En tête-à-tête avec le “Journal”

Ce travail est le fruit du désir de mettre en lumière l’intérêt que peut avoir l’étude des arts visuels dans la presse d’Ancien Régime. C’est aussi une fenêtre ouverte sur l’importance croisssante du journalisme culturel dans la presse française de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Si l’idée de départ de ce travail était d’anlyser le rapport du‘ Journal de Paris ’aux arts visuels, au fur et à mesure, la partie dédiée au quotidien a pris, naturellement, une ampleur inattendue, jusqu’à en devenir un chapitre important. Non seulement le‘ Journal de Paris ’n’a pas été encore l’objet d’une analyse de longue haleine, mais une exploration approfondie du quotidien dans son ensemble est extrêmement précieuse pour la compréhension de la partie artistique.

Parler du‘ Journal, ’de sa naissance, de sa forme, de son contenu, de son esprit, de ses lecteurs et de ses correspondants signifie dessiner le cadre complexe et unitaire à la fois, dans lequel s’inscrit l’information artistique. Même si les rubriques du‘ Journal ’sont soigneusement délimitées pour accrocher le regard des lecteurs et pour faciliter la lecture, son texte est un tout où les idées et les émotions des lecteurs circulent sans entraves. C’est ainsi que la rubrique “Art” est constamment contaminée par les rubriques environnantes, par les évènements du numéro dans lequel elle est insérée, ainsi que par les différentes voix de correspondants qui se mêlent de tout, en sautant volontiers d’un sujet à l’autre. De la même façon elle contamine les autres rubriques : rappelons seulement que les interventions du correspondant artistique Antoine Renou introduisent une manière ludique d’aborder les arts qui se répand dans tout le‘ Journal.

C’est avec beaucoup d’intérêt que nous avons suivi, tout au long de notre recheche, le rôle de la correspondance de lecteurs, qui constitue l’âme même du‘ Journal. ’Le quotidien de Paris est un grand recueil de lettres de lecteurs, se distinguant par leur caractère public et par leur interraction au nom de valeurs communes. En outre, nous avons affaire à un texte qui possède le rythme et la jovialité de la conversation et qui, au-delà de l’information, transmet les pulsations de la vie de la capitale française, dans les années 1770 et 1780. Si nous avons limité notre étude du Journal de Paris ’aux douze années qui s’écoulent de la parution du quotidien à la Révolution Française, c’est pour la quantité et l’intensité des contributions sur les arts visuels dans cette période. Sous l’influence des événements de 1789, le‘ Journal de Paris subit des transformations majeures de contenu : essentiellement concentré sur l’actualité politique, il abandonne son ton aimable, ainsi que les débats culturels. Un lecteur exprime ainsi son regret pour le Journal d’avant 1789 :

‘(…) Vous corrrigiez, mais sans blessure ;
Vous caresseiez, mais sans fadeur.
Votre avis, avec politesse,
Se montrait sous un jour brillant ;
Vous n’affectiez point la rudesse
D’un égoisme intolérant.
Etayé d’un style emphatique,
Vos publicistes ténébreux
N’égaraient point la politique
Dans leurs sophismes nébuleux.11

Il va de soi que ce travail accorde la prééminence au texte du quotidien de Paris. Il nous a semblé nécessaire, au cours de notre analyse, de faire parler le‘ Journal, ’aussi souvent que possible. C’est toujours la nature du texte périodique qui a dicté l’importance et le volume des deux annexes : la première consiste dans le tableau de toutes les notices concernant les arts visuels, publiées entre 1777 et 1788 dans le‘ Journal de Paris, ’et pourrait devenir un instrument utile pour des recherches ultérieures. La seconde réunit une sélection de lettres sur les arts visuels adressées au Journal, dont le choix a été déterminé par les grands thèmes abordés dans le corps de ce travail.

Notes
11.

Vers publiés dans Le lendemain, ou Esprit des Feuilles de la Veille, le 16 janvier 1791, cités par Eugène Hatin, ds Histoire politique et littéraire de la presse en France, T. 5, “Journal de Paris”.