4-2- Résultats et analyses

4-2-1- Caractéristiques de la population

La population pour cette enquête est composée de 71 témoignages d’enseignant-e-s. Du fait même de l’outil de recueil questionnaire, nous obtenons des données brutes, qui nous fournissent d’ores et déjà un certain nombre de pistes de compréhension sur le thème de l’ennui en contexte scolaire. Nous pouvons d’abord noter que la population est composée de 48 femmes et 23 hommes, soit 67,6% de femmes. Notre population est donc représentative de la féminisation de la profession, puisque selon les statistiques du Ministère de l’Education Nationale, 65,2% des titulaires pour l’année 2006/2007 étaient des femmes.

Le retour des questionnaires en fonction du niveau d’intervention (cf. tableau 5) nous informe déjà quant à l’implication et la façon dont le corps enseignant se sent concerné par des sujets touchant à la fois à leurs pratiques, mais également à l’actualité.

Tableau 5 : Participation selon le niveau d’intervention
Niveau d'intervention Pourcentage
Ecole Primaire
Collège
Lycée Général
Lycée Technologique
31
26,8
25,4
16,9
Tableau 6 : Tableau récapitulatif de retour des questionnaires
  Retour
Centre ville REP Banlieue Total
Ecole Primaire
Collège
Lycée Général
Lycée Technologique
4/ 7
2/ 7
5/ 7
4/ 6
6/ 7
7/ 7
5/ 7
0/ 7
7/ 7
5/ 7
3/ 7
4/ 7
17/ 21
14/ 21
13/ 21
8/ 20
Total 15/ 27 18/ 28 19/ 28 52/ 83

A titre d’exemple, si l’on observe le retour des questionnaires de la deuxième phase (cf. tableau 6)48, nous nous apercevons que le taux de retour des questionnaires en classe de primaire est le plus fort. Ensuite, le collège et le lycée général ont des taux de retour assez semblables. En revanche, nous pouvons observer un taux très faible de retour en lycée professionnel. Cela s’ajoute aux difficultés rencontrées en amont de la distribution, où nous avons dû proportionnellement contacter pratiquement deux fois plus d’établissements pour obtenir les autorisations de faire passer des questionnaires. Nous pouvons émettre un certain nombre d’hypothèses qui nous semblent liées à ce que l’on pourrait qualifier de « stigmatisation »49. On sait que selon le niveau d’intervention, les représentations sociales du métier et les pédagogies mises en place sont variables (Lautier, 2001). De manière générale, les lycées professionnels « constituent un monde à part dans le système éducatif français […] Les enseignants ont un statut différent de celui de l’ensemble du personnel enseignant, avec des syndicats spécifiques, ils sont souvent issus du monde du travail » (Dubet, in Leloup, 2003). De plus, les voies professionnelles souffrent souvent de la part des élèves d’une représentation d’orientation scolaire par défaut. Il existe une problématique spécifique de l’ennui au lycée, et encore plus dans les lycées professionnels (Leloup, 2003 ; Nizet et Hiernaux, 1984). Même si dans notre cas il s’agit de lycées technologiques, on peut penser qu’il se dégage la même tendance. Ces différentes représentations alimenteraient alors l’écart, et il pourrait en résulter un désengagement de la part des enseignant-e-s dans ce type de recherche, comme réponse à une mise en marge fréquente.

Nous avons également tenu compte de l’ancienneté des enseignant-e-s. La représentation est la suivante :

Tableau 7 : Taux de réponses selon les années d’expérience des sujets
Années d'expérience Pourcentage
entre 1 et 9 ans
entre 10 et 19 ans
entre 20 et 29 ans
30 ans et plus
38
23,9
19,7
16,9

On observe que ce sont les enseignant-e-s les plus « jeunes » (entre 1 et 9 ans d’années de pratique) qui ont le plus volontiers répondu à l’enquête, et que l’on va décroissant : plus ils et elles ont des années de pratique, moins ils et elles ont répondu. A cela, nous pouvons proposer deux réponses. D’abord, concernant la variable de l’âge, en partant du principe que plus une personne a d’années d’expérience, plus elle est âgée (la réciproque n’étant pas vraie si l’on considère les changements d’orientation professionnelle), et dans la mesure où l’âge est une variable de l’ennui, il est possible que les individus plus âgés, étant moins sujets à l’ennui, ne se soient pas sentis concernés par l’enquête. Cependant, cette hypothèse ne nous satisfait pas complètement, puisque justement, le constat d’un certain pourcentage de « jeunes » dans le métier n’indique aucunement l’âge de ces sujets. Nous pensons donc que le facteur influençant ses écarts en termes de participation, est plutôt de l’ordre de la pratique professionnelle et des idéologies par rapport à sa pratique, qui déclinent avec les années50, comme a pu le souligner Gosling (1992), autour des représentations de la réussite et l’échec scolaire chez les enseignant-e-s.

Un dernier type de données peut être obtenu, si l’on croise le niveau d’intervention et les années d’expérience :

Tableau 8 : Moyenne d’années d’expérience selon le niveau d’intervention
Niveau d'intervention Moyenne
Ecole Primaire
Collège
Lycée Général
Lycée Technologique
9,81
19,36
21,33
10,83
Moyenne totale 15,46

On peut observer une variation. Sur une moyenne d’une quinzaine d’années d’expérience de l’échantillon51, nous avons constaté que ce sont les Professeur-e-s des Ecoles qui ont le plus répondu, et particulièrement les plus « jeunes ».

A l’inverse, les enseignant-e-s intervenant en lycée professionnel sont ceux qui ont le moins répondu à l’enquête, mais ils sont également assez « jeunes », avec une moyenne d’années d’expériences presque identique aux Professeur-e-s des Ecoles.

Les « extrêmes » en termes de taux de réponse sont les plus « jeunes » dans la profession. Les enseignant-e-s de collège et de lycée général ayant répondu sont plus âgé-e-s que la moyenne globale. Encore une fois, il semble difficile d’aller plus loin dans une quelconque analyse, puisqu’il manque un certain nombre de données, comme l’âge exact des sujets.

Ces premiers résultats descriptifs nous offrent donc déjà quelques pistes de réflexion. En effet, selon le niveau d’intervention, donc par extension selon la population auprès de laquelle ils et elles interviennent, l’implication et l’investissement que suppose de participer à une recherche ne sont pas identiques. On commence à constater un facteur différentiel on peut donc penser qu’il y aurait des différences au niveau des représentations que les enseignant-e-s ont de l’ennui dans leur pratique, selon leurs pratiques et leurs positions professionnelles.

Notes
48.

Nous noterons simplement que les zones où se situent les établissements ne présentent pas de variations aussi importantes que le niveau d’intervention.

49.

Non pas en termes de situation géographique et de classement d’établissements par zones, mais bien de « réputation ».

50.

Il n’est pas possible de pousser plus avant l’analyse, dans la mesure où pour cette enquête nous ne disposons pas de l’âge des participants.

51.

Les extrêmes en termes d’années d’expérience pour l’échantillon sont de 1 à 35 ans.