7-3-2- Filles et garçons dans l’espace scolaire selon leur position

Il est intéressant de constater que lorsque l’on prend en compte le sexe de l’élève, en fonction de la réussite ou non, les variations notées s’accentuent encore. On l’observe d’abord en distinguant les explications internes et externes de la zone centrale lorsqu’il s’agit d’élève en réussite :

Tableau 31 : Traits attribués en zone centrale aux garçons et aux filles en réussite 
  Interne Externe
Stable Modifiable Stable Modifiable
filles en réussite Contrôlable bon élève ; scolaire   compétences globales acquises  
Incontrôlable        
garçon en réussite Contrôlabe bon élève   compétences globales acquises  
Incontrôlable polyvalent ; intelligent ; complet sérieux    

Nous avons souligné le fait que les enseignant-e-s proposent beaucoup moins de termes quant il s’agit de filles en réussite. Les explications sont plutôt internes, ce qui est conforme à ce que nous avons mis en évidence. Mais on observe une différence entre les filles et les garçons. D’abord, l’ennui n’est pas évoqué pour les filles, mais uniquement pour les garçons. Ensuite, les explications pour les filles sont plutôt internes, et contrôlables. Alors que lorsqu’il s’agit de garçons, on trouve aussi des explications plutôt internes à l’élève, mais surtout incontrôlables.

Cela confirme notre hypothèse selon laquelle non seulement il existe une représentation plutôt innée en termes de réussite, mais cela concerne plus précisément les garçons en réussite. Lorsqu’il s’agit de filles, les représentations vont dans le sens des représentations différenciées dans l’école : les garçons sont plutôt doués, alors que les filles sont plutôt travailleuses ; les garçons n’ont pas particulièrement d’efforts à fournir puisqu’il semble que cela soit plutôt inné, alors que les filles auraient plus de contrôle, et notamment par le travail scolaire fourni.

Dans le cas de difficultés scolaires, on a une autre configuration :

Tableau 32 : Traits attribués en zone centrale aux garçons et aux filles en difficulté
  Interne Externe
Stable Modifiable Stable Modifiable
filles en difficulté Contrôlable en difficulté concentration difficulté compréhension difficulté
Incontrôlable        
garçon en réussite Contrôlable en difficulté manque de motivation    
Incontrôlable   pas intérêt    

Contrairement à la réussite, où l’ennui est plus personnalisé avec s’ennuie lorsqu’il s’agit de garçons, ici, en cas de difficultés, ennui et s’ennuie sont au centre des représentations, et ce aussi bien avec les garçons et les filles. L’ennui prend donc d’abord sens en cas de difficulté, et ce quel que soit le sexe de l’élève, mais également en situation de réussite, mais seulement chez les garçons. On observe un second point de distinction fille/garçon : le terme de manque de motivation, contrôlable par l’enseignant-e est évoqué lorsqu’il s’agit des garçons, alors que pas d’intérêt, qui est non contrôlable par l’enseigant-e est évoqué quand le relevé est celui d’une fille. A l’inverse de la réussite, les enseignant-e-s fournissent plus de termes lorsqu’il s’agit des filles en difficulté, et ces termes sont principalement contrôlables.

On distingue donc une représentation différenciée dans la description faite des élèves, selon les variables groupales observées. Les enseignant-e-s décrivent plus les garçons en réussite et les filles en échec. Et en particulier, les termes employés sont plutôt internes, stables et incontrôlables lorsqu’il s’agit de garçons en réussite ; et contrôlables (internes et externes) dans le cas de relevés de filles.

Cependant, une des particularité de l’ennui est sa corrélation avec des comportements illustrant un manque de contrôle de soi, comme l’impulsivité, les comportements agressifs, ou encore la colère (Dahlen et al., 2004 ; 2005 ; McLeod et Vodanovich, 1991 ; Rupp et Vodanovich, 1997). Il a été également mis en évidence, même s’il n’y a pas de consensus, que les hommes ont une plus forte disposition à l’ennui que les femmes, et notamment parce qu’ils auraient plus besoin de stimulation, ce qui expliquerait une plus grande propension à la recherche de sensations et de stimulation et aux comportements déviants (Dahlen et al., 2004 ; Wasson, 1981). Ces résultats peuvent expliquer les représentations en termes de contrôle de la part des filles, qui seraient alors moins sensibles au contexte, ce qui provoquerait alors une plus grande maîtrise et une plus grande stabilité de leur part. On retrouve ce type d’explication également lorsque l’on fait référence au stéréotype des filles studieuses et scolaires (Duru-Bellat, 2004 ; Mosconi, 1994 ; Zaidman, 1996). Scolaire est d’ailleurs un terme que l’on trouve lorsque les enseignant-e-s décrivent les filles en réussite.

Par l’intermédiaire de ces associations induites par des relevés de notes, nous le répétons, exactement identiques selon la variable sexe, et différent en fonction de la réussite scolaire ou non, selon des critères académiques, on distingue des variations. Cette simple remarque confirme bien que l’ennui est porteur de sens en contexte éducatif, puisqu’il module les représentations qu’un ou une enseignante ont des élèves.