10-3- L’aspect positionnel dans l’ennui

10-3-1- Filles et garçons face à l’ennui

Nous l’avons évoqué, il est fait référence à la question des positions « extrêmes » dans l’espace scolaire. Même si certains des sujets s’en défendent, ils et elles évoquent spontanément des cas extrêmes de réussite et d’échec scolaire. Nous avons posé la question d’une différence d’ennui entre les garçons et les filles. Tous s’accordent pour affirmer qu’il n’y a en a pas, ou que s’il y en avait, c’est sous l’influence d’autres variables, comme nous allons le développer :

Encadré 32 : Différence fille/ garçon
« - R : non je pense pas que ce soit lié au fait que ce soit des filles ou des garçons. Je pense qu’il y a de l’ennui chez les filles et chez les garçons, mais pas pour les mêmes matières, pas pour heu, y a des moments, ils décrochent jamais au même moment, et puis ils n’ont pas la même personnalité » (Annie)

« - R : Pour moi c’est pareil garçon fille même combat là-dessus, heu, après y a des profils effectivement…» (Michel)

« - R : (silence). Heu, ben ouais je me dis ouais Boris qui est un garçon s’ennuie différemment de, de Bérénice, par rapport à Bérénice. Après est-ce que c’est une réac… j’en sais rien, j’en sais rien, honnêtement je, je ne sais pas. […] Je pense qu’on s’ennuie différemment, mais est-ce que on s’ennuie parce qu’on est enfin heu je, ouais, je sais pas trop, je… » (Béatrice)

Il s’agit d’un discours assez défensif de la part des enseignant-e-s, parce que nous abordons un sujet qui n’est pas « correct ». Les réponses de Stéphane à ce sujet mettent en évidence le formalisme du discours des enseignant-e-s à ce sujet :

Encadré 33 : Stéréotypes genrés dans l’école
- « R : Si cert… ha oui bah si je réfléchis je pense que oui. Heu, pas forcément heu… sans, sans parler d’expérience je me dis que… bah, culturellement heu… les filles et les garçons ont des attraits différents heu, forcement, donc heu, naturellement heu, si on évoque, si on est sur un.. hum (rires)… bon… y a, y a certainement des… des domaines heu, d’apprentissage qui vont plus intéresser les filles que les garçons. Je crois que c’est pas ça que je voulais dire. » (Stéphane)

On observe la retenue face un discours stéréotypé, qui malgré tout émerge par l’intermédiaire d’aspects « culturels » et « naturels ». Et il contrebalance ses dires directement en rajoutant « Je crois que c’est pas ça que je voulais dire ». Ce discours latent qui face à une question jugée difficile ou délicate prend comme point d’accroche les stéréotypes, mais qui par la même occasion provoque un conflit est très présent. Les enseignant-e-s avec une plus longue expériences se cachent derrière l’expérience et les exemples pris au hasard, mais assimilant systématiquement des matières scolaires et le sexe des élèves, comme c’est le cas pour Annie. Mais c’est très clair dans le discours déjà cité de Stéphane, ainsi que Natacha, qui précise d’ailleurs que c’est très « cliché » d’assimiler fille/matières littéraires et garçons/matières scientifiques :

Encadré 34 : Stéréotypes genrés selon les matières scolaires
- « R : Il est plus bruyant. La fille, alors de manière générale, les filles rentrent plus dans le système de cadre, dans le système scolaire, parce qu’elles veulent bien faire heu, je pense plus facilement que les garçons, et ça ça, sur 20 ans je l’ai remarqué, elles rentrent plus dans le cadre ». (Annie)

- « R : Ben alors là c’est le truc à la con, mais c’est vrai que ça se vérifie un petit peu, un petit peu. Alors c’est le cliché, le gros cliché, et pourtant, alors je dis pas qu’ils sont meilleurs en maths, mais ils aiment plus les maths que le français pour la plupart. Alors je sais pas, les maths c’est plus valorisant, mais c’est ce qu’on retrouve après chez les parents hein, pour eux faire S c’est plus valorisant que faire L. Et ben on a l’impression que pour les garçons les maths c’est plus important que le français ». (Natacha)

- « R : Non, c’est bête hein… non, non non, en fait j’allais vous dire heu, vous savez le côté heu, technique, heu les, tout ce qui peut être sciences et technologies, et ben en fait heu non pas du tout, ça intéresse autant les filles que les garçons. » (Stéphane)

L’ennui est nié comme étant en lien avec le sexe de l’élève, et est plutôt expliqué comme lié à la « personnalité », ou le « caractère », souvent mis en lien avec un aspect « inné ». Les stéréotypes en fonction du sexe de l’élève ne sont donc pas axés sur l’ennui qui est plutôt appréhendé comme personnologique, et atténué par la variable réussite vs échec. Mais en revanche, les stéréotypes genrés émergent, notamment au niveau des matières scolaires, et du comportement de façon plus large.