9-2-3- Le bon élève mis en danger par l’ennui

Le traitement a dégagé une troisième Classe, toujours inscrite à l’intérieur de la catégorisation des « bons élèves », mais où l’ennui peut conduire à l’échec. Les enseignant-e-s font donc une distinction à l’intérieur d’un même profil en réussite, entre une réussite qu’on pourrait qualifier d’indépendante d’eux-mêmes, proche de l’idéologie du don, et des bons élèves qui risqueraient cette fois d’être en difficulté.

Tableau 35 : Formes réduites des présences et absences significatives classées selon la métrique du Chi2
  Classe 3 : forme réduite (Chi2)
Présences significatives compet+ent (98), acquerir. (87), acquisition+ (68), voie+ (45), annee+ (42), deja (30), bon 83(29), risque+ (27), deroul+er (25), maintenir. (24), bonne+ (22), en-cours (21), continu+er (21), VA (20), fin+ (20), veill+er (18), decroch+er (15), termin+er (14), motiv+er (14), efficac+e (14)
Absences significatives parent+ (-9), aide+ (-7), exercice+ (-7), professeur+ (-7), suivre. (-7), lune+ (-6), precoc+e (-6), mise+ (-5), besoin+ (-5), classe+ (-5)

Dans ce cas de figure, la présence significative la plus forte est compétent, et pas la variable signalétique « bon » que l’on trouve plus loin. De même, nous ne sommes pas face à des élèves précoces, qui est une absence significative. On distingue à la lecture des présences significatives un vocabulaire très scolaire autour de l’acquisition et d’acquérir, et voie, ainsi que VA. Souvenons-nous que les relevés signalent les compétences non acquises, acquises, ou en voie d’acquisition. Cependant, nous pouvons également noter que malgré la forte présence de l’acquisition (ou non), aucune matière scolaire n’est spécifiée. Nous sommes dans une sorte de vue d’ensemble de l’année scolaire, avec année, en cours, fin, terminer.

Pour autant, à travers les verbes maintenir, continuer, veiller, on sent bien que l’élève est tout de même sur le fil, et cela pourrait même le conduire jusqu’au risque de décrochage, et qu’il va falloir être motivé et efficace.

Cette Classe 3 a une arborescence84 assez identique à la Classe 1, c’est-à-dire un découpage en deux dendogrammes, et comprenant à l’intérieur un second découpage. La partie supérieure du dendogramme dresse un bilan dans une perspective globale de l’élève scolarisé-e : acquérir et compétences (Chi2 les plus élevés de cette Classe), à proximité de bonne et année. On trouve également fin et cycle, proches de continuer et aller, qui présagent donc une bonne année scolaire, tout comme certainement et aller. On peut cependant noter une petite « mise en garde », avec le rapport de proximité entre acquisition et voie, et démotivation, mais on peut dire que globalement il se dégage une thématique autour d’une année scolaire en position de réussite.

La partie inférieure du dendogramme contrebalance ces prédictions assez positives. D’abord avec risque, nuancé par sembler, ainsi que décrochage et grand. Il est également évoqué le sens des apprentissages, proche d’un pronostic qui serait à plus court terme (déroulement et période). Les termes de motivations sont présents : motiver et situation, ainsi que veiller et motiver. Face à un constat de réussite apparente au travers du relevé, un risque de basculer est présent et doit retenir la vigilance de l’enseignant-e. On voit bien cette construction dans les témoignages typiques des sujets de cette Classe :

Encadré 22: Bonne année grâce à des acquis antérieurs solides, mais un risque
- « Les compétences de base (CE2/CM1) semblent être acquises pour cette élève qui manifeste un bon niveau dans toutes les disciplines.
En revanche, cette élève semble peu motivée par les apprentissages (« donne parfois l’impression de s’ennuyer »). Il semble donc important de ne pas négliger l’intérêt et l’investissement de cette élève dans les apprentissages qui pourraient nuire à son année scolaire si cette « démotivation » s’installait durablement. » (Sujet 3)

- « L’année de CM2 devrait lui permettre d’acquérir toutes les compétences déclinées dans les programmes du Cycle 3. L’élève ne semble pas présenter au vu des résultats des évaluations et des commentaires de « grosses » difficultés d’apprentissage. Son ennui peut être cependant la source de difficultés à prévoir (comportementaux ou dans les apprentissages). » (Sujet 14)

- « L’année devrait être sans difficulté pour l’élève. Beaucoup de compétences sont déjà acquises en 2ème période. Il lui reste à travailler les compétences en cours. Peut-être que son manque d’intérêt apparent (ennui) risque d’augmenter. » (Sujet 46)

- « L’élève semble avoir acquis un grand nombre de compétences en fin de cycle 3 et va à mon avis continuer d’approfondir celles-ci durant son année de CM2, et aussi en acquérir de nouvelles » (Sujet 78)

- « Cet élève est bon, il maîtrise d’ores et déjà les compétences de fin de cycle 3. Il s’agit de mettre en place des activités adaptées pour le « nourrir », le faire progresser sans installer l’ennui.
Il faut veiller cependant à ne pas creuser les écarts mais à différencier les activités pour ramener plus loin dans la maîtrise des compétences. » (Sujet 99)

- « Une bonne année scolaire étant donné le peu de compétences qu’il reste à acquérir, et qui en plus sont toutes en voie d’acquisition » (Sujet 132)

- « Les compétences sont presque toutes acquises ou en voie d’acquisition. L’année scolaire se profile donc sans trop de difficulté pour cet élève.
L’observation sur le comportement peut laisser entendre qu’il faudra souvent le solliciter pour le maintenir en action. » (Sujet 249)

On constate bien que l’ennui, même s’il n’apparaît pas comme significatif, est pris en compte comme un risque de décrochage et de désinvestissement. On pourrait alors parler d’une sorte de stade transitoire entre deux profils d’élèves extrêmes, renforcé par la présence des termes de démotivation, motivation et motiver, qui, nous l’avons évoqué, à la différence de l’ennui, sont des termes qui induisent des outils pour activer la motivation. Nous constatons également, et cela va dans le même sens, que lorsqu’il s’agit de la Classe 1, la motivation n’est pas évoquée. Gosling (1992), dans ses travaux sur la réussite et l’échec scolaire constate au sujet de la problématique inné vs acquis que : « l’élève qui réussit nettement […] est un élève doué. Il n’y a pas de référence à l’effort, ou même à la motivation : l’élève doué travaille dans la facilité, il est hors norme » (p. 134). Il y a donc au sein d’un même profil de réussite scolaire deux degrés d’ennui, conduisant à deux constats qui accentueraient alors les positions scolaires vers les extrêmes.

Notes
83.

Variable signalétique.

84.

Dendogramme de la Classification Ascendante Hiérarchique en Annexes 6.3.