8-2- Analyse lexicale descriptive des occurrences dans le discours enseignant

8-2-1- Les prédictions pour l’année scolaire

Le premier traitement a été réalisé sur le corpus de réponses données à la question :

‘« Que pensez-vous pouvoir prédire de l’année scolaire de cet-te élève ? ». ’
Figure 9 : Analyse Factorielle des Correspondances avec la taille des points proportionnelle à l’effectif qu’ils représentent
Figure 9 : Analyse Factorielle des Correspondances avec la taille des points proportionnelle à l’effectif qu’ils représentent
Figure 9 : Analyse Factorielle des Correspondances avec la taille des points non proportionnelle à l’effectif qu’ils représentent
Figure 9 : Analyse Factorielle des Correspondances avec la taille des points non proportionnelle à l’effectif qu’ils représentent

On distingue sur l’axe horizontal du repère, au quadrant inférieur, les filles, ayant un bon relevé de notes ou en difficulté ; et sur le quadrant supérieur les garçons, là aussi en réussite ou non. Sur l’axe vertical, on distingue les élèves en réussite des élèves en difficulté. On peut noter que les élèves en réussite sont très proches, ce qui est moins le cas pour les élèves en difficulté. Mais on observe que les mots les plus fréquents et les plus partagés, au centre du repère, sont élève et année, ce qui semble assez logique au regard de la question posée.

Les termes évoqués dans le cas d’élèves en difficulté sont axés sur l’apprentissage, le manque et le travail, avec le manque plus spécifique aux garçons et le travail aux filles. De l’autre côté, la question des acquisitions est centrale et partagée. Quant au scolaire, il est plutôt relatif aux filles.

Si l’on observe toujours les points les plus importants, donc les mots les plus récurrents, et que l’on s’éloigne du centre, va et difficulté sont proches des garçons en difficulté, ce qui là encore est conforme à la projection pour cette année scolaire. Mais ce n’est pas le cas pour les filles en difficulté, où dans ce cas il est fait référence à la différenciation, la classe et le risque. Si l’on compare les mots associés aux garçons en difficulté et ceux associés aux filles en difficulté, on distingue une représentation différenciée selon le sexe de l’élève, qui confirme la précédente recherche (Chapitre 7).

Face à un relevé de notes d’une élève en difficulté, et sans prendre en compte les mots partagés selon les différentes variables, les représentations sont assez négatives : échecs, bases, non, début, classe, risque, ainsi que différenciation et besoin. Difficile et lacunes sont partagés. Dans le cas d’un garçon, on trouve difficultés et difficile, voie, va, pense, grosses, CM2, enseignant, place et progresser. Lorsqu’il s’agit d’un garçon, l’emploi du verbe progresser est révélateur, tout comme voie (à mettre en lien avec acquisition). CM2 tend à inscrire ce constat dans une année scolaire, ce qui n’est pas le cas pour les filles, où sont évoquées les bases par exemple. Les enseignant-e-s, même en précisant bien les difficultés rencontrées par l’élève, utilisent des termes qui les mettent dans une posture plus dynamique avec les garçons en difficulté. Les lacunes sont partagées qu’il s’agisse d’un ou une élève, comme une sorte de constat de départ. Mais en termes de justifications, on pourrait dégager deux types de perspectives. Pour les filles, le relevé semble être pris en compte plus largement, et englober la scolarité de l’élève, avec l’avant relevé et l’après. Pour les garçons, on notera la place de l’enseignant, et comme nous l’avons souligné, une perspective plus inscrite dans l’année scolaire.

On note une différenciation selon le sexe de l’élève en contexte de difficulté scolaire, comme le mettent bien en évidence ces deux remarques pratiquement identiques :

Encadré 7 : Prédiction en position de difficulté
- « L’année scolaire risque d’être longue pour cette élève dans la mesure où elle montre peu d’intérêt en classe et les résultats s’en ressentent. » (Sujet 112, fille en difficulté)

- « L’année risque d’être longue, difficile pour lui, si l’enseignant ne met pas des choses en place » (Sujet 102, garçon difficulté)

Les causes qui justifient ou expliquent cette situation scolaire n’ont pas les mêmes sources. Dans un cas il s’agit de l’élève et de ses résultats ; dans l’autre c’est l’enseignant qui est mis en cause.

Lorsque l’on observe les occurrences du côté des élèves en réussite, là encore, les termes les plus récurrents sont les plus partagés : acquisition, année, élève. Au niveau des différences, on peut là encore distinguer, comme c’est le cas lorsqu’il s’agit d’élèves en difficulté, une différence d’inscription dans le temps de ce relevé de notes. Pour les garçons, les termes de période, école, résultats, bon reflètent une projection assez limitée dans le temps :

Encadré. 8 : Prédictions en position de réussite pour une fille
- « Si l’élève s’ennuie réellement cela peut conduire à une baisse de motivation et donc du travail (exercices trop faciles…). Il se peut que les résultats deviennent moins satisfaisants de ce fait ! » (Sujet 6)

- « De bons résultats mais à « surveiller » car peut-être manque de motivation, d’intérêt. Faire attention à l’intégration de cette élève dans la classe (relation avec ses camarades, avec les adultes de l’école…) » (Sujet 26)

- « Cette élève a compris comment fonctionnait l’apprentissage et exploite à bon escient ces compétences, même si elle a tendance à négliger les détails, l’exécution au profit du contenu. En conséquence, elle devrait maintenir et approfondir ces compétences. Pourtant, comme il n’y a pas de notions nouvelles et motivantes en CM2, elle peut aussi se « reposer » et « stagner » par démotivation et désintérêt. Ce qui peut, au final, engendrer des résistances à l’apprentissage et la non validation de compétences. » (Sujet 31)
Encadré 9 : Prédictions en position de réussite pour un garçon
- « S’il continue ainsi, ces résultats se maintiendront. Mais il risque de s’ennuyer de plus en plus et peut-être de devenir moins attentif et un peu perturbateur. » (Sujet 27)

- « Dans la mesure où à l’issue de cette période, cet élève n’a que des acquis (dominants) et des en cours d’acquisition (en minorité) je pense que cet élève va s’ennuyer un peu, ce qui semble d’ailleurs d’après les commentaires être déjà le cas et perdre de l’intérêt pour l’école. » (Sujet 39)

- « Il semble que cet élève soit brillant. Il a très peu de compétences à renforcer, seulement 7/41 et il n’a aucune compétence non acquise. Si l’enseignant dit que cet élève s’ennuie c’est peut-être que le travail qui lui est proposé est trop facile pour lui et qu’il n’a pas appris beaucoup de choses cette année. » (Sujet 58)

De plus, la prédiction se fait sur des données que l’on pourrait qualifier d’objectives. Pour compléter cette remarque, sembler et devrait accentuent cette prise de position ponctuelle. En revanche, lorsqu’il s’agit de filles, le niveau, la motivation, l’intérêt, les compétences ou même scolaire, font référence à la fois à des données objectives issues du relevé de notes, mais en proposant des pistes d’explications intrinsèques à l’élève. Les acquisitions du garçon le mettent dans une position de réussite, mais qui risque de conduire à un désengagement et à un désintérêt. Lorsqu’il s’agit d’une fille, et comme l’illustrent bien les encadrés précédents, alors que la réussite est strictement identique, les commentaires font état d’une « surveillance », pour éviter soit une baisse de résultat, soit des soucis de type « relationnel ».

On observe que le terme d’ennui, qui nous intéresse particulièrement, est plutôt associé à la réussite, et encore plus lorsqu’il s’agit des filles. Cela signifie alors que l’appréciation d’ennui prend plus particulièrement sens lorsqu’il s’agit d’élèves en réussite, et encore plus lorsqu’il s’agit de filles.