Le silence du “Journal” : suspensions et affaires secrètes

Le Journal n’a même pas un mois de vie lorsqu’il connaît la première suspension. Un “Avis” des rédacteurs, formulé avec la révérence due à la circonstance, est inséré à la place du numéro 23 du quotidien.

‘Des motifs que nous ne pouvons que respecter, et auxquels nous rendons tout l’hommage qu’ils méritent, ont déterminé les ordres supérieurs qui ont suspendu notre Feuille depuis le 22 de ce mois. Nous avons été pénétré de douleur de nous voir ainsi forcés à manquer à nos engagements. Nous nous empressons de réparer, autant qu’il est en nous, le vide que notre Journal a éprouvé par sa suspension, en donnant au Public, pour chaque jour que cette suspension a duré, la Notice des objets dont la suite peut avoir quelque importance.’

Après s’être incliné devant des motifs qu’ils ne nomment pas, les rédacteurs évoquent leur douleur de manquer à leur engagement et promettent une réparation immédiate qu’ils formulent explicitement comme une nécessité de combler un vide. La suspension s’étend du 23 jusqu’au 28 janvier, sans que les numéros manquants de cet intervalle soient publiés par la suite. Finalement, le sobre message des journalistes est suivi des seuls rectangles enfermant les habituelles observations météorologiques. Pendant le silence de la suspension il n’y a que le baromètre et l’état du ciel, insérés sagement dans leurs cases respectives, qui ont le droit de prendre la parole et lutter contre le vide.

Si les contemporains semblent hésiter quant à la raison concrète de la suspension, ils sont presque tous d’accord qu’il s’agit, malgré tout, d’un pur prétexte pour anéantir le Journal. Les Mémoires secrets citent comme première hypothèse “‘ une épigramme point neuve et assez obscène ’”‘ , ’mais ajoutent par la suite tout une série d’autres possibles imputations :

‘D’un autre côté, M l’avocat général Séguier ne veut pas qu’on y parle de lui et conséquemment des affaires du Palais. Le Clergé se récrie contre une histoire d’Abbé qu’on y a insérée. Un Officier aux gardes, M de la Roirie a jeté feu et flamme pour son anecdote qu’on y a rapporté. Enfin, c’est une rumeur considérable62.’

La Harpe évoque à son tour deux raisons : “‘ un petit conte grivois qu’on a trouvé trop libre à l’impression ’”‘ , ’mais la véritable, à ses yeux, est‘ ’“‘ une historiette dont les acteurs connus sont le grand aumônier et un abbé de la C*** ’”‘ , ’et qui‘ , ’sans avoir fait des noms, s’est rendu coupable de paraître trop leste. En revanche, La Harpe semble se contenter de ces explications et n’est nullement intéressé d’approfondir les origines de cette affaire, qui, une fois la publication reprise, est définitivement close :‘ ’“‘ tout a été oublié au bout de huit jours ’”63.‘ ’La Correspondance secrète ’mentionne elle aussi les causes visibles de cette suspension, à savoir‘ ’“‘ des anecdotes scandaleuses, des vers obscènes ’ ”‘ , ’nuancées toutefois de la conscience qu’on cherche ainsi à obtenir l’anéantissement du quotidien. Le rédacteur de la‘ Correspondance n’est pas dupe non plus des justifications de surface auxquels reste ’ accroché La Harpe‘ ’et explique promptement qu’il s’agit d’un problème de mœurs :

‘Ce qui peut exciter cette mauvaise humeur assez générale, c’est que les particuliers ont craint que leur conduite ne fût éclaircie, et nous sommes dans un temps où le grand jour n’est plus favorable aux mœurs. Si la mode de la censure revenait, comme on l’a vu chez les Romains, la plupart de nos sociétés trembleraient d’épouvante. Il y a apparence que ce pauvre journal sera victime de cette appréhension universelle.64

Dans cette lumière, le Journal de Paris est victime des mœurs corrompues de son époque, qui ne permettent pas qu’on touche aux affaires des particuliers sans risquer la suppression. Dès son début, afin de gagner son public et augmenter son succès, le Journal adopte un style et une liberté de ton qui ne peuvent que déplaire à ceux qui se sentent visés. Sa formule éveille à la fois la curiosité et la colère, l’intérêt et le scandale, l’approbation et l’opposition féroce. Un beau public courtisan fait multiplier le nombre de ses abonnements et à l’en croire les Mémoires secrets, “‘ les gens les plus distingués de la cour voulaient l’avoir : la Reine, la famille royale, les Princes le lisaient, même Madame Elisabeth ’ ”65.

Pl. I - Journal de Paris, n°22, 23, 24, 25, janvier 1777, 1ere suspension du journal
Pl. I - Journal de Paris, n°22, 23, 24, 25, janvier 1777, 1ere suspension du journal
Pl. II -
Pl. II -  Journal de Paris, n°22, 23, 24, 25, janvier 1777, 1ere suspension du journal.
Pl. III. -
Pl. III. -  Journal de Paris, n°25, 26, 27, janvier 1777, 1ere suspension du journal.
Pl. IV -
Pl. IV -  Journal de Paris, n°25, 26, 27, janvier 1777, 1ere suspension du journal.

Malgré tout, les journalistes ne semblent pas avoir leur langue dans leur poche : ils multiplient à volonté les bons mots allégrement indécents et se mêlent volontiers dans les affaires du Tribunal dont ils dévoilent des détails hardis, avant que le jugement ne soit rendu, sans parler de la vague de catastrophes et de crimes qui déferle dans les premiers numéros : assassinats, vols, adultères, noyades, suicides, véritable chronique des malheurs de la vie parisienne. Quant aux vers et à l’historiette inculpés, ils ne représentent que la goutte qui fait déborder le vase. Le 19 janvier, le‘ Journal ’met sous les yeux de ses lecteurs une épigramme se moquant de l’avarice des moines quêteurs66 ’et le 22 du même mois, il récidive avec un conte en vers intitulée Le Bonze et son pénitent, ’qui bafoue la chasteté d’un religieux67.‘ ’L’historiette qui constitue selon La Harpe la véritable raison de la suspension engage des personnes connues dont l’identité est cachée derrière un grand aumônier et un abbé de la C**‘ ’“‘ célèbre il y a vingt ans, par le talent de chanter, dans le temps qu’on chantait mal ’”‘ . ’Ce dernier demande au prélat un bénéfice et celui-ci de lui répondre par deux vers du Devin du village : ’“‘ Quant on sait aimer et plaire/ A-t-on besoin d’autre bien ? ’”68.

Toutes ces situations accumulées déclenchèrent ce que les contemporains nommèrent‘ ’“‘ une rumeur considérable ’”‘ ’ou‘ ’“‘ une mauvaise humeur assez générale ’”‘ , ’formules qui résument le chœur de protestations contre la feuille de Paris. La suspension devint inévitable, et, pour certains, elle risque même de se transformer en suppression. Il est évident toutefois que ce n’est pas pour telle anecdote ou tel conte que le‘ Journal ’est mis au pilori. En réalité, il est sanctionné pour son esprit même, lié à cette quête hasardée de la nouveauté éclatante, sans laquelle l’entreprise n’a pas d’espoir d’une longue vie. Paradoxalement, il semble avoir compris, dès le début, que pour survivre, il faut se mettre toujours en péril. Ainsi, lors de sa première suspension, le Journal ’doit expier sa liberté de ton et son style non-conformiste, style qui, s’il faut en croire l’Abbé Aubert, son ennemi farouche, reproduirait “‘ sous une autre forme, le scandale et le licence des nouvelles à la main ’”69.‘ ’Certes, l’interruption, ne serait-ce que temporaire, d’une périodicité journalière ne peut être que de mauvais augure pour une feuille à peine née. Et si le‘ Journal s ’ortit indemne de cette première suspension, (“étique70, ’selon l’expression des‘ Mémoires secrets) il fit tout de suite amende honorable, en chassant de ses pages le nom du directeur La Place71.

Il est intéressant d’observer que le silence du‘ Journal ’à propos de sa première interruption n’est pas total. Une fois l’interdiction de publication levée, le‘ Journal ’se sert d’un extrait du‘ Courrier de l’Europe ’pour évoquer sagement sa brève suspension. Faire des commentaires à propos de sa punition aurait été impropre, en revanche l’extrait d’un périodique confrère offre l’occasion de parler de soi de façon biaisée, comme par devoir de corriger une information erronée. Selon l’extrait du Courrier ’daté du 1er février 1777,

‘Le Journal de Paris … a reparu depuis quatre ou cinq jours : M de la Place a eu soin d’avertir qu’il n’était plus chargé de la composition depuis le 18 du mois dernier, ensorte que tout ce qui s’est passé depuis ce temps-là ne le regarde en aucune façon. On dit qu’un jeune homme a quitté un poste assez avantageux pou remplir celui que M de la Place laissait vacant. Il aura lieu sans doute de regretter son ancien état ; c’est une chose si difficile d’instruire, et qui plus est, d’amuser le Public tous les jours de l’année, que cette idée n’a pu entrer que dans la tête d’un jeune homme72.’

Et les rédacteurs du Journal de Paris de commenter : “‘ 1° Le Journal de Paris a reparu le 29 de janvier dernier ; 2° M de la Place n’a jamais été chargé de la rédaction de ce Journal ’”. Au-delà d’un travail d’autoréflexion que cultive la feuille de Paris, comme nous aurons l’occasion de le voir plus loin, cet extrait représente aussi une belle opportunité de parler de la difficulté du métier de journaliste du quotidien. Amuser et instruire “‘ tous les jours de l’année ’”‘ ’est une mission bien pénible, en témoigne l’affirmation d’un autre confrère. Bref, le poste de rédacteur du Journal ’n’est pas une sinécure.

Le renvoi du directeur La Place ne fut pas l’unique, ni le plus douloureux sacrifice que le quotidien dût faire, et, malgré tous les efforts auprès du directeur de la librairie, les propriétaires se virent obligés de supprimer l’une des rubriques-clé du Journal, ’à savoir la rubrique‘ Tribunal 73. ’On fit également plus d’attention aux anecdotes et aux faits divers publiés, à tout ce qui aurait pu faire crier au scandale. Bref, le‘ Journal de Paris dut baisser dorénavant le ton et mesurer ses audaces, et sa résurrection ne se fit qu’au prix d’une promesse d’autoépuration. Malgré tout, il est loin d’avoir mis fin à ses incartades.

En 1781 ce fut le tour d’un article de Sautreau de Marsy sur l’oraison funèbre de l’Impératrice Marie-Thérèse prononcée par l’Abbé de Boismont, membre de l’Académie, qui fut la cause d’une brève suspension de 24 heures. Le rédacteur des Mémoires secrets ’note promptement l’arrêt du‘ Journal ’le jour même de sa suspension (le 19 juin 1781). Le lendemain, il revient avec des détails et des commentaires :

‘Le Journal de Paris n’a été arrêté que pour la journée d’hier. Il paraît constant que c’était sur les plaintes de l’Académie, trouvant mauvais qu’on eût mal traité un de ses membres relativement à l’oraison funèbre de l’Impératrice Reine, par l’Abbé de Boisemont. Mais M Sautreau, auteur de l’article a fait voir qu’il n’y avait la plus légère personnalité, qu’il s’était renfermé dans les bornes d’une critique purement littéraire et que cette critique était même tempérée par des éloges. Il n’y a pas eu moyen de soutenir une suspension qui serait devenue tyrannique et aurait fait crier tous les souscripteurs. Il paraît qu’on n’a même pas exigé du journaliste aucune rétractation, excuse, ni modification74.’

Si la première suppression avait suscité de forts doutes quant à la reprise même de la publication du quotidien, la seconde soulève en revanche une vague de mécontentement de la part de l’opinion, et pourrait être considérée comme un cas manifeste de censure injuste exercée sur un journaliste. Cette fois-ci, il ne s’agit plus de pure imprudence du Journal en quête de sensationnel, mais de frilosité excessive d’un corps de pouvoir, tel l’Académie. Le chœur des opposants formé lors de la première suspension laisse la place au chœur de défenseurs du Journal et, de façon indirecte, de la liberté d’expression des journalistes. La Correspondance secrète est du même avis, mais le ton qu’elle adopte est encore plus tranchant et plus indigné :

‘Le Journal de Paris a été suspendu pour avoir un peu critiqué l’oraison funèbre de l’Impératrice Reine prononcée à l’Eglise de Notre-Dame, par l’Evêque de Blois. Ce discours, qui est très médiocre, y a été cependant traité avec beaucoup de ménagement : il paraît que les évêques sont encore plus délicats que les poètes ; le malheur c’est qu’ils sont plus puissants. (…) Les entrepreneurs du Journal de Paris, ayant été se jeter aux pieds de M le Comte de Maurepas, ont obtenu la grâce et leur feuille a repris son cours. Il se sont bien promis sans doute ne plus d’égayer aux dépenses des évêques ; mais on n’a point apparemment exigé d’eux d’une semblable réserve à l’égard des simples abbés (…)75.’

Le rédacteur de la Correspondance revient avec d’autres détails sur la suspension de juin 1781, dans une autre notice :

‘La suspension momentanée du Journal de Paris n’a servi qu’à imprimer davantage dans les esprits le ridicule de l’Oraison funèbre de l’Evêque de Blois : tout le monde prenait parti contre lui en faveur du Journal : car il est très ménagé (…). Il fallait encore louer M l’Evêque, c’est ce que [le journaliste] n’a pu faire, et il été sur le point d’être la victime de sa véracité. Ici le public est compté pour rien. Les auteurs des papiers publics sont souvent contraints de lui mentir impudemment, dès qu’il s’agit de l’intérêt du moindre petit Seigneur. L’affaire devient bien plus grave encore, quand il est question d’un comédien qui croit qu’on a voulu offenser sa personne sacrée (…)76.’

Après avoir évoqué l’“appréhension universelle ” des particuliers lors de la première suspension du Journal de Paris, le rédacteur de la Correspondance secrète revient sur ce thème avec encore plus de véhémence à propos du second arrêt du Journal. L’article incriminé n’est qu’un compte rendu réservé d’un discours très médiocre. Finalement, ce qu’on reproche au journaliste ce n’est pas d’avoir attaqué le discours d’un évêque et membre de l’Académie, mais de ne l’avoir pas loué. Il s’ensuit une vague de mécontentement, on parle de “‘ suspension tyrannique ’”, on rappelle le soutien général de l’opinion en faveur du‘ Journal ’et on transforme cette nouvelle interruption en un cas net de servitude de la presse au gré des puissants. Dans ce cas, la suppression du quotidien est manifestement à son avantage : non seulement il n’est réduit au silence que pour 24 heures, mais ce silence-là souligne, de plus, le ridicule de l’oraison, tout en augmentant la sympathie pour le Journal-victime‘ . ’Que ce soit l’hypersensibilité des particuliers, ou la susceptibilité des abbés, des académiciens ou encore des comédiens, les journalistes regrettent le protectionnisme ou la sacralisation de ceux-ci, entraînant le sacrifice de la vérité. Le mensonge journalistique est dans ce cas le reflet d’un système social corrompu, où les puissants dictent les silences aussi bien que les prises de parole.

Cependant, une légère ambiguïté semble ressortir de la position de la‘ Correspondance. ’Si d’une part, le rédacteur ne semble pas douter de la bonne foi de Sautreau de Marsy,‘ ’“‘ victime de sa véracité ’ ”‘ , ’il ne manque pas de rire sous cape, en notant que les journalistes ont fait amende honorable devant le ministre et promis solennellement de ne plus s’égayer au dépens des évêques, ce qui ne les empêchera pas de se moquer d’autres rangs ecclésiastiques. L’indignation semble adoucie par l’insertion d’un subterfuge : la liberté journalistique niée est ainsi conquise sur le plan linguistique. Si défense est faite de parler des évêques, il suffit de leur substituer les abbés et ainsi de suite ; ce qui importe, c’est de continuer à parler, ce qui signifie presque jouer adroitement, en exploitant incessamment les ressources de la langue. C’est là que réside le vrai pouvoir de la presse d’Ancien Régime.

Une troisième mésaventure du quotidien advenue en 1785 et soldée avec une suspension, est à nouveau liée à une histoire de lèse personnalité, sauf que, cette fois-ci, il s’agit d’un personnage de l’entourage du Roi. Le comte de Lusac, frère de la princesse Christine, Abbesse de Remiremont, qui avait fait l’objet d’une chanson badine par le chevalier de Boufflers77, ’se plaint de l’indiscrétion du‘ Journal, ’ce qui coûta à ce dernier une suspension de 23 jours78,‘ ’de sérieuses menaces de suppression79,‘ ’et l’indignation du Roi en personne.80 ’Voici la version de la Correspondance secrète  ’:

‘Depuis samedi dernier le Journal de Paris est supprimé, pour une cause si légère, en même temps si extraordinaire, que le public en a cherché une autre, mais vainement. Une chanson du chevalier de Boufflers faite il y a douze ou quinze ans, sur son ambassade auprès de la princesse Christine, abbesse de Remiremont,chanson imprimée dans vingt recueils avec approbation et privilège du roi, a été la véritable cause de cette suppression, parce que le Journal de Paris l’a citée d’après un ouvrage intitulé les Saisons littéraires, imprimé au mois de mars dernier. On a représenté au Roi que, la princesse Christine étant sa tante, cette chanson était licencieuse, quoique la princesse ne fût point nommée, et par ce tapage on a donné à la chanson une célébrité qu’elle n’avait point encore eue. Le public, privé du Journal, a jeté les hauts cris. M le garde des sceaux, en conséquence d’un ordre précis du roi, avait révoqué le privilège ; mais ce magistrat a représenté ensuite à SM que ce qu’on lui avait montré comme un manque de respect punissable n’était qu’une inconsidération innocente, et le roi a reçu cette représentation avec bonté, de sorte qu’on espère que le journal reprendra son cours avant la fin de cette semaine81.’

Ce qui paraît surprendre d’emblée l’opinion à propos de cette suspension est la cause apparemment inoffensive : une chanson déjà publiée, l’histoire d’une malheureuse ambassade dont personne ne se souvient, se trouve dépoussiérée par le Journal et se transforme en une arme puissante contre ce dernier. Selon les témoignages, derrière cette histoire se profile à nouveau le soupçon de la volonté d’anéantissement de la feuille de Paris, volonté masquée par la colère d’un Roi offensé qui exprime son dégoût pour un quotidien sacrilège.

Selon la Correspondance littéraire, si les journalistes de Paris méritent une leçon pour ce genre d’“‘ étourderie ’”‘ ’naïve‘ , ’“‘ il y a eu des gens d’esprit qui ont fort bien jugé que cette leçon pourrait avoir plus d’un côté utile ; en conséquence, on a fort exagéré les torts de leur étourderie ’”82.‘ ’Il en résulte, comme dans le cas de la désastreuse oraison funèbre de la reine d’Autriche, que l’information la plus banale et, en apparence, la plus inoffensive, peut s’amplifier indéfiniment dans la caisse de résonance qu’est le journal, en relation avec son public, jusqu’à provoquer une sorte d’implosion. Ainsi, la‘ Correspondance littéraire ’assigne une part de culpabilité aux journalistes entraînés dans le tourbillon de l’information avec une certaine légèreté, d’autre part, il admet que la suspension est aussi l’œuvre d’intérêts extérieurs au Journal.

Pour la‘ Correspondance secrète, les‘ ’“‘ gens d’esprit ’”‘ ’évoqués par la‘ Correspondance littéraire sont identifiés dans un groupe localisé dans le milieu même d’où est parti l’ordre d’arrêt du quotidien. Après la tyrannie des particuliers et celle des abbés, il s’agit cette fois-ci de la tyrannie exercée par “‘ les courtisans gens de lettres ’”, que le rédacteur admoneste amèrement, tout en invoquant un passé meilleur :

‘Si c’étaient des courtisans gens de lettres, et trop instruits ou trop puissants pour n’être pas disposés à l’indulgence, qui eussent provoqué cette suppression, il serait à désirer que ces messieurs ne suivissent pas la carrière des lettres, où leurs jalousies sont si dangereuses. Dans le beau siècle de Louis XIV, les Montauzier, les La Rochefoucauld, cultivaient les lettres et protégeaient les lettrés, et c’est tout ce que les courtisans doivent se permettre : car, si une fois ils y introduisent leur esprit de rivalité, les écueils de la carrière deviendront assez terribles pour en écarter tous ceux qui pensent, et qui ont besoin de repos pour rendre leurs pensées utiles à leur siècle et à la postérité83.’

En revanche, les Mémoires secrets ont les yeux rivés sur les profits matériels du Journal de Paris, qui, malgré le moment de crise qu’il traverse et le risque de suppression, continue à recevoir des souscriptions et à encourager ses abonnés quant à la reprise de la publication. Le rédacteur ne manque pas d’associer ironiquement le comportement des directeurs du Journal au proverbe : “‘ Que ce qui est bon à prendre, est bon à rendre, ou mieux encore suivant Mr de Beaumarchais, bon à garder ’”.‘ 84 ’L’intérêt des‘ Mémoires ’pour le succès économique du Journal est le signe que celui-ci est perçu comme entreprise commerciale vouée au profit, voire au gain à tout prix.85 ’En effet, en 1785, le quotidien est devenu une entreprise florissante et convoitée, avec plus de 5000 d’abonnés, commodément installée dans le Panthéon de la presse d’Ancien Régime. A en croire le témoignage du rédacteur de la‘ Correspondance littéraire, à propos de sa troisième suspension, le Journal est une affaire qui rend “‘ plus de cent mille francs de produit net ’”‘ ’et par conséquent la prétendue colère du Roi contre la direction est une bonne occasion pour “‘ des compagnies qui en sollicitaient le privilège en offrant des sommes considérables ’”86.‘ ’Malgré tout, les propriétaires parvinrent à nouveau à fermer la brèche et à reprendre en main leur entreprise.

Comme dans les deux autres cas de suspension, le Journal reprit sa publication au prix d’un sacrifice, mais, à la différence des deux premiers, le prix qu’on lui imposa cette fois-ci était considérable. On maintint les quatre propriétaires , à condition que J.-B Suard s’intéressât aux bénéfices du‘ Journal. ’Qui plus est, il fut nommé censeur ou “réviseur” du quotidien, chargé de veiller sur les éventuelles indiscrétions et dérapages de la feuille.

Cependant, les versions des contemporains sur l’affaire Suard ne semblent pas coïncider. Les Mémoires secrets ’parlent d’“échec” et se montrent sans merci à l’adresse du nouveau “pensionné” du Journal, Suard, qu’ils traitent d’“‘ intriguant qui, sans rien faire, se fourre partout, se mêle de tout ’”87. ’La Correspondance littéraire raconte avec humour l’histoire de “‘ l’arrangement ’”‘ ’du Journal avec‘ ’Suard88. ’Il note que pour garder leur privilège, les propriétaires durent consentir à une affaire avec Suard, sans compter “‘ quelques autres sacrifices moins connus ’”.‘ ’Ce furent les propriétaires mêmes du‘ Journal de Paris ’qui‘ , ’préoccupés par l’évolution de la dernière suspension, supplièrent ledit Suard‘ ’“‘ très-humblement de vouloir bien sauver leur propriété en la mettant sous l’abri de son nom, et de recevoir pour prix de sa complaisance un quart ou du moins un cinquième des bénéfices ’”.‘ ’Celui-ci refusa par délicatesse la généreuse proposition et accepta en revanche‘ ’“‘ un traitement fixé par le roi, avec un petit intérêt particulier dans l’affaire ’”‘ , ’le tout estimé de quinze à vingt mille francs. Le rédacteur de la‘ Correspondance littéraire ’note encore, avec une pointe d’ironie, qu’étant donné le pouvoir de Suard sur l’usage que les propriétaires feraient à l’avenir du‘ Journal, ’il valait la peine de lui offrir une paye généreuse.

A ce portrait d’intriguant et d’opportuniste de Suard, s’oppose la défense de son biographe, Garat, qui dévoile‘ ’“‘ le noble procédé ’”‘ ’mis en place par Suard pour sauver le‘ Journal de Paris, ’procédé qui lui valut une tranche du quotidien, signe de la reconnaissance des propriétaires. Selon Garat, qui raconte cette histoire après la Révolution, Suard est non seulement le sauveur du‘ Journal de Paris, ’ que le gouvernement avait décidé de lui confier, mais, par-dessus tout, il est le défenseur acharné du droit de propriété sur une publication (ce que nous appellerions droit d’auteur), avant que celle-ci soit reconnue comme un droit inviolable :

‘Le gouvernement ne respectait si peu ce genre de propriété que parce que tout le monde ignorait alors en France qu’un papier public, fondé sur un privilège du roi, pût être une propriété particulière. M Suard apprit à tous qu’elle est la plus légitime, la plus sacrée de toutes, puisqu’elle est composée des facultés de l’esprit et de l’âme de ses auteurs. Il prit la défense de ceux dont on lui offrait la fortune ; il ne la leur conserva pas seulement ; le premier de tous, il la fit reconnaître pour une propriété aussi inviolable au moins que la propriété des terres89.’

Pour le reste, Garat assure qu’au-delà sa fonction de co-propriétaire et censeur du Journal, Suard devint l’un des rédacteurs et contribua par sa plume à la multiplication des abonnements.

Le silence n’est pas toujours imposé au Journal par la voie de la suspension. Habitué en quelque sorte à pratiquer une espèce d’acrobatie au-dessus du vide, le quotidien doit souvent savoir rétracter vite ses mots ou se taire tout simplement afin d’apaiser une affaire qui risque de mettre en péril son existence. Il n’est pas toujours permis au Journal de se défendre ouvertement, des accusations qu’on lui inflige, aussi doit-il s’habituer à la technique de l’absorption d’une affaire fâcheuse, laissée en suspens par ordres supérieures. C’est le cas de l’affaire concernant l’Abbé Suger, de 1780, ayant pour protagonistes, le journaliste Sautreau de Marsy et l’Abbé d’Espagnac. Ce dernier est l’auteur d’un ouvrage critique qui bouleversa l’opinion sur Suger et son temps. Sautreau de Marsy tenta de le combattre et, malgré ses “‘ réflexions sensées et modérées ’”, la réaction de l’Abbé fut tranchante. Comme il voulait avoir le dernier mot, il fit bâillonner le journaliste de Paris et, selon le témoignage de la‘ Correspondance secrète, ’l’affaire fut close sur le champ, sans droit de réplique :

‘On s’attendait à la réplique, mais inutilement. Des ordres supérieures ont tout à coup absorbé cette discussion littéraire, en défendant aux auteurs du Journal de Paris de parler à l’avenir de Suger. Notre abbé, ravi de ce petit triomphe, s’est cru dès lors le premier, le seul historiographe de la France90.’

Les exemples d’invitations au silence inconditionné adressées aux journalistes se multiplient au fil du temps, et on a presque l’impression de voir la liberté du journal se rétrécir comme une peau d’âne à chaque défense de parler de tel ou tel sujet. En 1782, dans un des habituels bulletins de la comtesse d’Artois, les journalistes de Paris commettent l’imprudence d’insérer l’état de santé de Madame, faisant allusion à sa prétendue grossesse : “‘ Madame a senti son enfant remuer ’”. Selon les‘ Mémoires secrets, ’le Journal de Paris ’fut victime d’un mauvais tour, car le bulletin se révéla fictif et il dut payer cette indiscrétion avec la défense de parler des personnes de la famille royale91.

Les occasions de sanction ne manquent pas et, souvent, les exercices d’autocensure sont salutaires pour le‘ Journal. ’Ainsi, il arrêta à temps la publication d’une épître en vers, adressée à Voltaire à l’occasion de son retour à Paris, par La Dixmerie. Celle-ci contenait une comparaison évoquant les cérémonies ecclésiastiques, qui ne fut pas au goût des prêtres92.‘ ’Les rivalités entre comédiennes peuvent elles aussi faire objet de défense de la parole pour le Journal.‘ ’Selon les‘ Mémoires secrets, ’lorsque Mlle Sainval voulut adresser une lettre peu tendre à sa rivale Mme Vestris, qui avait étalé sa fausse générosité à l’égard de sa collègue, dans les pages du‘ Journal de Paris, ’“‘ les rédacteurs de ces feuilles ont reçu défenses d’insérer sa lettre ’”93.

Dans La police de Paris dévoilée, Pierre Manuel cite une lettre du maréchal de Ségur du 23 décembre 1786, adressée à Louis Thiroux de Crosne, lieutenant de police de la capitale, où le ministre de la Guerre se plaint d’avoir trouvé dans les pages du quotidien un article consacré à l’éloge du comte de Guibert, gouverneur des Invalides “‘ sans [son] agrément ’”‘ ’et ordonne, sous peine de recours à l’autorité du Roi, le silence absolu du Journal de Paris quant à son ministère.94

Thiroux de Crosne semble être l’intermédiaire parfait entre le pouvoir et le Journal. Passionnément engagé dans la destruction du Journal de Paris, l’Abbé Aubert lui soufflait qu’il avait le droit de connaître les juges anonymes des peintres. De Crosne peut non seulement imposer le silence aux journalistes après la publication d’un article jugé compromettant, mais il a aussi le pouvoir d’empêcher la parution d’un article en cours de préparation, suite à une petite action d’espionnage qui en dévoile l’éventuelle menace. En témoigne la demande du marquis de Ximenez :

‘J’ai lieu de croire que le Journal de Paris prépare une critique amère de mon épître en vers, adressé à M de Rivarol, et publiée avec votre approbation, et celle de M le garde des sceaux. Cette critique est encore chez l’imprimeur Quillau ; et je vous serais très obligé d’ordonner qu’elle ne soit pas publiée sans de nouveaux ordres de votre part. Vous avez été témoin et juge de la circonspection avec laquelle je me suis permis de censurer des ouvrages livrés au public, et de la précaution que j’ai prise de ne nommer aucun auteur vivant. Cela seul peut sembler mériter que vous arrêtiez la plume des journalistes qui pourraient être moins polis plus injustes que je ne l’ai été envers leurs protégés95.’

L’annonce des circonstances de la mort de Voltaire est également sujette à la censure, comme le montre une lettre de Chompré à son ami provincial. Celui-ci est à connaissance d’un article du marquis de Villette pour le Journal de Paris, faisant part de la mort du “grand homme”, mais qui n’a pas été publié pour ne pas être passé à la censure :

‘Voici à peu près l’article que Monsieur de Villette avait envoyé au Journal de Paris et qui jusqu’ici n’a pu passer à la censure : “Nous avons perdu Monsieur de Voltaire après avoir souffert des douleurs qui arrachaient des larmes à tous ceux qui l’approchaient. Il est mort hier 30 mai à onze heures du soir. Son corps sera inhumé dans son église de Ferney, comme il l’a demandé et son cœur dans la chapelle du château de Villette”96.’

Les journalistes de Paris doivent apprendre également à pratiquer l’autocensure, avec la précision que plus elle est rapide, plus elle s’avère efficace et moins on risque une pénalisation. Le retour pénitent au silence vaut presque l’expiation d’une peine, d’autant plus qu’elle consiste à corriger ou à démentir une information déjà publiée. Le 20 avril 1777, les journalistes se voient obligés d’admettre “‘ que l’article inséré dans le Journal le 17 de ce mois sur un Spectacle de société, a été mis sans permission, et nous avouons que le respect aurait dû nous engager au silence ’”97.‘ ’Et le même jour ils constatent que‘ ’“‘ c’est par inadvertance que dans la feuille du n°103 nous avons inséré en entier une lettre du sieur Delpech, qui contient des détails que nous n’aurions pas dû insérer ’”98.

Dans certains cas, si ce n’est pas le Journal même qui est empêché de parler de tel ou tel sujet, les autorités mettent des freins à la propagation de l’information du quotidien, sous forme d’écho, dans le reste de la presse. Accusé par ses ennemis d’être le diffuseur des fausses nouvelles et des inventions imaginaires, le 19 mai 1785, sous ordre du garde des sceaux, on défendit à tous les papiers de parler du “‘ prétendu secret d’enlever de dessus le papier même les ratures, sans faire disparaître l’écriture ’”99,‘ ’annoncé dans le Journal de Paris le 16 avril‘ . ’Si cette fois-ci on n’agit pas directement sur le corps du‘ Journal, ’cette défense exigeant le silence généralisé des autres papiers touche à la crédibilité même du quotidien et vise son isolement.

Parfois le Journal se permet de ne pas sombrer dans le silence et d’expliquer ses gestes auprès de son lectorat, même lorsqu’il s’agit d’un échec. Epris de l’idée de participer à l’organisation de la vie publique, le quotidien s’était engagé, dès son prospectus100, à offrir à son public tous les lundi un “‘ Relevé jour par jour des Naissances, des Mariages et des Morts de la semaine ’”‘ . ’Cette fonction de registre d’état civil, quelque attrayante qu’elle soit dans les yeux des lecteurs, ne peut pas être accomplie sans la coopération unanime des curés de la capitale, raison pour laquelle le projet ne tarda pas de tomber à l’eau, au grand regret des rédacteurs. Le 6 janvier, dans la rubrique “Observations”, ils expliquent ainsi aux lecteurs leur échec :

‘La plupart de MM les Curés de Paris avaient bien voulu entrer dans nos vues ; mais l’opposition d’un très petit nombre d’entre eux prive le public des avantages qui devaient résulter de ce tableau. (…) Le refus inattendu que nous avons éprouvé nous empêche de remplir nos promesses à cet égard et doit nous servir d’excuse auprès de nos souscripteurs101.’

Tous les exemples que nous venons d’évoquer et qui relèvent des contraintes constantes que subit le Journal de Paris, participent de ce qu’on pourrait définir comme la sphère des affaires secrètes du quotidien, ou mieux, de ses coulisses, que seul le regard extérieur des observateurs est en mesure de restituer. Il y a des aspects concernant la sélection et la fabrication de l’information, voire des difficultés affrontées, que les rédacteurs, soucieux de montrer le respect de leur engagement envers leur lectorat, s’évertuent à mettre en scène : c’est la partie visible de la charpente. D’autre part, le Journal est fait aussi de ce qui va au-delà de sa corporalité, de ce qui n’est pas physiquement imprimé dans ses pages, mais qui l’influence et le modèle sans cesse : les rumeurs et les opinions des contemporains, les lettres qui lui sont adressées et jamais publiées, les querelles des coulisses, les animosités. Voyons donc qui sont ses ennemis déclarés et quelles sont les critiques des contemporains.

Notes
62.

Mémoires secrets, 25 janvier 1777.

63.

Correspondance littéraire, lettre LXII.

64.

Correspondance secrète, 8 février 1777.

65.

Mémoires secrets, 25 janvier 1777.

66.

“Un gros Frocard, Quêteur en son Couvent,

A contribution voulait mettre Isabelle.

Sachez, lui disait-il, jusqu’où fut mon zèle:

Comme vous, autrefois, j’y renonçais pour lui.

Vous auriez mieux fait, lui dit-elle,

De renoncer au bien autrui. ”

Journal de Paris, 19 janvier 1777.

67.

“Le Bonze et son pénitent

Conte

Aux pieds d’un bonze à face de bonneau

Un pénitent hâtait sa kyrielle,

Et lui disait: <<Mon père, amour nouveau

Me tient au coeur. –Mon fils, est-elle belle

Celle qu’aimez? – Comme un ange, et fidèle.

Ah! quel plaisir!

Habitez-vous loin d’elle?

Même logis. –Quelle commodité!

Mais parlez-moi, mon fils, sans vanité:

De vous souvent reçoit-elle accolade?

-Tous les deux jours. –Vous êtes donc malade! ”

Journal de Paris, le 22 janvier 1777.

68.

Correspondance littéraire, lettre LXII.

69.

Pierre Manuel, La police de Paris dévoilée, (Paris, J.B. Garnery, 1793).

70.

Mémoires secrets, 30 janvier 1777.

71.

Mémoires secrets, le 30 janvier 1777 : “‘ (...) ’ ‘ on n’a point fourni les six feuillets intermédiaires depuis la suppression du 23; le Rédacteur de l’ouvrage n’en a fait auune excuse au public, n’en a donné aucune raison. On croit seulement que le Gouvernement a exigé le sacrifice du Sr de la Place chargé de cette direction, par une Nota, où l’on avertit que ce n’est plus lui, sans nommer celui qui le remplace ’”‘ .

72.

Journal de Paris, 18 février 1777, “Extrait du Courrier de l’Europe du Mardi 1er février 1777 (n°30)”.

73.

Dans sa notice sur le “Journal de Paris”, publiée dans le Dictionnaire des journaux, Nicole Brondel cite, à propos de la suppression de la rubrique “Tribunal”, la réponse du directeur de la Librairie, Camus de Nefville, aux propriétaires du Journal de Paris, du 30 août 1777: “‘ J’ai conféré avec M le P général et il nous a paru qu’il était plus prudent de ne laisser insérer dans ce Journal aucune espèce d’annonce qui puisse concerner les affaires qui se traitent au Palais ’”‘ .

74.

Mémoires secrets, 20 juin 1781.

75.

Correspondance secrète, 20 juin 1781. Le rédacteur de la Correspondance secrète n’est pas aussi bien informé que celui des Mémoires secrets, puisqu’il assigne à l’Evêque de Blois l’oraison funèbre de la reine Marie-Thérèse d’Autriche, dont l’auteur est l’abbé Nicolas-Thyrel de Boismont. (Oraison funèbre de Marie-Thèrése, archiduchesse d’Autriche, impératrice douairière, prononcée dans la chapelle du Louvre, le 1 er juin 1781, Paris, Demonville, 1781).

76.

Ibidem, 27 juin 1781.

77.

Voici les deux premières strophes de la chanson incriminée, (réimprimée en 1782 dans un recueil des oeuvres du chevalier de Boufflers) citée par Eugène Hatin dans son Histoire politique et littéraire de la presse en France, “Journal de Paris ”, pp. 48-49.

Enivré du brillant poste

Que j’occupe récemment,

Dans une chaise de poste,

Je me campe fièrement,

Et je vais en Ambassade

Au nom de mon Souverain,

Dire que je suis malade,

Et que lui se porte bien

J’avais une joue enflée,

La princesse boursouflée,

Au lieu d’une en avait deux;

Et son Altesse sauvage

Parut trouver très mauvais

Que j’eusse sur mon visage

La moitié de ses attraits.

78.

Le Journal de Paris fut suspendu du 4 au 27 juin 1785.

79.

Le17 juin 1785, les Mémoires secrets notent : “‘ La suppression du Journal de Paris devient très sérieuse et se prolonge ’ ”‘ . La Correspondance littéraire ’ ‘ souligne à son tour que le ’ ‘ Journal ’ ‘ risqua fort la suppression: ’“‘ On a répandu adroitement le bruit qu’il pourrait bien être supprimé tout à fait, que Sa Majesté ne voulait plus en entendre parler(...) ’”‘ , Histoire politique et littéraire de la presse en France.’

80.

Mémoires secrets, 14 juin 1785: “c’est SM Elle-même qui, dans un premier mouvement d’indignation, a ordonné la suppression du Journal”.

81.

Correspondance secrète, 1785.

82.

Cité par Eugène Hatin, ds Histoire politique et littéraire de la presse en France, pp. 47-48.

83.

Corespondance secrète, juin 1785.

84.

Mémoires secrets, 14 juin 1785

85.

Cette même perception donne lieu à une complainte de Corancez composée d’après la malheureuse chanson qui a causé la suspension du Journal et citée en entier dans l’Histoire politique et littéraire de la presse, pp. 48-49. Voici les deux premières strophes :

Enivré du brillant poste

Qui me rendait important,

Je menais d’un train de poste

Le public et son argent.

Au fait de mon ambassade

Du reste n’entendant rien,

Je pouvais être malade

Quant Sautreau se portait bien

L’œil rouge et la mine enflée,

Je promenais gravement

Ma vanité boursouflée

Et mon air de président,

Quand tout à coup un orage

Dérangea tout mon calcul,

Et sa bourrasque sauvage

Faillit à me rendre nul.

86.

Cité ds Histoire politique et littéraire de la presse, p. 48.

87.

Mémoires secrets, 27 juin 1785.

88.

Cité ds Histoire politique et littéraire de la presse, p. 48.

89.

Mémoires historiques sur la vie de M Suard.

90.

Correspondance secrète, 17 mars 1780.

91.

Mémoires secrets, 2 janvier 1782.

92.

Mémoires secrets, 3 janvier 1779.

93.

Ibidem, 21 juillet 1779.

94.

Versailles, le 23 décembre 1786 : J’ai lu, Monsieur, dans la feuille du Journal de Paris du 22 de ce mois, un article consacré à l’éloge de feu monsieur le comte de Guibert, gouverneur des Invalides, qui y a été inséré sans mon agrément. Je vous prie de vouloir bien prescrire au rédacteur de ce journal de ne rien imprimer dans ses feuilles, concernant le militaire sans m’en avoir demandé l’approbation et surtout de ne jamais se permettre d’imprimer mon nom en bien ou en mal. Vous le préviendrez en même temps que s’il contrevenait à cette défense, je prendrais les ordres du roi sur cette désobéissance. ”, La police de Paris dévoilée.

95.

Ibidem.

96.

Correspondances littéraires érudites, philosophiques, privées ou secrètes, lettre du 2 juin 1778.

97.

Journal de Paris, 20 avril 1777, “Belles-Lettres”.

98.

Ibidem.

99.

La police de Paris dévoilée.

100.

Dans la feuille du lundi, le Relevé jour par jour des Naissances, des Mariages et des Morts de la semaine, ainsi que celui des Malades entretenus dans les divers Hôpitaux de cette Ville: Tableau douloureux, bien propre à exciter la sensibilité. Il est des moments et de tels moments appartiennent parfois aux Hommes les plus livrés aux plaisirs où l’aspect du malheur suffit pour les déterminer à des actes de bienfaisance et rendre à l’humanité les droits qu’elle semblait avoir perdus”. Dictionnaire des Journaux, “Journal de Paris”.

101.

Journal de Paris, 6 janvier 1777, “Observations”.