10-1-3- Recueil et méthode d’analyse

Nous avons procédé avec les enseignant-e-s à des entretiens de type semi-directifs, également nommés entretiens focalisés : « La conduite de l’entretien focalisé est d’abord non directive : la non directivité dans l’interview signifie intérêt et confiance soutenue et interventions non structurées, ceci afin d’assurer le maximum de fiabilité au discours. C’est dans ce climat que l’interviewer est amené au moment opportun à conduire son exploration en allant toujours du général au particulier :

Nous sommes partie de la description d’un cas qu’ils et elles connaissaient, et par l’intermédiaire d’une grille d’entretien87, récapitulant les thèmes que nous souhaitions approfondir, nous avons soit rebondi en fonction du discours, soit introduit ces thèmes si cela n’avait pas été évoqué. Enfin, nous avons proposé un résumé de l’entretien, à la fois pour laisser la possibilité à l’interviewé-e de revenir, approfondir ou compléter ; mais également dans le but de mettre en exergue l’aspect polyphonique et parfois contradictoire d’un discours sur l’ennui.

Dans le cas des entretiens auprès des élèves, nous avons opté pour des entretiens plus directifs. En effet, comme il s’agit d’élèves de Cycle 3, ils sont âgés en moyenne de 9 ans, mais peuvent être plus jeunes (comme c’est le cas avec une élève ayant un an d’avance). Leur âge est une donnée à prendre particulièrement en compte, et ce pour un certain nombre de raisons. D’abord du fait de notre objet de recherche, car par définition l’ennui véhicule un aspect positif et négatif. Si l’on se réfère au développement cognitif de l’enfant, il est théoriquement au stade des opérations concrètes en référence aux théories piagetiennes, notamment au niveau de la logique inductive. Ce stade permet à l’enfant de passer d’un raisonnement du particulier vers le général. Mais il ne s’agit pas d’un cadre rigide, et nous ne pouvons pas juger a priori du stade atteint par les élèves interrogés. Enfin, l’objectif de cette recherche n’étant pas de créer une situation déstabilisante, mais de rester dans une perspective descriptive, nous avons été particulièrement vigilante dans la formulation des questions, dans la lignée des consignes pour la passation d’épreuves piagetiennes, avec des questions du type : « Tu penses que c’est plutôt bien ou plutôt pas bien… ».

Une fois les entretiens enregistrés avec un dictaphone, soit six entretiens d’enseignant-e-s et douze d’élèves, nous avons procédé selon les trois étapes décrites par Paillé et Mucchielli : « 1/ un travail de transcription, par lequel on passe de la scène observée ou du témoignage livré à leur transcription sous une forme écrite ; 2/ un travail de transposition, alors que les notes de terrain ou les verbatims sont annotés, catégorisés, commentés ou réécrits […] ; 3/ un travail de restitution, normalement constitué par le rapport ou la thèse, et qui prend le plus souvent la forme d’un récit argumenté autour des principales catégories d’analyse, avenues de compréhension, pistes d’interprétation. » (2003, p. 30).

Le travail de transcription en intégralité des entretiens permet une appropriation du corpus. Ensuite, le travail de transposition a consisté en une lecture flottante, permettant une annotation des impressions recueillies, sans chercher de liens ou de sens. Puis nous avons réalisé une seconde lecture, cette fois en dégageant les thèmes et sous-thèmes, qui dans notre cas étaient récapitulés par la grille d’entretien, et tout notre travail en amont, mais également par les cassures des discours recueillis. Enfin, nous avons découpé le travail de restitution en deux phases : une étude séparée des entretiens d’enseignant-e-s ensemble et des élèves ; puis une étude des correspondances entre l’entretien des enseignant-e-s et de leurs élèves.

Dans une perspective de triangulation, nous avons réalisé une analyse thématique, c’est-à-dire sur un registre sémantique, afin de dégager et d’approfondir les grands thèmes (Bardin, 1977 ; 2003), soit induits par les questions, soit soulevés par les sujets eux-mêmes. En effet, l’un des objectifs principaux de cette dernière recherche est de proposer des données plus empiriques, afin de corroborer ou non les résultats préalablement obtenus, dans une perspective interactionniste, où les thêmata sont « souvent enracinées dans la culture et transmis par le langage, la communication et le sens commun de génération en génération. » (Marková, 2003, p. 234). Dans une dynamique de transmission, nous avons donc dans un premier temps réalisé une analyse des témoignages recueillis, pour ensuite constater les points communs et les points de divergences entre les représentations des enseignant-e-s et les représentations des élèves.

Notes
87.

Grilles d’entretien en Annexes 7.1.1.