4-3- Conclusion : une différenciation des représentations de l’ennui

4-3-1- Un modèle unique de manifestation

Si l’on reprend la classification descendante hiérarchique des trois Classes, en fonction de leur thématiques, on obtient la classification suivante :

Figure 7: Organisation du corpus
Figure 7: Organisation du corpus

On observe un rapport de proximité entre les représentations de l’ennui en classes de primaire, et les réactions face à l’ennui des élèves. Cela confirme bien l’existence chez les enseignant-e-s de manifestations de l’ennui communes à tous les élèves, et quel que soit l’âge. On distingue également une différence dans le discours des enseignant-e-s intervenant en primaire, car la Classe 3 se dégage nettement. En parallèle, les trois autres niveaux d’enseignement sont assez proches.

Nous avons pu constater que les manifestations, même si elles sont identiques au sein du corps enseignant, restent assez ambiguës, et notamment du fait d’une représentation en termes d’oppositions. Cette opposition est à la fois conforme aux représentations du phénomène de l’ennui, et met en évidence un champ structurant de l’ennui dans les comportements scolaires. Il permet à la fois de justifier des attitudes actives et passives. Comme le résument Molinari et Speltini (2007) : « Contrairement au savoir scientifique, le sens commun, qui sert justement à simplifier l’interprétation des événements quotidiens, se fonde sur des oppositions et des contradictions, au point qu’il nous permet de disposer d’arguments pour justifier une chose ou une autre » (p. 100). L’ennui a cette position en contexte éducatif, puisqu’il permet de qualifier les comportements et attitudes des élèves qui à la fois dérangent le déroulement du cours par le chahut, le bavardage ; mais également les comportements plus solitaires et passifs. Pour autant, le point commun reste un désengagement de l’élève par rapport à la tâche proposée.

Ce système d’opposition confirme notre hypothèse selon laquelle l’ennui, à la fois en contexte éducatif, et plus largement en contexte social, offre la possibilité d’un champ structurant dual. C’est le cas au niveau des comportements des élèves, que l’on pourrait alors qualifier de « déviant » de la norme scolaire. Cette Classe est une classe générique, permettant une description des manifestations typiques de l’ennui en contexte scolaire, sans distinctions spécifiques.

A l’évocation des manifestations de l’ennui, nous l’avons souligné, il s’agit de décrire des comportements passifs majoritairement, mais contrebalancés par des occupations actives. Si l’on reprend le dendogramme de la Classe 2 on repère très clairement les systèmes de force et d’opposition.

D’un côté on distingue la question du temps qui passe lentement, et l’attente comblée par le rêve ou le dessin ; de l’autre jouer, discuter, regarder ailleurs.

Au même titre que lorsque l’on interroge les enseignant-e-s sur la réussite ou l’échec scolaire de leurs élèves (Gosling, 1992), où ils et elles évoquent d’abord les représentations de l’élève en échec, l’ennui est perçu négativement par les enseignant-e-s, car dans la passivité. Or, l’idéologie dominante en pédagogie depuis un certain nombre d’années est centrée sur une pédagogie dite active (Gosling, 1992 ; Lautier, 2003). Un comportement de passivité de la part d’élèves semble interprété comme une posture négative, qui renvoie donc à une problématique plus professionnelle mais aussi personnelle en termes de construction de cours par exemple. Cette typologie nous éclaire quant à la complexité de ce phénomène d’ennui, indéniablement problématique et problématisé, mais qui, de par ses ambiguïtés manifestes et ces oppositions, nous conforte dans notre hypothèse selon laquelle il permet de qualifier dans ce cas des comportements déviants du modèle de l’élève, conforme aux normes de l’école.