10-3-2- Le fond et la forme dans l’ennui et les remédiations

Les matières scolaires ont donc bien une influence sur la perception de l’ennui. En revanche, il n’y a pas de consensus sur les matières qui ennuieraient plus ou moins : l’histoire et la géographie pour Natacha et Béatrice, alors qu’au contraire, ce sont ces mêmes matières qui ennuieraient le moins selon Patrick et Annie. En réalité, ce n’est pas tant de la matière scolaire, que la manière dont elle est dispensée dont il s’agit. L’action, le fait de positionner l’élève comme acteur, au centre des apprentissages, est le « remède » à l’ennui, ou plus radicalement pour Annie le moyen de « tuer l’ennui ». Il est provoqué par le cours magistral, dispensé de manière « frontale », et quand justement la parole de l’enseignant-e prend finalement le dessus sur l’action. Il est également fait référence à ce que l’on peut nommer « l’habillage de la tâche » : si l’activité est présentée comme ludique, « pas scolaire », transversale, très souvent proche du théâtre (qui revient souvent comme exemple), il n’y a pas ou moins d’ennui. Mais cela ne fonctionne pas systématiquement comme l’explique Béatrice avec l’histoire. Patrick parle de « contourner les étiquettes » des matières scolaires. On a donc une opposition au niveau de la forme des cours, qui a au final plus d’influence que la matière scolaire en elle-même :

Encadré 35 : Le fond et la forme dans l’ennui
- « R : […]Travailler à plusieurs, travailler heu, en faisant des choses inhabituelles. Quelque part il faut aussi, y a des, c’est intéressant d’avoir des choses rég… routinières, mais pas au sens péjoratif du terme hein, mais qui reviennent régulièrement… » (Serge)

- « R : […] ils vont rechercher des documents, faire des exposés, on les met en situation de, de, d’action, ils vont présenter quelque chose au tableau, heu quelque part on tue l’ennui, parce que heu, de toute façon ils sont acteurs donc comme ils sont acteurs, enfin, en tout cas ils s’ennuient moins. » (Annie)

- « R : Quand je parle beaucoup, simplement pour parler beaucoup, là je m’en rend compte, je le vois. Il y a toutes les classes, toute la classe s’éteint à ce moment-là donc heu (rires)… » (Michel)

- « R : Ben parce qu’il y a d’autres matières qu’on fait qui sont plus ludiques, où ils sont plus actifs, ou on participe à des projets, et y sont, y sont dedans quoi. » (Natacha)

- « R : Alors, ce qui est sûr, c’est que si je fais toute une séance heu, où les élèves écoutent, doivent écouter principalement, c’est générateur d’ennui. Si je fais des séances où les élèves doivent être heu, plus acteurs et avoir des tâches à réaliser eux-mêmes, et encore plus si ces tâches sont adaptées, c’est heu, vraiment heu les cas où heu, heu, heu… (mouvements avec les mains) ». (Stéphane)

R : Heu, non c’est vraiment l’histoire-géo ça peut les ennuyer ouais, et pourtant j’ai essayé de faire par des exposés, des recherches par internet pour essayer d’intéresser, de motiver, faire autre choses… c’est… on est revenu à du frontal, du transmissif heu… » (Béatrice)

On retrouve bien les mêmes « techniques » de remédiation que nous avions dégagées dans les recherches précédentes, autour de la différenciation, de la responsabilisation, tout cela orchestré par la mise en activité. Cela fait donc également référence à la mise en activité, pour contrecarrer la passivité comportementale des élèves. Les solutions, les réponses sont très pédagogiques, et pour les six sujets, on distingue un fort consensus. Mais le dernier témoignage de Béatrice concorde avec les différentes observations déjà recueillies : l’ennui induit un aspect que l’on pourrait qualifier de « fuyant », c’est-à-dire que malgré la construction du cours, l’anticipation, l’enseignant-e n’a pas la maîtrise, le contrôle de la réussite de la séquence.