5-2- Analyse et résultats

5-2-1- Analyse prototypique

Une fois le « nettoyage » du corpus réalisé, nous avons réalisé une analyse prototypique (Vergès, 1992 ; 1994), permettant d’accéder aux représentations par l’intermédiaire d’un système d’associations. Il ne s’agit pas dans ce cas de mettre en place une méthode d’analyse structurale, mais plutôt de dégager les rapports de force, qui structurent un champ. Cette méthode d’analyse, désignée comme prototypique, consiste en un croisement de la fréquence d’apparition d’un mot, et de son rang moyen. Le postulat étant que plus un mot apparaît dans le corpus, et plus il apparaît en « tête de liste », donc évoqué spontanément, plus il est proche du mot inducteur59. L’analyse prototypique permet alors d’attribuer à chaque terme une fréquence moyenne d’apparition et un rang moyen.

Selon la diversité des termes évoqués et le rang d’apparition, il est possible de dégager des tendances60. On peut d’abord se pencher sur le nombre de réponses différentes émises par les sujets, qui fournit un indice relatif à la stabilité intra et inter-individuelle d’une représentation. Selon Flament et Rouquette (2003, p. 62) : « La détermination des bornes du nombre de types est très simple : au minimum, on aurait une seule réponse qui serait exactement répétée N fois ; au maximum, on aurait N réponses différentes. On a donc, en désignant par T le nombre de réponses différentes :

1 ≤ T ≤ N

La première propriété d’une population de réponses est alors définie par le rapport T/N, dont on voit immédiatement qu’il varie entre 0 et 1 :

0 < T/N ≤ 1 ».

Dans notre étude, on obtient :

109 ≤ 186 ≤ 714, soit 0 < 0,26 ≤ 1

Le rapport obtenu de 0,26 tend vers 0, ce qui signifie qu’il se dégage un relatif consensus autour des représentations de la population. Mais comme le précisent bien les auteurs : « Ce n’est pas la preuve suffisante qu’il existe une RS cristallisée dans le groupe considéré, c’est-à-dire une RS possédant un noyau central, mais la mise en évidence d’une connaissance partagée et au moins d’une stéréotypie de réponses à propos de l’objet auquel renvoie l’inducteur. » (Flament et Rouquette, 2003, p. 62).

L’indice de rareté, qui prend en compte le nombre d’hapax, c’est-à-dire le nombre de mots n’ayant qu’une occurrence, permet également de fournir des indications relatives à la stabilité des associations recueillies. Si le nombre d’hapax est élevé, cela signifie qu’il existe une forte variation inter-individuelle, donc une faible stabilité. Dans notre cas, les hapax représentent 59% des termes évoqués par les sujets, ce qui signifie que l’indice de rareté est très élevé.

Enfin, nous pouvons également mesurer l’entropie de la distribution, c’est-à-dire la fréquence d’apparition selon le rang. On parle d’entropie maximale lorsque les termes recueillis ont une fréquence très forte, et d’entropie minimale si tous les termes ont par un exemple une seule occurrence. Dans notre cas, cet indice est peu pertinent puisque nous avons précisé lors de la passation de lister 5 termes.

Ces quelques indices nous permettent cependant d’affirmer qu’il existe bien un système de représentations autour du mot inducteur « ennui ».

Une fois que chaque terme retenu du corpus possède une fréquence moyenne et un rang moyen, on peut alors « ranger » les termes dans des « cases ». En se référant à la méthode structurale, on dégage quatre cases, permettant une organisation des termes dans le repère suivant :

Tableau 12 : Lecture des résultats de l’analyse prototypique
Case 1
Zone centrale de la représentation
Case 2 Informations ambiguës
Case 3
Informations ambigües
Case 4
Zone périphérique

Grâce à ce système d’interprétation, on peut alors dégager la structure d’une représentation. Cette technique de recueil permet de mettre en évidence des éléments plus ou moins forts, et des informations dites ambigües (Flament et Rouquette, 2003). Un élément dit fort possède une forte fréquence d’apparition et un rang moyen faible. Il est présent dans la zone centrale de la représentation, c’est-à-dire la Case 1. Un élément faible possède une faible fréquence d’apparition et un rang moyen élevé, il est dans la zone périphérique, soit la Case 4. Les Cases 2 et 3 regroupent les termes ayant soit une fréquence d’apparition forte et une rang moyen élevé, soit une fréquence d’apparition faible et un rang moyen faible. Ce sont donc des termes plus flous, dits périphériques. Nous l’avons souligné, nous faisons l’hypothèse que l’ennui est un thêma. Comme le soulignent Wagner, Duveen, Verma et Themel (2006) : « Ce qui hier était le mode dominant de raisonnement des hommes, peut aujourd’hui être relégué dans les zones marginales de la pensée et être supplanté par une autre forme dominante » (p. 161). Par l’intermédiaire de cette technique, il nous semble justement que l’on peut dégager ces différentes zones.

Notes
59.

Ce postulat a été remis en question notamment pas Abric (2003), qui souligne que nous n’évoquons pas forcément ce qui nous paraît essentiel directement.

60.

Liste exhaustive des termes en Annexes 3.