Le “Journal de Paris” et les arts visuels

L’information artistique dans le quotidien

Pour une presse artistique

Faute de pouvoir se charger de diffuser l’information politique, la presse périodique en pleine expansion de la fin de l’Ancien Régime donne de plus en plus d’espace à un journalisme de type culturel, réunissant les domaines de la littérature, de la musique et des arts visuels (peinture, sculpture, gravure et architecture). Il suffit de passer en revue quelques périodiques nés dans la deuxième moitié du siècle, ayant eu une vie plus ou moins longue, affirmant, dès leurs titres, leur intérêt pour les “beaux-arts” ou les “arts” en général (arts libéraux et mécaniques confondus) : Nouvelles de littérature, des arts et des sciences (1750), Observations sur l’histoire naturelle, sur la physique et sur la peinture (1752-1757), Journal des sciences et des arts (1761), Journal des beaux-arts et des sciences (1768-1775), Journal des sciences et des beaux-arts (1776-1778), Journal de littérature, des sciences et des arts (1779-1783), Nouvelles de la république des lettres et des arts (1779-1788). Souvent leur couverture de la vie artistique se résume à quelques annonces de gravures et à des comptes rendus des expositions bisanuelles de peinture, sculpture et gravure au Salon du Louvre, événement clé de la production artistique française.

La formule éclectique de la plupart des périodiques d’Ancien Régime, ne connaissant pas une vraie spécialisation et séparation des domaines, permet des rapprochements qui se révèlent au lecteur d’aujourd’hui comme insolites. Dans le “Plan de l’ouvrage”de 1752, le rédacteur des Observations sur l’histoire naturelle, sur la physique et sur la peinture, indique aux lecteurs le fil logique qui lie ensemble les trois domaines annoncés dans le titre :

‘Les Observations de Physique et de Peinture, loin d’être nuisibles à la partie proprement dite Histoire naturelle, en font au contraire des branches inséparables. Le Naturaliste ose avec intrépidité s’élever quelquefois jusqu’aux Astres, de là il descend sans crainte dans la composition et la décomposition des corps sublinaires, et il ne manque point de s’arrêter avec complaisance sur les Peintures, qui lui représentent son principal objet ; il n’est donc pas étrange de parler dans un même Traité des Sciences, que l’on a comprises sous un même nom ; car Physique et Histoire naturelle, sont des termes synonymes ; Peinture veut dire la même chose ; l’une et l’autre n’ont pour but que de décrire, ou de représenter la nature et tous les phénomènes679.’

En guise d’illustration de ce rapport synonymique entre physique et peinture, les Observations offrent à leur lectorat des réflexions critiques sur les tableaux exposés au Salon du Louvre680 ’ainsi que des extraits de critiques du Salon, puisés dans d’autres périodiques‘ .681

Certains titres de périodiques ne sont pas immédiatement révélateurs de leur intérêt pour l’information artistique. D’une part, tout journal littéraire est susceptible d’embrasser le domaine des beaux-arts, avec des informations sur les Académies, des annonces d’ouvrages nouveaux exposés au public dans les ateliers des artistes, ou des notices bibliographiques concernant la peinture, l’architecture ou la musique. Même si tel périodique n’est pas enclin à suivre constamment la vie artistique, le Salon de peinture, de sculpture et de gravure du Louvre, ouvert tous les deux ans à partir du 25 août, est un événement trop important de la vie de la capitale pour que les journaux les plus divers ne lui accordent un minimum d’espace.‘ ’A la différence de la vie théâtrale et musicale, qui occupent l’attention du public éveillée pendant toute l’année, les arts visuels connaissent leur moment de gloire une fois tous les deux ans, pendant les quelques mois qui recouvrent l’ouverture proprement dite du Salon et les échos d’après sa fermeture.

Le Journal de politique et de littérature, qui n’a pas un seul mot à dire sur les arts visuels en 1777, publie toutefois un bref compte rendu du Salon de cette année-là, qui élogie les tableaux des‘ ’“‘ jeunes artistes ’”‘ , ’émet quelques critiques et invite les lecteurs à se rendre dans les ateliers des sculpteurs Allegrain et Coustou pour admirer des œuvres non exposées au Salon682. ’De même, le‘ Journal oeconomique, ’ayant pour sous-titre‘ Notes et Avis sur l’agriculture, les arts, le commerce et tout ce qui peut y avoir rapport, ainsi qu’à la conservation et à l’augmentation des Biens des Familles, ’sans avoir un regard constant pour la peinture, la sculpture ou la gravure, insère dans ses pages des comptes rendus de l’Exposition de tableaux et de Modèles de Sculpture dans le Salon du Louvre, par l’Académie Royale de peinture et de sculpture 683.

La publication par les feuilles périodiques de comptes rendus de Salons et de réflexions sur les brochures critiques que celui-ci produit, est décidément un indicateur de l’intérêt de la presse pour les arts visuels. En 1750 le‘ Mercure de France ’est le seul journal à publier une recension de l’exposition du Louvre ; il est d’ailleurs l’unique à perpétuer la tradition du compte rendu du Salon sans interruption, de 1750 à 1789. Le‘ Mercure ’est suivi par d’autres périodiques tels le‘ Journal encyclopédique, ’l’Année littéraire, ’les‘ Petites Affiches ’devenues‘ ’quotidiennes en décembre 1778, sous le titre d’Annonces, affiches et avis divers ou Journal général de France et le‘ Journal de Paris, ’dès sa parution‘ , ’en 1777‘ . ’La‘ Feuille nécessaire, ’parue en 1759 et continuée l’année suivante par l’Avant Coureur, ’couvre tous les Salons de peinture de 1759 à 1773, année de sa disparition. Le‘ Journal des Beaux-Arts et des Sciences, ’dont l’Abbé Aubert est le fondateur, fournit des critiques des Salons de 1769, 1771, 1773 et 1775, étant relayé par le‘ Journal des Sciences et des Beaux-Arts ’pour l’exposition de 1777. La contribution des autres feuilles à la critique salonnière est plutôt sporadique, dictée par leur brève existence ou simplement par le rôle marginal qu’ils accordent aux arts visuels. Le‘ Journal oeconomique ’et le‘ Journal des Dames ’ne publient qu’un seul compte-rendu du Salon, en 1755 et 1775 respectivement. L’Observateur littéraire en donne deux (1759 et 1761), tout comme le‘ Journal de politique et de littérature 684 ’(1775 et 1777), quant aux‘ Observations sur l’Histoire Naturelle, la Physique et la Peinture, ’elles étendent leur participation critique à trois Salons (1751, 1753 et 1757). Les‘ Nouvelles de la République des Lettres et des Arts, ’périodique attaché à la‘ Correspondance pour les scienceset les arts, ’fondée par Pahin de la Blancherie, dont le but annoncé est de‘ ’“‘ rapprocher l’homme de son semblable, la science de l’art, et l’homme de la science et de l’art, sans distinction ni de temps ni de lieu ’”‘ , ’rend compte à son tour de trois expositions (1779, 1781 et 1783)685.

Il est intéressant de remarquer que, malgré la multiplication extraordinaire de brochures critiques sur le Salon dans les années 1780, le nombre de périodiques qui publient des comptes rendus sur l’exposition du Louvre entre 1750 et 1789 demeure stable : en moyenne cinq par Salon. Cette immobilité apparente est due à une double cause : d’une part, l’impression et la vente des feuilles périodiques sont conditionnées par l’obtention d’une permission royale, laquelle peut être retirée au moindre faux pas des rédacteurs, d’autre part, la réticence invétérée de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture à l’égard de la critique, vue comme offensive à l’égard des efforts des artistes, impose aux périodiques une attitude révérencieuse envers les ouvrages et les artistes du Salon, bref, un constant travail d’auto-censure.‘ ’Aux yeux de l’Académie, la fonction première des périodiques publiant des critiques des Salons consiste à s’opposer aux critiques effrénées des brochures clandestines, qui portent atteinte à la réputation des artistes et de l’institution académique et de construire, d’autre part, une critique modérée, approchant le monde des arts visuels avec respect et humilité. Il n’est donc pas étonnant que les critiques des Salons représentent dans la presse d’Ancien Régime l’événement principal, sinon unique, digne d’entretenir l’attention des lecteurs, et que de cette façon, l’information concernant les arts visuels ait, dans la plupart du temps, un caractère irrégulier et saisonnier686.

D’autre part, c’est dans le même contexte de la résistance acharnée de l’Académie à toute attitude critique à son égard, que se développe la critique d’art, les périodiques et les idées de certains membres de l’Académie ayant un rôle tout aussi important que la diffusion de brochures clandestines. Comme nous allons le voir, avec l’exemple concret du Journal de Paris, les arts visuels s’inscrivent dans le quotidien des Français, tout comme la musique, la poésie et le théâtre. Malgré tous les obstacles toujours en place, l’information artistique sort‘ ’du cercle quasi-exclusif du Salon, pour se répandre hardiment dans toutes les périodes de l’année, chez tous les lecteurs, empruntant une large palette de tons et de styles.

Avant de nous occuper de façon plus détaillée de la manière dont le‘ Journal de Paris ’traite et se sert des arts visuels, arrêtons-nous un instant sur quelques pages de périodiques qui précèdent le quotidien dans l’approche à l’information artistique. Quelle est la place qu’on assigne à cette dernière ? Quel est le contenu général des articles consacrés aux arts visuels ? Peut-on décéler, dans les modes d’organisation de la matière artistique, un souci de spécialisation ? Pour répondre à ces questions, nous allons feuilleter‘ La Feuille nécessaire, ’continuée par‘ L’Avant-Coureur, ’les‘ Petites Affiches, ’et le‘ Mercure de France.

Parue en 1759‘ , La Feuille nécessaire, contenant divers détails sur les Sciences, les lettres et les arts explique dans son‘ Prospectus :

‘Quand nous disons que cette Feuille est nécessaire, nous ne prétendons pas que les autres soient inutiles ; nous voulons seulement dire que le Public trouvera dans le tableau raccourci que nous lui présentons chaque semaine, tout ce qui peut piquer la curiosité dans chaque genre. Ce Tableau comprendra une suite de détails aussi instructifs qu’amusants dans leur nouveauté, et dont la réunion pourra servir un jour à l’Histoire des Sciences, des Lettres et des Arts687.’

Parmi les différentes matières du plan de la feuille, les rédacteurs mentionnent l’“Article Peinture, sculpture, gravure”‘ , qui ’“‘ détaillera les morceaux nouvellement finis par les grands Peintres, Sculpteurs, Graveurs ’”688, ’et suivi par les nouvelles d’architecture :‘ ’“‘ Ensuite viendront les entreprises de nos Architectes, soit à Paris, soit à la Campagne ; un petit détail de leurs plans et de leur nouvelle manière d’opérer ’”689. ’En d’autres mots,‘ La Feuille nécessaire, ’sous sa forme de‘ ’“‘ tableau raccourci ’”‘ , ’s’engage à tenir son lectorat au courant de toute l’actualité artistique, pendant toute l’année et avec une fréquence hebdomadaire. A cela s’ajoute sa fonction d’archives, propre à tous les journaux d’Ancien Régime qui, d’une part, nourissent la curiosité du public, toujours plus engoué d’informations, et d’autre part, se constituent comme des mémoires à l’usage de la postérité.

La rubrique “Peinture, Sculpture et Gravure” contient toutes les semaines, dans des notices concises, les dernières nouveautés en matière d’arts visuels. Les rédacteurs s’intéressent au tableau à peine achevé‘ ( ’“‘ M Chardin ’ ‘ , Professeur de l’Académie RP, vient d’achever deux Tableaux de fruits de 18 pouces de largeur sur environ 15 de hauteur ’”690) ’ou à celui en train d’être peint‘ ( ’“‘ [M Loir] fait un grand Tableau à l’huile qui représente S Hypolite communiant dans sa prison ’”691). ’Les lecteurs avides de nouvelles artistiques sont mis au courant des productions destinées à l’étranger‘ ( ’“‘ M Pierre ’ ‘ , Professeur de l’ARP vient de finir un Tableau du Jugement de Paris, destiné à orner une galerie du Palais du Roi de Prusse ’”692) ’ou qui doivent s’acheminer pour la province ‘ ( ’“‘ Il y a dans l’Atelier du même peintre un nouveau Tableau représentant la Résurrection de Jésus Christ. Il est destiné pour l’Eglise de Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles, à Orléans, et doit être le pendant du Tableau des Pélerins d’Emmaus de M Vien ’ ‘ , excellent ouvrage dont nous avons parlé dans nos feuilles ’”693).

Les rédacteurs ne manquent pas d’offrir même des avant-premières au Salon :‘ ’“‘ Nous avons vu, dans l’atelier de M Vien ’ ‘ , Professeur de l’ARP, un grand Tableau, auquel il donne actuellement les dernières touches, et qui doit être exposé aux yeux des Amateurs dans le Salon du Louvre à la S Louis prochaine ’”694. ’Ils arpentent Paris à la recherche de nouveautés, des ateliers des peintres, sculpteurs et graveurs, aux églises, et de la‘ ’“‘ précieuse Collection du Cabinet du Roi ’”‘ ’aux‘ ’“‘ Appartements de Luxembourg ’”695 ’aux‘ ’“‘ essais informes ’”696 ’des jeunes Artistes exposés dans la place Dauphine. Les rédacteurs des notices artistiques maîtrisent bien l’art des renvois et de l’enchaînement des informations. L’annonce de l’achèvement du Jugement de Paris par Pierre est l’occasion de rappeler un autre tableau récent du même peintre, destiné pour l’Eglise de Notre Dame de Bonnes-Nouvelles d’Orléans, et d’enchaîner avec l’annonce de la réalisation du plafond de cette même église par Parrocel697. ’Le rédacteur aime faire des promesses à ses lecteurs, qu’il se vante de respecter, sans oublier de renvoyer à son engagement premier et d’expliquer la raison du retard :‘ ’“‘ Lorsque notre seconde feuille parut, nous ne rendimes compte du fameux tableau représentant Mlle Clairon en Médée (…) Nous promimes d’en parler lorsqu’il serait temps, parce que nous étions instruits que l’ordonnance de ce grand morceau allait être totalement changée ’”698.

Le 16 juillet, le rédacteur de la rubrique dédiée aux arts visuels transcrit‘ ’“‘ mot pour mot ’”‘ , ’selon ses dires, l’explication du graveur de Marcenay de sa dernière production :‘ ’“‘ M de Marcenay ’ ‘ n’a pu refuser à nos instances la notice d’un Commencement d’Orage, qu’il vient de graver d’après un Tableau de Rembrandt. Nous ne faisons que la transcrire mot pour mot, parce qu’elle est tout à la fois digne d’un Artiste et d’un Homme de Lettres. Il serait à souhaiter pour nous et pour le public que tous ceux qui exercent les Arts, pussent ainsi rendre leurs idées sur les objets de leur travail ’”‘ . ’Malgré son enthousiasme pour la contribution écrite du graveur de Marcenay, le rédacteur joue un rôle de filtre, il ne donne pas la parole à l’artiste, mais “transcrit” ses idées. La concision, l’austérité et la monotonie de style sont de rigueur pour la Feuille nécessaire. Pas de place aux digressions ou aux lettres en original. Le rédacteur est censé uniformiser la matière au profit d’une unité formelle et stylistique. Epurée de toute contamination littéraire, l’information artistique proposée par ce périodique est régulière, uniforme et sobre.

Dès le premier numéro,‘ La Feuille nécessaire ’s’engageait auprès de son lectorat à ne publier que des informations certaines. En touchant au problème de la véridicité, les rédacteurs soulignent l’intérêt d’une correspondance ouverte entre le journal et une partie de son lectorat, apte à lui fournir des informations dignes de la curiosité publique :

‘On sent aussi que cette Feuille ne pourra que devenir plus intéressante à mesure que les correspondances se multiplieront. Tous ceux qui auront fait quelques découvertes ou trouvé quelques nouvelles inventions propres à les faire connaître, Artistes, Marchands, habiles Ouvriers et autres, sont priés d’envoyer une note avec leurs noms et demeures au sieur Lambert, Imprimeur-Libraire, rue et à côté de la Comédie Française, et d’affranchir le port (…)699.’

La Feuille nécessaire laisse entendre que la correspondance ouverte entre le journal aux prises avec la récolte de la nouveauté, dans un laps de temps limité, et son lectorat est un instrument précieux dans la rédaction d’une feuille périodique, ce que le Journal de Paris, ’premier quotidien français allait démontrer une vingtaine d’années après. Selon la vision des rédacteurs de La Feuille nécessaire, ’le journal est un moyen de communication rapide et efficace entre journalistes et lecteurs, espace ouvert en égale mesure au marchand, à l’artiste et à l’“‘ habile ouvrier ’”‘ .

Disparue à la fin de l’année même où elle a vu le jour,‘ La Feuille nécessaire ’est continuée par L’Avant-Coureur, feuille hebdomadaire où sont annoncées les objets particuliers des sciences et des arts, le cours et les nouveautés des spectacles, et les livres nouveaux en tout genre, ’imprimée sans interruption jusqu’en 1773. Comme l’annonce son titre, la nouvelle feuille a pour trait principal la rapidité, son but est de précéder les annonces des autres journaux et son ambition est de devenir la première “gazette littéraire”700. ’La contrainte de temps implique une contrainte de travail : le style en sera donc sobre et concis701, ’tout comme l’avait été celui de‘ La Feuille nécessaire. ’Qui plus est, une fois arrivé à la direction du journal, en janvier 1769, Lacombe se propose d’en rendre le contenu plus pratique et moins livresque. Soucieux de plaire sans distinction‘ ’“‘ à l’artiste, au manufacturier, au négociant, à l’artisan, à l’homme de lettres, à l’amateur et au travailleur ’”‘ , ’il fait appel‘ ’“‘ aux savants, aux artisans et aux négociants ’”, pour qu’ils utilisent‘ L’Avant-Coureur ’comme moyen de communication702.

A la naissance de‘ L’Avant-coureur, ’en 1760, la rubrique “Arts” occupe la deuxième place dans la structure de la feuille, et les rédacteurs expliquent ainsi son contenu :‘ ’“‘ Dans le second Article, on trouvera les principales nouveautés des Beaux-Arts, et de ceux qui leur sont subordonnés, en commençant toujours par les Arts du Dessin, tels que l’Architecture, la Peinture, la Sculpture, la Gravure, la Ciselure et de là descendant jusqu’aux Arts mécaniques dont les nouvelles inventions sont indiquées suivant leur mérite. La Musique, autre que celle des Spectacles, soit vocale, soit instrumentale, en fera partie ’”703. ’A partir de 1765, avec l’arrivée de Lacombe à la direction du journal, la rubrique “Arts” (entendus comme activités artistiques au sens moderne ; peinture, sculpture, gravure, musique et poésie704), prend la première place.

Les annonces concernant les arts visuels se trouvent sous le signe de la formule‘ ’“‘ il paraît nouvellement ’”‘ . ’Fidèles à leur engagement de rapidité, les rédacteurs s’empressent d’informer sur les productions artistiques en train d’être réalisées‘ ( ’“‘ Les Amateurs et les Artistes attendent avec empressement l’estampe que M Cars va mettre au jour d’après le Tableau du Père de famille de M Greuze ’”705.‘ ), ’ou à peine achevées‘ ( ’“‘ Le sieur Beauvarlet ’ ‘ , graveur rue S Jacques, vient de finir la Chasteté de Joseph, d’après M Nattier ’”706). ’Les notices concernant les arts visuels ont soit la fonction d’informer le public au sujet de la production artistique parisienne, qu’une fonction publicitaire : les lecteurs du journal peuvent tout simplement s’informer, mais peuvent aussi aller voir et acheter. C’est surtout le cas des gravures à la description desquelles s’ajoutent souvent des détails pratiques tels l’adresse de l’artiste, et le prix. L’annonce d’un “‘ Recueil d’Estampes des Médicis ’”‘ ’pour la fin de l’année 1772 est suivi, par exemple, par un “‘ modèle du billet de souscription ’”707.

Tout en restant fidèles à leur vocation de concision et d’uniformité stylistique, aussi bien qu’à leur soin d’“‘ éviter toute sorte de discussion ’”‘ , ’les rédacteurs de la rubrique‘ ’“Arts” de‘ L’Avant-Coureur ’se permettent de temps en temps des appréciations et des réflexions fugitives, ou, pour les citer,‘ ’“‘ d’un seul trait de plume ’”708. ’En parlant de la collection de tableaux de Jean-Baptiste et Louis-Michel Vanloo, le rédacteur note qu’elle‘ ’“‘ satisfera l’amateur qui a un peu plus que des yeux ’”‘ ’et il explique plus loin‘ ’“‘ c’est-à-dire qui est doué de ce goût nécessaire à l’Artiste, et qui préfère avec raison, un seul bon tableau à dix médiocres ’”709. ’Toutefois, il est assez rare que les rédacteurs parlent en leur propre nom, sinon pour faire des observations générales et discrètes : ils parlent de la‘ ’“‘ pureté ’”‘ ’et de la‘ ’“‘ netteté ’”‘ ’du burin d’un graveur710 ’ou d’un portrait gravé‘ ’“‘ avec intelligence ’”711. ’La plupart du temps, ils font référence à l’opinion d’une instance non identifiable : “les amateurs”‘ ( ’“‘ Les amateurs sauront gré sans doute à M Demarteau ’ ‘ , d’avoir publié le nouveau portrait qui nous offre Rubens ’ ‘ dans la fleur de sa jeunesse ’”712  ’;‘ ’“‘ [Les Amateurs] ont donné les justes louanges au svelte des ’ ‘ formes de cette figure, à l’élégance des contours, à la suplesse et au moelleux des mouvements ’”713). ’Notons toutefois un exemple amusant et rare, où le journaliste, épris d’une gravure représentant la Taverne de Ramponeau s’emploie à justifier, au nom de la rédaction, le saut du journal dans le règne de la frivolité :

‘Nous pardonnera-t-on d’indiquer, à la suite de ces Ouvrages estimables, une folie du temps qui passera sans doute bien vite, pour faire place à quelque autre aussi peu durable ? Pourquoi non, s’il nous est permis d’égayer quelque fois une feuille qui doit autant amuser qu’instruire ? Toutes les frivolités du monde ont un côté que la Raison peut regarder en souriant, et qu’un peu de Philosophie tourne même en instruction. On distribue depuis quelques jours la représentation d’une Ginguette devenue fameuse par le concours, que du vin à très vil prix y attire, et que des Chansonniers du plus bas ordre se sont empressés de célébrer.714

Avec son ambition de devenir une “gazette littéraire” (et peut-être même “artistique”), L’Avant-Coureur a une part significative dans la diffusion de l’information artistique dans la presse d’Ancien Régime. C’est avec lui que se cristallise l’idée de développer un instrument périodique capable de rendre compte de la vie artistique française, mais aussi, nous l’avons vu, de fournir un moyen de communication et d’échange entre ses différents acteurs. L’Avant-coureur représente une occasion pour les activités artistiques d’avoir finalement un organe périodique propre, qui s’en occupe sans interruption toute l’année, et qui en offre une image plus ample et plus diversifiée. Même si la publication de ce journal s’arrêta en 1773, sa tentative de devenir un périodique des arts demeure remarquable.

Les Petites Affiches de Paris, périodique dédié par excellence aux annonces, s’intéressent, dès leurs naissance, aux beaux-arts. Les arts visuels y ont leur place dans les rubriques “Livres nouveaux”, qui rend compte des ouvrages concernant la peinture, la sculpture ou la gravure ou des écrits critiques sur les Salons, et dans la rubrique “Avis divers”, qui contient des annonces et parfois des commentaires à propos des œuvres les plus récentes. Le lecteur des‘ Affiches ’trouve dans la rubrique “Livres nouveaux” des notices concernant les‘ Essais sur la peinture et sur l’Académie de France établie à Rome, ’par Algarotti, traduit de l’italien par Pingeron,‘ ’Capitaine d’Artillerie et Ingénieur au service de Pologne715, ’la‘ Lettre d’un Graveur en Architecture à M Patte, son confrère, à l’occasion de son mémoire sur l’Eglise de Sainte Genenviève 716, ’le‘ Catalogue de M Boucher, ’par Remy717 ’les‘ Observations sur la statue de Marc-Aurèle, et sur d’autres objets relatifs aux Arts, ’adressées à Diderot par le sculpteur Falconet, et les‘ Lettres pittoresques, à l’occasion des tableaux exposés au Salon en 1777 718 ’La rubrique “Avis divers” contient surtout des annonces de gravures, qui constituent à la fois pour le rédacteur, l’occasion de quelques réflexions critiques. Trois nouvelles gravures par Le Bas lui permettent de réfléchir sur le statut de cet art en France et sur sa fonction de traduction des œuvres recélées dans les cabinets privés719. ’Une autre notice rend compte d’un cas de contrefaction de gravures et de la justice rendue aux arts et aux artistes concernés par Le Noir, Lieutenant de police720. ’L’annonce d’une gravure intitulée‘ Balance de Frédéric, ’par Vangelisti permet le rédacteur de reprendre sévèrement “‘ les galanteries ’”‘ ’dans la‘ ’gravure, à savoir‘ ’“‘ ces images obscènes, qui blessent les yeux d’un honnête homme, qui le révoltent ’”721.

A partir de 1777, avec la naissance du Journal de Paris, qui s’annonce un concurrent sérieux pour les Affiches, celles-ci entreprennent des changements soit dans leur périodicité et dans leur nombre de pages, que dans leur organisation722. La division du périodique en deux feuilles de 16 pages chacune donne satisfaction au rédacteur Jean-Louis Aubert723, qui ayant 32 pages à remplir par semaine, peut introduire plus de commentaires sur les livres et les spectacles724. Le deuxième changement important advient en 1778, lorsque les deux feuilles se fondent en une seule, elle aussi quotidienne, plus équipée à affronter son rival, dont le nouveau titre rappelle justement le Journal de Paris : Annonces, affiches et avis divers ou Journal général de France. Adapté aux nouvelles conditions de marché, son prospectus insiste, en effet, sur l’avantage d’avoir des annonces plus rapides et des nouvelles plus ponctuelles.

Une nouvelle formule des Affiches n’est pourtant mise en place qu’à partir de décembre 1783 Tout comme leur rival, ils disposent également d’une rubrique “Arts” où l’on insére des notices sur la peinture, la gravure, la musique, les inventions et les découvertes. En 1785, la rubrique “Beaux-Arts” réunit en une même notice le compte rendu de l’Exposition de tableaux au Salon du Louvre et une nécrologie d’artiste sous le titre Mort remarquable. C’est ainsi que les hommages rendus à Lépicié et à Pigalle sont insérés dans la critique même du Salon de l’année725. C’est finalement au peintre Taraval que l’on dédie une notice à part, suivie par une lettre à l’auteur du journal726. Rappelons que les nécrologies d’artistes représentent une rubrique constante du Journal de Paris, qui avait acquis dès 1782, le privilège des Annonces des deuils de la Cour et du Nécrologe des Hommes célèbres 727 .

Si, jusqu’en 1783, les informations artistiques étaient réunies sous le titre général, “Avis divers”, mêlées avec des annonces d’autres domaines, sans aucune séparation par des titres ou des alinéas, les Affiches proposent, peut-être sous l’influence de son jeune concurrent, le Journal de Paris, une rubrique spécialement dédiée aux arts et munie de titres où les annonces bénéficient d’un espace bien plus aéré. Si l’on peut supposer que les Affiches aient entrepris une série de changements en fonction de son rival, le Journal de Paris, en commençant par sa périodicité et son titre, jusqu’à l’introduction de nouvelles rubriques et à l’organisation formelle de l’information, ceci n’exclut pas l’idée qu’il y a eu, d’autre part, des influences réciproques.728 De toute manière, les Affiches, telles qu’elles se présentaient en 1777, à la naissance du journal quotidien, n’avaient pas de choix, pour survivre, que de suivre les nouvelles exigences du marché, l’un des facteurs déterminants étant la confrontation directe avec les acteurs les plus puissants et les plus innovateurs.

C’est toujours à la même époque que les Affiches donnent de l’ampleur au courrier des lecteurs (tout comme le Journal de Paris, qui se veut une “correspondance familière et journalière” entre ses lecteurs). La rubrique “Arts” contient de plus en plus souvent des lettres intitulées “A l’Auteur du Journal”‘ . ’Le chevalier de La Barre‘ , ’“‘ tout frais arrivant de son voyage d’Italie ’”‘ ’s’empresse‘ , ’“‘ par la voie du Journal ’”‘ , ’de défendre le cheval écorché antique, critiqué par Vincent, professeur de l’Académie729. ’Quelques jours après, le rédacteur cite la lettre d’un autre lecteur, qu’il décide de ne pas publier, en raison de l’absence de signature, qui souligne une erreur du chevalier de La Barre : le critique du cheval écorché n’est pas Vincent, professeur de l’Académie royale, mais son homonyme de l’Ecole vétérinaire ! A la lettre à l’auteur du journal s’ajoute donc la lettre au journal non publiée, mais qui s’insère dans la structure du périodique, par le biais de la voix rédactionnelle.

D’autres lettres se présentent sous forme de demandes précises et assez urgentes adressées au rédacteur, suivies de ses réponses concises. Un collectionneur toulousain, qui‘ ’avoue au rédacteur n’oser‘ ’“‘ [se] décider sur l’acquisition des nouvelles productions qu’après [son] avis ’”‘ , se renseigne au sujet de plusieurs graveurs contemporains, que lui a présentés son correspondant de Paris. Le rédacteur lui répond qu’il ne peut donner son opinion que sur les graveurs qu’il a déjà eu l’occasion de louer dans ses feuilles730.

La lettre omission est celle qui est publiée dans le but de suppléer à un oubli du périodique, considéré comme inexplicable. Duret,‘ ’“‘ Elève de l’école d’en haut ’”‘ ’écrit sa lettre au journal pour rendre justice et hommage au Recueil d’Anciens costumes, ’par feu Dandré Bardon, qu’il considère comme‘ ’“‘ un ouvrage élémentaire, par un homme qui doit connaître le prix des bons principes ’”731. ’Rappelons également la lettre de la part du souscripteur dénonçant la mauvaise qualité du travail d’un graveur, dont il est le client. Elle est le signe d’un périodique qui se veut à l’écoute du public des arts visuels. Telle est la lettre envoyée aux Affiches ’par “Le Baron de la Cruzes”,‘ ’“‘ souscripteur de province éloignée ’”‘ , ’qui se plaint, au nom‘ ’“‘ de [sa] petite ville et de tous les amateurs retirés de la capitale ’”‘ , ’de la‘ ’“‘ choquante faiblesse ’”‘ ’qui caractérise la dixième livraison de la‘ Collection des Tableaux du Palais Royal 732.

Le Journal de Paris ne fait pas peur aux seules Affiches, il menace et pousse au changement le journal littéraire par excellence, le Mercure de France. Au-delà de son ancienneté, le Mercure jouit d’une protection particulière de la part du gouvernement, supposant, en revanche, un régime de censure politique et littéraire très étroit. Deux censeurs nommés par le directeur de la Gazette de France, l’un à Paris et l’autre à Versaille, en surveillent la partie politique, tandis que la partie littéraire est censurée à Paris. Qui plus est, le Mercure est présenté au Roi tous les samedi par le ministre de l’Intérieur, et le Garde des Sceaux a, à son tour, son mot là-dessus733.

Le libraire Charles-Joseph Panckoucke achète en 1778 le privilège du Mercure, dans l’idée de le réformer : tout en s’appuyant sur son image de journal littéraire traditionnel, il s’agit de rénover sa forme et de diversifier son contenu, afin de lui assurer une plus grande diffusion. Panckoucke est d’avis qu’il faut suivre les transformations du marché de la presse ; au-delà de la multiplication des feuilles périodiques, la naissance du Journal de Paris marque l’existence d’un public plus large et plus avide d’informations.‘ ’Le‘ Mercure ’rénové de Panckoucke est ainsi un mélange d’information politique et littéraire. En 1778 il absorbe quatre petits journaux : le‘ Journal de politique et de littérature, le Journal des Dames, ’le‘ Journal français ’et le‘ Journal des spectacles, ’auxquels s’ajoute en 1782 le‘ Journal de la librairie. ’Si le contenu du Mercure traditionnel était organisé en cinq rubriques : “Pièces fugitives”, “Nouvelles littéraires”, “Sciences et Belles-Lettres”, “Beaux-Arts” et “Spectacles”, le nouveau Mercure 734 ’de Panckoucke, à la recherche de la diversité des matières, s’ouvre à des rubriques nouvelles, telles “Bienfaisance”, “Variétés”, “Géographie”, “Inventions utiles”, “Histoire naturelle”, “Acte de courage et d’humanité”, “Tirage de la loterie nationale de France” et “Etablissements nouveaux”. En même temps, il construit une équipe rédactionnelle stable, composée de personnalités connues, telles Dubois de Fontenelle pour la partie politique, Jean-François de La Harpe pour la partie littéraire, Imbert pour les contes philosophiques, Dorat pour les pièces fugitives, l’Abbé Baudeau pour l’économie politique et Suard pour la philophie, les sciences et les arts735. ’Panckoucke s’occupe également de la périodicité du Mercure qui, en 1778 paraît tous les jours, et à partir de juillet 1779, est publié chaque semaine. Plus aguichant et plus diffusé, le nouveau Mercure s’adresse à un public plus divers, qu’il conquiert rapidement : entre 1778 et 1779 il réussit à augmenter sa clientèle de 500 abonnés736.

Le‘ Mercure de France ’rend compte principalement de la production de gravures, ainsi que des parutions les plus récentes, concernant les arts visuels et l’antiquité. En 1777, les notices sur les gravures sont particulièrement fournies, débordant souvent la simple fonction d’annonce. Le tableau de la production des graveurs est complété régulièrement, à chaque numéro du Mercure, au point que les rédacteurs se permettent de s’abstenir de toute critique à propos des gravures exposées au Salon de l’année, considérant que ce travail a été déjà accompli737. ’A partir de 1778, année de changements majeurs pour le Mercure, la rubrique “Gravure” change aussi de physionomie et de consistance : les caractères employées sont plus petits, les annonces sont plus sommaires, autrement dit, elle semble se plier à la double règle de rapidité et d’efficacité. Le 5 août, elle est absorbée par une nouvelle rubrique, intitulée “Sciences et Arts”, contenant aussi des notices sur l’astronomie, la géographie et la musique.

La rubrique “Nouvelles littéraires” contient en revanche des extraits et des commentaires critiques sur les ouvrages qui concernent les arts figuratifs et l’antiquité. En 1777, on annonce un‘ Dictionnaire des Artistes, ou Notices historique et raisonnée des architectes, peintres, graveues sculpteurs, musiciens, acteurs et danseurs ; imprimeurs, horlogers et mécaniciens, par l’Abbé de Fontenai738. ’En 1779, le‘ Mercure ’rend compte des‘ Antiquités de France, ’par M Clérisseau, Architecte de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture de Paris739, ’offre aux lecteurs un extrait de la Théorie générale des beaux-arts ’de Sulzer, non encore traduit entièrement en français, sous le titre‘ Combien il est utile aux Jeunes Artistes de copier les Ouvrages des Grands Maître 740 ’et quelques réflexions sur une brochure intitulée Lettre d’un voyageur à Paris à son Ami Sir Charles Lovers, demeurant à Londres, sur les nouvelles estampes de M Greuze 741. ’En 1783, Garat y dédie deux longs articles à l’Histoire de l’Art de l’Antique, ’par Winckelmann742. ’C’est à partir de 1783, que les annonces d’estampes et les titres nouveaux consacrés aux arts visuels se mêlent dans la nouvelle rubrique “Annonces et notices”.

La rubrique “Variété” accueille souvent l’information artistique, sous toutes ses formes : la notice contenant des détails sur la‘ Correspondance des Savants et des Artistes ’de Pahin de la Blancherie743, ’la lettre de Greuze au Mercure décrivant sa dernière estampe, La Belle-Mère,744 ’et jusqu’au compte rendu du Salon du Louvre745.

En raison de la stricte surveillance qu’exerce sur lui la censure d’état, le Mercure représente l’organe périodique idéal, à travers lequel l’Académie royale de peinture et de sculpture peut exprimer ses idées et ses principes. Les comptes rendus des Salons sont confiés à des personnalités, tels Charles-Nicolas Cochin, qui ne sauraient pas trahir les vues de la corporation. Le Mercure s’occupe toute l’année à tenir ses lecteurs au courant de la vie académique sous tous ses aspects : présentations d’ouvrages au Roi ou à la famille royale, par les artistes de l’Académie, extraits des Registres de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, ainsi que de l’Académie d’Architecture746, ’distribution de prix747 ’et réceptions de nouveaux membres au sein de l’Académie748, ’sans oublier les comptes rendus des expositions bisannuelles du Salon du Louvre. Le tableau de la vie artistique dressé par le‘ Mercure de France ’est complété par des annonces de cours de peinture ou d’architecture749, ’des vers dédiés aux artistes (insérés dans la rubrique “Pièces fugitives”)750, ’des anecdotes sur des peintres751, ’des inventions utiles pour la conservation des œuvres d’art752, ’des découvertes de nouveaux procédés de gravure753. ’Ajoutons également quelques lettres : un extrait d’une lettre de Falconet au prince Galitzin, au sujet de la fonte de la Statue de Pierre le Grand754, ’une‘ Lettre d’un Amateur à l’Auteur du Mercure de France, au sujet de l’Estampe du Gâteau des Rois 755, ’une lettre au sujet du nouveau théâtre de Bordeaux756 ’et, à partir de 1784, des lettres annuelles sur l’exposition de peinture de la place Dauphine757.

Les articles sur les arts visuels publiés dans le Mercure sont indistinctement rédigés dans le respect des artistes et de l’institution académique, soumis à un souci de modération et d’uniformité de forme et de contenu, qui se transforme inévitablement en monotonie. Il ne se permet visiblement ni des variations de ton et de style, ni des changements d’humeur à l’égard des œuvres et des artistes. Le type d’information artistique que propose le Mercure est celle envisagée par l’Académie : régulière mais toujours égale à elle-même, inoffensive, concentrée plus sur la recension neutre que sur une critique active et ouverte au débat, doublement surveillée par le pouvoir corporatif le plus important dans le monde des arts et par l’état, moulée dans la voix de quelques représentants considérés comme aptes à parler des artistes, sans les offenser.

L’information artistique se moule de façon différente dans les différents périodiques qui l’accueillent, elle change de forme, d’emplacement et de ton d’une feuille à l’autre, et parfois à l’intérieur de la même feuille, en fonction de l’organisation globale de celles-ci, ainsi que des modifications qu’elles subissent au fil des années. Il suffit de jeter un regard hâtif sur les pages des périodiques cités dans ce chapitre pour voir que les informations sur les arts se‘ ’recontrent et s’opposent, se croisent et se superposent, donnant lieu à un dialogue continuel entre les feuilles. Nous allons voir, à travers quelques exemples, comment les Affiches, ’le Mercure ’et le‘ Journal de Paris ’se rencontrent sur le plan de l’information artistique.

Notes
679.

Observations sur l’histoire naturelle, sur la physique et sur la peinture, Avec des planches imprimées en couleurs, Plan de l’ouvrage, tome Ier, (1752).

680.

Les Observations sur l’histoire naturelle, sur la physique et sur la peinture publient des comptes rendus des Salons de 1751, 1753 et 1757. Voir Neil Mc William, Vera Schuster, Richard Wrigley, A Bibliography of Salon Criticism in Paris from the Ancien Régime to the Restauration, 1699-1827, (Cambridge University Press, 2003).

681.

Observations sur l’hisoire naturelle sur la physique et sur la peinture, “Des Extraits faits dans Quelques Ouvrages Périodiques, concernant l’exposition des Tableaux de cette année, 1753, l’Eloge du Salon et des peintres en général et en particulier, par M Fréron”, tome II, partie I, pp 1-20.

682.

Journal de politique et de littérature, “Exposition des tableaux du Louvre”, octobre 1777, tome III, pp. 217-218.

683.

Journal oeconomique ou Mémoires, Notes et Avis sur l’agriculture, les arts, le commerce et tout ce qui peut y avoir rapport, ainsi qu’à la conservation et l’augmentation des Biens des Familles, “Exposition de tableaux et de Modèles de Sculpture dans le Salon du Louvre, par l’Académie Royale de peinture et de sculpture”, juillet 1751, p. 56, “Exposition de Tableaux dans le Salon du Louvre, par l’Académie Royale de peinture et de sculpture”, décembre 1755, p. 85.

684.

Le Journal de la littérature, ou Journal de politique et de littérature appartient à Panckoucke et continue partiellement l’Avant-Coureur, qui s’arrête en 1773, voir l’article sur L’Avant-Coureur, par Jean Sgard, ds le Dictionnaire des journaux.

685.

A Bibliography of Salon Criticism in Paris from the Ancien Régime to the Restauration.

686.

A la naissance du Journal de Paris, L-S. Mercier se réjouissait de la victoire du fait de la veille sur les réflexions concernant les arts: “Un fait de la veille dit plus que ces réflexions vagues sur les arts. Les réflexions communes sont bientôt épuisées, les faits sont toujours nouveaux”, Tableau de Paris, “Journal de Paris”.

687.

La Feuille nécessaire, contenant divers détails sur les Sciences, les Lettres et les Arts, (Paris, Lambert, Imprimeur-Libraire, 1759).

688.

Ibidem.

689.

Ibidem.

690.

Ibidem, “Peinture, Sculpture et Gravure”, 5 mars 1759.

691.

Ibidem, “Peinture, Sculpture et Gravure”, 4 juin 1759.

692.

Ibidem, “Peinture, Sculpture et Gravure”, 9 juillet 1759.

693.

Ibidem.

694.

Ibidem, “Peinture, Sculpture et Gravure”, 28 mai 1759.

695.

Ibidem, “Peinture, Sculpture et Gravure”, 9 juillet 1759.

696.

Ibidem.

697.

Ibidem.

698.

Ibidem, “Peinture, Sculpture et Gravure”, 7 mai 1759

699.

Ibidem, note à la fin du premier numéro.

700.

Les Journaux et tous les ouvrages qui contiennent les extraits des livres, sont les vrais dépôts de l’histoire, les fastes de l’esprit humain. L’Avant-Coureur ne sera, dans toute la rigueur du terme, qu’une simple Gazette littéraire, qui certainement manque encore. Il est destiné à préparer la voie aux Journaux, à suppléer à la lenteur qu’exige le travail des extraits, enfin à servir promptement la curiosité publique qui n’a jamais été si active, si empressée, si impatiente L’Avant-Coureur, 1760.

701.

Les rédacteurs se disent “rigoureusement astreints à une manière laconique, concise, mesurée, simple, uniforme, sans jamais nous en départir pour aucun objet, L’Avant-Coureur, 1760.

702.

Dictionnaire des journaux, “L’Avant-Coureur”.

703.

L’Avant-Coureur, “Avertissement”, 1760.

704.

C’est toujours à partir de 1765 que la rubrique “Arts” de L’Avant-Coureur englobe aussi la poésie.

705.

L’Avant-Coureur, 28 janvier, “Arts, Gravure”.

706.

Ibidem.

707.

Ibidem, 26 octobre 1772, “Arts, Gravure”.

708.

Dans l’histoire des Arts et des Spectacles, ainsi que dans les notices des Livres, nous aurons grand soin d’éviter toute espèce de discussion. Nous pourrons cependant quelquefois apprécier certaines productions; mais ce sera d’un seul trait de plume, sans nous ériger en critiques, et sans prodiguer des louanges”.L’Avant-Coureur, “Avertissement”, 1760.

709.

L’Avant-Coureur, 7 décembre 1772, “Arts, Peinture”.

710.

Ibidem, 9 novembre 1772, “Arts, Gravure”.

711.

Ibidem, 12 octobre 1772, “Arts, Gravure”.

712.

Ibidem, 7 septembre 1772, “Arts, Gravure”.

713.

Ibidem, N°3, 1773, “Arts”. Le journaliste fait référence à une Diane de Vassé, sculpteur du Roi décédé un mois auparavant.

714.

Ibidem, 24 mars 1760, “Arts, Gravure”.

715.

Affiches, annonces et avis divers, 10 janvier 1770, “Livres nouveaux”. ( pour des raisons d’uniformité, nous avons choisi ce titre unique pour désigner ce périodique).

716.

Ibidem, 19 septembre 1770, “Livres nouveaux”.

717.

Ibidem, 23 janvier 1771, “Livres nouveaux”.

718.

Ibidem,, 1er octobre 1777, “Livres nouveaux”.

719.

On n’a jamais tant gravé d’estampes, et les seuls graveurs Français formeraient un tableau immense. C’est ainsi qu’on nous traduit maintenant presque tous les livres de nos voisins. Tout le monde est devenu parmi nous Traducteur de Tableaux ou d’Ouvrages Anglais. Car puisque l’on a comparé les Traductions aux Estampes (…), on peut comparer réciproquement les Estampes aux Traductions. Connaisseur ou non, chacun jouit des tableaux qui sont dans les Palais, les Eglises et dans les autres lieux publics; mais les Cabinets des particuliers en recèlent infiniment davantage, dont la jouissance est réservée aux possesseurs et à leurs amis”, Ibidem, 10 janvier 1770, “Avis divers”.

720.

Le cas de justice exposé par les Affiches oppose les graveurs Gaucher, Née et Masquelier aux graveurs Esnaut et Rapilly, coupables de plusieurs contrefactions de gravures, dont les premiers possèdaient le privilège: “(…) le Magistrat a condamné les contrefacteurs aux dépens, dommages et intérêts, en l’amande portée par le privilège du Roi; a rendu aux Artistes les planches contrefaites, a permis l’affiche du jugement, et a ordonné que le dessin faussement attribué à M Cochin par les Srs Esnaut et Rapilly, et au bas duquel on avait imité la signature de cet Artiste célèbre, serait supprimé, rayé et bâtonné par le Greffier de la Commission (…).,Ibidem, 27 novembre 1776, “Avis divers”.

721.

Ibidem, 29 novembre 1780, Avis divers.

722.

Voir le chapitre Du côté des observateurs, Ennemis et critiques.

723.

L-S. Mercier se montre très sévère à l’égard de l’activité critique de l’abbé Aubert: “Laissez faire un journaliste, tel que le rédacteur incivil des petites affiches; il voudra apprendre à chanter à David, enseigner la marine aux Anglais, et la minéralogie aux Allemands, et à faire des fables à La Fontaine; il se fera encore intendant de la politique du royaume, ainsi qu’appréciateur des vers, et juge des histrions. Et que perd-il à tout cela? rien; parce qu’il est connu d’avance”., Tableau de Paris, ch. DCCCXVIII, “Les petites affiches”.

724.

Dictionnaire des journaux, “Affiches, annonces et avis divers”.

725.

Affiches, annonces et avis divers, 10 septembre 1785, “Beaux-Arts, Suite de l’exposition des Tableaux au Salon du Louvre, et Mort remarquable” (Lépicié); 17 septembre 1785, “Beaux-Arts, Ouvrages de sculpture et de gravure exposés au Salon du Louvre, et Mort remarquable”. (Pigalle)

726.

Ibidem, 26 janvier 1786, “A l’Auteur du Journal”.

727.

Voir chapitre Du côté des observateurs, Batailles.

728.

Voir chapitre Du côté des observateurs, Ennemis et critiques.

729.

Affiches, annonces et avis divers, 29 janvier 1785, “A l’Auteur du Journal”.

730.

Ibidem, 12 février 1785, “A l’Auteur du Journal”.

731.

Ibidem, 12 mai 1785, “Arts, A l’Auteur du Journal”.

732.

Ibidem, 12 juillet 1788, “Beaux-Arts, A l’Auteur du Journal”.

733.

Charles-Joseph Panckoucke et la Librairie française, 1736-1798.

734.

En 1779, le nouveau titre du Mercure est ainsi formulé: Mercure de France, dédié au Roi par une Société de Gens de Lettres, contenant le journal Politique des principaux événements de toutes les Cours; les Pièces fugitives nouvelles, en vers et en prose; l’Annonce et l’Analyse des ouvrages nouveaux; les Inventions et découvertes dans les Sciences et les Arts; les Spectacles, Les Causes célèbres; les Académies de Paris et des Provinces; la Notice des Edits, Arrêts; les Avis particuliers, etc. etc, chez Panckoucke, Hôtel de Thou, rue des Poitevins.

735.

“(…) la rédaction de tout ce qui regarde la philosophie, les sciences et les arts, est confiée à M Suard , de l’Académie Française, dont l’esprit et le goût sont fort connus.’, Mercure de France, juin 1778, “Avertissement”.

736.

Charles-Joseph Panckoucke et la Librairie française, 1736-1798; Lorsque les rédacteurs annoncent, le 24 juin 1786, l’insertion d’un supplément des prospectus au Mercure de France, ils avancent un calcul rapide de ce que pourrait être le nombre de lecteurs du périodique: “il n’est pas un Mercure qui ne soit lu par dix personnes, on sera assuré que quatre-vingt à cent mille personnes en predront connaissance toutes les semaines”. Il en résulte, selon les rédacteurs, que le Mercure aurait en 1785 au moins 8000 abonnés.

737.

Comme le Mercure rend compte des gravures qu’elles sont publiées, nous ne ferons point mention de celles qui ont été exposées au Salon”, Mercure de France, octobre 1777, “Arts, Exposition au Salon du Louvre, des peintures, sculptures et autres ouvrages de MM de l’Académie Royale”.

738.

Ibidem, mai 1777, “Nouvelles littéraires”.

739.

Ibidem, 15 janvier 1779, “Nouvelles littéraires”.

740.

Ibidem, 5 avril 1779, “Nouvelles littéraires”.

741.

Ibidem, 11 septembre 1779, “Nouvelles littéraires”.

742.

Ibidem, 11 janvier, 18 janvier 1783, “Nouvelles littéraires”.

743.

Ibidem, 20 novembre 1779, “Variétés”.

744.

Ibidem, 28 avril 1781, “Variété, Lettre de M Greuze aux Auteurs du Mercure”.

745.

Ibidem, 6 octobre 1781, “Variétés, Expositions des ouvrages de peinture, sculpture et gravure au Salon du Louvre”, année 1781.

746.

Ibidem, 15 janvier 1779, “Extraits des Registres de l’Académie Royale d’Architecture; Extrait des Registres de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture”.

747.

Ibidem, mars 1777, “Ecole gratuire de dessin”.

748.

Ibidem, 15 juin 1779, “Sciences et Arts, Peinture” (réception de Suvée, peintre d’histoire, comme agréé)

749.

Ibidem, avril 1777, “Arts, Cours d’architecture”.

750.

Ibidem, 13 novembre 1777, “Pièces fugitives, Vers à M Vanloo sur le couronnement de son Tableau Allégorique de la France, par M Guérin, avocat”; 2 février 1782, “Pièces fugitives, Vers adressés à Mme Angelica Kaufmann, célèbre peintre, lors de son passage à Thionville, en retournant d’Angleterre en Italie”.

751.

Ibidem, janvier 1777, “Anecdote” (sur Alexis Grimou, peintre français); février 1777, “Anecdote”(sur Pierre de Cortone); mai 1777, “Anecdote”(sur Floris, peintre flamand); juin 1777, “Anecdotes” (sur Vandyck); septembre 1777, “Anecdote” (sur Zeuxis, peintre grec).

752.

Ibidem, 23 septembre 1780, “Sciences et Arts, Découvertes, Moyen de conserver sans altération les Tableaux peints à l’huile”.

753.

Ibidem, 12 août 1780, “Sciences et Arts, Découverte d’un procédé de Gravure en lavis, par M Le Prince, Peintre du Roi et Conseiller de son Académie de son Académie Royale de Peinture et de Sculpture, Prospectus”.

754.

Ibidem, septembre 1777, “Arts”.

755.

Ibidem, décembre 1777, “Arts”.

756.

Ibidem, 27 mai 1780, “Variété”.

757.

Ibidem, 3 juillet 1784, “Variétés, Lettre aux Rédacteurs du Mercure”.