « mot clef » et « descripteurs ». Nous obtenons dans ces conditions 259 résultats, de 1937 à 2007.

Figure 1 : Répartition chronologique des 259 articles référencés par la base de donnée PsycINFO, de 1937 à 2007, par décennies.
Figure 1 : Répartition chronologique des 259 articles référencés par la base de donnée PsycINFO, de 1937 à 2007, par décennies.

Il est évident que la récurrence des articles va crescendo, pour des raisons historiques qui peuvent aussi bien toucher au dynamisme de la recherche, qu’à la conservation de documents ; ou encore aux échanges et à la vulgarisation scientifiques et ainsi qu’aux méthodes de recherche. Pour autant, cela nous offre un aperçu de l’intérêt porté à ce thème en psychologie. Mais il nous semble également que l’explosion visible des recherches sur l’ennui dans le champ de la psychologie en 1968 n’est pas le fruit du hasard, nous y reviendrons. Il est cependant important de noter que ces résultats ne sont pas exhaustifs de la littérature scientifique autour de l’ennui dans le champ de la psychologie19. D’autre part, nous ne circonscrivons l’étude des articles relatifs à l’ennui sur une base de données spécifique que pour cette partie, afin d’obtenir une représentation du traitement de l’ennui.

Nous pouvons constater que l’ennui est un objet de recherche qui questionne de façon constante le champ de la psychologie depuis une vingtaine d’années, même si cela reste une thématique mineure. A titre comparatif, si l’on réalise sur PsycINFO une recherche sur le thème de la motivation dans les mêmes conditions, c’est-à-dire en renseignant motiv* (qui est également un descripteur de la base de données) dans les champs « titre », « mots clefs » et « descripteurs », 15 562 articles sont référencés.

Notes
16.

ERIC n’a pas de catégorie « ennui » ; et PsycARTICLE ne référence que 9 articles, repris dans PsycINFO, d’où le choix de ne se référencer qu’à PsycINFO.

17.

Il n’y a pas de concordance systématique entre « descripteurs » et « mots clefs ».

18.

Le Robert & Collins Senior, 1998

19.

Voir Annexes 1.1.