5-2-2- Représentations de l’ennui pour la population globale

Nous avons dans un premier temps calculé le rang moyen (2.63), et défini la fréquence moyenne à 13. Cela nous permet alors d’obtenir un tableau regroupant les 33 termes les plus souvent utilisés et les plus spontanément listés à l’évocation du mot « ennui ». Pour chaque terme, nous avons signalé la fréquence entre parenthèse et le rang (« rg ») :

Tableau 13: Structuration du lexique de l’ennui chez les Professeur-e-s des Ecoles
  Inférieur à 2.63 Supérieur ou égal à 2.63
Rang moyen 2.63

Supérieur ou égal à 13










Fréquence







Inférieur à 13 et supérieur ou égal à 6

Case 1
Inintérêt (40) ; rg = 2.08
Désintérêt (39) ; rg = 1.95
Inactivité (34) ; rg = 2.59
Bavardage (24) ; rg= 2.24
Chahut (23) ; rg = 2.22
Sens des apprentissages (21) ; rg = 2.62
Passivité (20) ; rg = 2.55
Temps long (15) ; rg = 2.53

Case 2
Démotivation (35) ; rg = 2.66
Incompréhension (27) ; rg = 2.63
Monotonie (21) ; rg = 2.63
Concentration (13) ; rg = 3.31
Sens de l’école (13) ; rg = 3.46

Case 3
Attente (10) ; rg = 2.40
Baîllement (8) ; rg = 2.13
Cours magistral (7) ; rg = 1.86
Echec (7) ; rg = 2.00
Perdre son temps (7) ; rg = 2.57
Rien faire (6) ; rg = 1.83

Case 4
Faire autre chose (11) ; rg = 3.09
Construction du cours (10) ; rg = 2.80
Difficulté (10) ; rg = 3.50
Envie de dormir (10) ; rg = 3.10
Fatigue (9) ; rg = 3 .22
En avance (8) ; rg = 2.75
Solitude (7) ; rg = 2.71
Surdoué (7) ; rg = 3.43
Trop facile (7) ; rg = 4.43
Décrochage (6) ;rg = 2.67
Enseignant monotone/ exclusion (6) ; rg = 3.33
Trop difficile (6) ; rg = 4.33

Chez les Professeur-e-s des Ecoles, l’ennui est principalement associé à l’inintérêt et au désintérêt 61. On trouve ensuite l’inactivité, à rapprocher de la passivité et du temps long, c’est-à-dire une représentation axée vers la stagnation. Mais conformément aux remarques déjà formulées, on trouve également le bavardage et chahut, qui sont à l’opposé dans l’activité. Le sens des apprentissages est également au centre des représentations de l’ennui en contexte éducatif.

L’ennui est en lien avec le défaut d’intérêt (inintérêt, désintérêt), et pas à la démotivation, qui se situe dans les zones dites « floues ». Cela confirme nos remarques au sujet de l’ennui, qui n’est pas assimilé à la démotivation ou l’amotivation. Cela confirme également un champ structuré en termes d’oppositions, qui ressort à l’intérieur même de la zone dite centrale, l’opposition majeure étant activité vs passivité, reprise textuellement, ou pas l’intermédiaire de comportements scolaires. Nous noterons cependant qu’il est plutôt tourné vers la passivité, que l’activité.

La case 4, qui regroupe les éléments périphériques est le reflet de la difficulté à définir l’ennui. Nous avons une énumération de causes et conséquences dites innées ou acquises de l’ennui. Le premier terme confirme une représentation en opposition autour de la question de faire autre chose ; ensuite la construction du cours, qui est plutôt relative à l’enseignant-e e, proche de l’enseignant monotone. On trouve également des causes ou des conséquences en lien avec la fatigue et l’envie de dormir.

Cette zone périphérique est également structurée autour d’oppositions, mais qui sont plutôt relatives cette fois au contexte scolaire bien spécifiquement, et particulièrement autour de réussite vs échec scolaire. En effet, on trouve les termes difficultés, décrochage, exclusion et trop difficile, qui qualifient plutôt des situations de difficulté ou d’échec scolaire ; mais également en avance, surdoué, trop facile, situations scolaires complètement opposées de réussite et de très forte réussite scolaire.

Les zones définies dans ce tableau comme floues ou ambiguës sont aussi appelées « zones potentielles de changement » (Vergès, 1992), c’est-à-dire que ces éléments peuvent déséquilibrer les représentations. Dans notre cas, dans la case 2, considérée comme regroupant les termes n’ayant pas un rapport immédiat avec le mot inducteur « ennui », on trouve la démotivation, l’incompréhension, la monotonie, la rêverie, la concentration et le sens de l’école. Il est parfois préconisé de réaliser a posteriori une catégorisation de l’analyse prototypique (Vergès, 1992). Dans ce cas, cela ne semble pas nécessaire car les termes utilisés sont trop éclatés, et pourraient même être des catégories. En effet, l’ennui renvoie aussi bien à des causes cognitives (démotivation, concentration) que contextuelles (monotonie) ou encore le sens même de l’école.

La Case 3, comprenant des informations plus globales, est plutôt dans une dynamique passive et négative, avec l’attente, le bâillement, cours magistral, échec, perdre son temps, rien faire. On peut donc l’interpréter comme un renforcement des aspects négatifs relatifs à l’ennui en contexte scolaire.

Notes
61.

Le « désintérêt » laisse entendre un désengagement dans la tâche, alors que ce n’est pas le cas avec l’« inintérêt ».