1-3-3- Les premières recherches

Le premier article référencé est daté de 1937. Il a pour problématique la fatigue et l’ennui dans les tâches répétitives. Parler et rire sont alors des moyens pour inhiber la fatigue et l’ennui (Taylor, Thompson, et Spassoff, 1937). Les deux articles suivants, tous les deux datés de 1939 par le même auteur, s’inscrivent dans le champ des pharmacopées, et des effets psychophysiologiques de l’ennui et de l’éphédrine. On observe une pause jusqu’en 1952 où les études sur l’ennui reprennent, toujours sous l’angle de la psychologie du travail, et autour de problématiques traitant de la monotonie au travail. Cain (1953) dans ses travaux examine les courbes de productivité et l’ennui (il n’y a pas de lien d’après cette étude entre le sentiment d’ennui et la production), mais nous pouvons noter que cette relation ennui/travail, et plus précisément l’ennui comme frein à la productivité, est une thématique récurrente, sans réel consensus. Gray (1952) se penche toujours, dans le monde du travail, sur les caractéristiques des travailleurs qui se sentent ennuyés. Il en conclut que nous ne sommes pas égaux face à l’ennui et avance l’hypothèse d’une prédisposition individuelle à l’ennui ; et en 1963, la recherche de Kerr et Keil traite de l’estimation du temps qui passe (sans support visuel). Cette question de l’estimation du temps est également reprise en lien avec l’hypnose, puis autour des relations entre l’ennui induit par une tâche répétitive et l’excitation, la contrainte, et le déplaisir (Geiwitz, 1966). Les résultats mettent en évidence qu’un fort ennui est associé à une baisse d’excitation et augmente la contrainte, la répétitivité et le déplaisir.

A partir de 1974, où sont référencés 5 articles, on observe une augmentation des articles traitant de l’ennui en psychologie (Annexe 1.1.)24. Ces 5 articles sont assez représentatifs des grandes orientations de recherche sur l’ennui dans le champ de la psychologie. L’article de Weinberger, Jerome et Muller (1974) traite du narcissisme phallique et de l’ennui : les auteurs distinguent l’ennui de la dépression et font un lien entre ennui et répression des buts (cet article est discuté la même année par Eisnitz, 1974). La recherche de Sirois en 1974 porte sur l’ennui et les implications en psychiatrie. Il fait également une distinction mais cette fois entre ennui et mélancolie, et avance que l’ennui est utilisé comme défense et cache des troubles psychiatriques. La solution proposée face à l’ennui est l’intégration sociale. La recherche de Rosseel en 1974 examine les causes de l’ennui et la fatigue au travail, en lien avec une variable d’ordre sociale (un travail monotone seul ou en situations sociales). Cette recherche met en évidence que l’ennui est en lien avec une tendance à la névrose en situations sociales, et à l’extraversion en situation de solitude.

Cet aperçu du traitement de l’ennui par la psychologie confirme les observations réalisées précédemment. Même mineur, il reste un objet d’étude constant, et il intéresse tous les champs de la psychologie dans sa définition la plus large. Nous constatons que l’ennui conserve toujours un certain nombre d’ambivalences que nous avons déjà soulignées, telles que l’individuel et le social, mais également la question de la disposition de certains individus. L’ennui est à la fois présent dans le domaine attenant à la psychiatrie, avec une tentative de différenciation des autres pathologies, mais également dans le domaine du travail et de la productivité. On retrouve aussi des problématiques proches de la philosophie, par exemple avec les recherches portant sur l’estimation du temps qui passe. Le point commun à ces recherches éclatées est la tentative d’identification de variables explicatives à ce phénomène d’ennui.

Notes
24.

A l’exception de 1978 où un seul article est référencé, il n’y aura jamais moins de 3 articles par an.