Chapitre 10 : Illustration qualitative : les enseignant-e-s parlent de l’ennui

10-1- Contexte et objectifs

10-1-1- Intérêt d’un apport qualitatif

Notre hypothèse intégrative est que l’ennui est un thêma. Les méthodes qualitatives sont bien adaptées pour mettre à jour la dialogicité car elle s’exprime par le langage et la communication. Comme le décrit bien Jodelet : « Un principe fondamental en recherche qualitative est l’attention portée à l’émergence et au déroulement spontané des phénomènes […] Tandis que dans l’expérimentation le chercheur crée les conditions dans lesquelles il va provoquer un phénomène, tandis que le questionnaire impose un cadre (conceptuel, linguisitique, etc.) aux réponses, souvent précontraintes, des personnes interrogées, l’approche qualitative s’efforce de ne pas intervenir sur le cours des choses observées […] » (2003, p. 146).

Nous nous sommes donc interrogée quant à la transmission des représentations, car nous savons comme les enfants y sont sensibles (nous l’avons évoqué au travers des représentations genrées), mais également parce que nous avons pu constater des similitudes en termes d’attribution chez les élèves (Chapitre 6), particulièrement au niveau de variables positionnelles. Les différentes données recueillies ne nous offrent pas la possibilité de creuser plus avant ce premier point, tout comme, nous l’avons souligné, la notion de polyphasie cognitive, ou la coexistence d’un discours professionnel et privé de la part des enseignant-e-s sur l’ennui. Nous avons adapté notre méthodologie au terrain, assez difficile d’accès, et ce pour trois raisons principales, relatives au contexte et à la population. D’abord, un « étranger », pour entrer dans une école, doit passer par la voie hiérarchique et obtenir l’accord du chef d’établissement. Ensuite, une fois cette première étape franchie il faut « convaincre » les enseignant-e-s de participer. Tout au long de ce travail, aucun-e enseignant-e, et ce quel que soit le niveau d’intervention ou la demande formulée, n’est resté-e insensible à la thématique de l’ennui. En revanche, la perdition lors de la proposition d’approfondir le sujet est très importante (le manque de temps est très souvent invoqué). Enfin, il paraît nécessaire si l’on fait référence à l’interactionnisme et le champ des représentations sociales, d’interroger les élèves. Et là encore, les démarches sont très longues, et la perdition de la population s’effectue principalement lors de l’accord des parents pour que leur-s enfant-s participe-nt.

C’est pour ces différentes raisons qu’il nous a paru nécessaire d’approfondir à la fois cette dualité de l’ennui dans le discours même en recueillant la parole des enseignant-e-s, afin d’en confirmer les lignes de forces, souvent ambiguës ; mais également à un niveau plus interactionniste, autour de la transmission des représentations. Pour ce faire, nous avons donc décidé d’interroger des enseignant-e-s qui signalent avoir dans leur classe des élèves qui s’ennuient, et dans une seconde phase, d’interroger ces élèves.