La correspondance artistique

Si le Journal de Paris, nous l’avons vu, se donne comme “‘ correspondance familière et journalière des Citoyens d’une même ville ’”‘ , ’peut-on parler également d’une correspondance artistique ? Il suffit de jeter un regard rapide sur le tableau des notices concernant les arts visuels publiées dans le quotidien, pour observer qu’une grande quantité de l’information artistique est transmise sous forme de “Lettres aux Auteurs du Journal”. Toutefois, à la différence de la musique, dont la querelle entre piccinistes et gluckistes offre au quotidien un grand thème de débat, centre d’une longue et intense correspondance, les arts visuels, réunis sous la coupole académique, ne donnent lieu à aucune querelle en particulier, mais à des débats épars et variés, sous forme d’échanges épistolaires, ayant toutefois une durée assez limitée.

En 1777, le Journal publie plusieurs lettres autour du thème de la “liberté des arts”, vue comme conséquence directe de la suspension en 1776 de l’Académie de Saint-Luc, grâce aux soins du directeur des Bâtiments, le comte d’Angiviller. Aux interventions signées par le nouvel correspondant des arts du Journal, Antoine Renou, dressant le tableau des arts visuels en France, suite à cet acte de “libération”, s’ajoutent une lettre intitulée‘ A Mrs les Auteurs du Journal de Paris par un Artiste de l’ancienne Académie de Saint-Luc 934 ’et la réponse d’un‘ Maître de la communauté des peintres 935. ’En absence du Salon de peinture936, ’en 1778, le‘ Journal ’publie un débat autour de la restauration du plafond de la chapelle de la Vierge, peint par Le Moyne, réalisée par le peintre d’histoire Antoine-François Callet. Les dix lettres opposent un anonyme persuadé du mérite de la restauration de Callet à un comte de B*** indigné du travail de ce dernier et déterminé à défendre la mémoire de Le Moyne.

En 1779, le thème qui occupe l’attention des lecteurs dans trois numéros du Journal concerne la distinction entre l’ouvrier et l’artiste, et par conséquent, entre arts mécaniques et arts libéraux, mise en lumière par le correspondant Antoine Renou. En 1780, toujours à l’époque correspondant à l’ouverture du Salon, le marchand bonnetier Bonnare et ses quatre fils artistes, (peintre, graveur, sculpteur et architecte), probablement autres masques de Renou937, ’entretiennent les lecteurs, durant sept lettres, avec leurs querelles passionnées autour des tableaux de Notre-Dame et de leur décrochage, lors du blanchiment des murs de la cathédrale.

Le reste des lettres sur les arts visuels s’organisent dans des échanges brefs, sur des thèmes variés, ou encore dans des interventions uniques. Quoi qu’il en soit, quelques indices montrent que les lettres qui animent la rubrique “Arts” du quotidien dialoguent les unes avec les autres. Un système de notes et de renvois réunit toutes les interventions de nature épistolaire du Journal dans un grand réseau où circulent les informations artistiques de toutes sortes. Une partie des notes que le‘ Journal de Paris ’insère à l’intérieur des lettres de lecteurs ont un caractère auto-référentiel et fonctionnent comme des fenêtres que le périodique ouvre‘ ’entre les différentes contributions. En 1778, lorsqu’un correspondant anonyme parle de l’esquisse d’un plafond de chapelle à Saint-Sulpice, peinte par Le Moyne, et qu’il signale qu’elle avait appartenu à la collection de Randon de Boisset, les rédacteurs insèrent une note renvoyant à un de ses comptes rendus de cette vente de 1777938. ’En reproduisant le dialogue avec ses frères artistes, le fils architecte de Bonnare fait des renvois répétés aux numéros du Journal dans lesquels avaient été publiés les lettres de son père939.

Souvent, ce sont les collaborateurs mêmes du quotidien qui renvoient, dans leurs interventions, à des numéros précédents, soit pour rafraîchir la mémoire des lecteurs à propos de la lettre à laquelle ils entendent répondre, que pour marquer leur appartenance à la grande communauté des correspondants du Journal. ’“‘ Je viens de lire, avec surprise, dans votre Feuille de mercredi 16 de ce mois, une lettre de Monsieur mon père le Bonnetier sur le blanchiment de Notre-Dame (…)940”‘ , ’explique le fils Architecte du Bonnettier‘ . ’“‘ J’ai lu dans votre Journal du 6 de ce mois, une lettre relative au Physionotrace ’”941, souligne Gonord, prétendu possesseur de la machine annoncée par le quotidien. “L’Observateur de Province” cite dans sa lettre un autre collaborateur du Journal, devenu déjà familier aux lecteurs :‘ ’“‘ Je ne suis point tranchant comme M le Comte de B** ’”942 ’Quant à “Gilles Croustillet, Maître peintre”, il introduit son propos, s’accrochant d’emblée à quelques lettres du Journal :

‘En déjeunant ces jours-ci dans un Café, j’ai demandé le Journal de Paris et tous les numéros de ce mois, pour me remettre au courant. J’y ai lu votre lettre du 3, une autre d’un Observateur bénévole du 9 et enfin celle de M Manet, trésorier de France, en date du 14. J’avais d’abord envie de ne répondre qu’à vous, mon cher Confrère ; mais comme ces lettres traitent du même objet, le Salon du Colisée, je vous enverrai la balle à tous l’un après l’autre, et je commencerai par vous943.’

Il arrive aussi assez régulièrement que certains collaborateurs mélangent dans leurs interventions des paragraphes entiers de lettres précédentes du quotidien, distingués par des caractères italiques, d’où l’impression que les lettres du Journal se croisent et se fondent pour prendre la forme du dialogue. Telle est l’intervention d’un anonyme qui suspecte Cochin de se servir de l’éloge posthume à Mlle Lusurier, pour attaquer le jeune peintre Drouais944 ’et qui, pour mieux appuyer ses dires, cite des passages de la lettre incriminée. Quant au père Bonnare, auteur des lettres sur les tableaux de Notre-Dame, il reproduit d’une lettre à l’autre des morceaux des discours de ses fils artistes945.

Il est important de noter en même temps, que la correspondance artistique du Journal de Paris est, outre que‘ ’“‘ familière ’”‘ , ’une correspondance littéraire, dans le sens où l’on se sert des conventions littéraires pour revêtir les réflexions sur les arts visuels.‘ ’Les idées et les représentations sur les arts à la fin de l’Ancien Régime, recueillies par le quotidien, sont ainsi moulées dans des épîtres où l’information artistique côtoie le récit à la première personne, souvent imbu de digressions et assaisonné de détails familiers, sérieux ou badins. Avant d’introduire un bref compte rendu d’un Almanach pittoresque des monuments la ville de Paris, ’“L’Observateur provicial” se lance dans un récit pittoresque de sa vie contenant des détails sur sa chevelure d’Adonis, son éducation, son mariage avec une Vénus de province, ses joies domestiques et, finalement, son initiation tardive aux lettres et aux arts, culminant avec un voyage à Paris :

‘En peu de temps, je m’initiai dans les Lettres et les Arts ; enfin je suis parvenu à faire dans mes loisirs, sans aucune prétention, des vers, de la musique, et même de petits tableaux dont j’ornai ma maison, bâtie sur mes dessins. Ce goût m’a guéri de la passion de la chasse, de la table et du jeu. Je vous avouerai pourtant que, depuis ma réforme, je passe dans ma Province pour un original ; mais qu’importe j’ai doublé mon existence et mes plaisirs, et le bonheur ne me coûte pas cher quand on l’achète aux dépens d’un petit ridicule. C’est donc pour acquérir de nouvelles lumières que je suis venu passer quelque temps dans cette Capitale946 .

Le “Rêveur”, dont le Journal publie trois lettres en 1780, commence sa deuxième intervention par une digression concernant son style : “‘ Je vous avertis que je n’ai que le style d’un bonhomme. J’écris tout uniment comme je pense ’”947 ’Une abonnée‘ ’“‘ très exacte ’”‘ ’à lire le Journal part d’une conversation entre amis pour parler du sujet d’un tableau appartenant à la galerie du duc d’Orléans :

‘J’étais hier dans une maison où l’amitié rassemblait une douzaine de personnes. La conversation tomba sur la peinture. On cita plusieurs morceaux de la superbe galerie de Mgr le Duc d’Orléans. On n’oublia pas le tableau qui représente Alexandre buvant la médecine que Philippe vient de lui apporter, tandis que celui-ci lit la lettre qu’Alexandre lui a remise, et par laquelle on mandait au Roi de Macédoine que son Médecin devait l’empoisonner dans la médecine même qu’il boit948 .

Plus loin, un lecteur anonyme du Journal répond à la lettre de la dame, justifiant ainsi son intervention : “‘ La galanterie Française, le goût des Beaux-Arts, l’esprit philosophique du temps, auraient-ils pu permettre de garder le silence ? ’”949

Pour répondre au poète Roucher, à propos de l’enthousiasme avec lequel les artistes représentent les grands hommes de la nation, “Le Planteur de Choux” s’attarde un moment sur l’état de sa santé :

‘Je suis à la campagne, où vous m’envoyez votre Journal, que je lis exactement ; cependant alité depuis quelques jours par la carmélite ou l’influence, ce rhume qui, dit-on, fait le tour du globe, je n’avais point lu la lettre que vous a écrite M Roucher, insérée dans votre feuille du 3 de ce mois950.’

Avant de faire la description critique d’une gravure de Martini, représentant le Salon de 1787, un lecteur anonyme fait part au lecteur de sa préférence pour la solitude de la campagne à l’agitation de l’exposition :

‘J’ai beaucoup aimé les Arts et je les aime encore ; mais je touche à cet âge où les plus superbes tableaux du Guaspre et du Lorrain ne sauraient dédommager du spectacle d’une belle campagne, et où le simple récit des malheurs d’une famille villageoise vous attendrit bien autrement que les tragiques aventures des races de Priam et d’Agamemnon. C’est vous dire en deux mots pourquoi j’ai mieux aimé aller rêver pendant deux mois dans le parc de Choisy et me perdre dans les solitudes de Thiais et de Grignon, que de voir la dernière exposition du Louvre951.’

“Bonnare, père, marchand bonnetier”, qui met en scène des discussions passionnées entre ses quatre fils artistes, s’étend, dès la première lettre, sur l’éducation et le caractère de chacun d’entre eux et décrit l’atmosphère qui règne dans son foyer :

‘Je suis Marchand Bonnetier, établi dans le quartier de la Cité. J’ai eu neuf enfants de ma femme, cinq filles et quatre garçons : les filles sont mortes et les garçons se font vivre ; ils sont à un an près l’un de l’autre et grands comme père et mère. Dans leur enfance, quand j’ouvrais ma Bible ornée de figures, ils se fourraient dans mes jambes, ou montaient sur mes épaules derrière mon fauteuil pour voir les images. Il fallait, par complaisance, feuilleter tout le livre avant que d’en lire un mot. (…) Comme j’ai toujours eu pour principe de ne point gêner l’inclination de mes enfants, je leur ai mis le crayons à la main, et je les ai envoyés à l’Ecole gratuite de dessin. Après en avoir tâté pedant quelque temps, ils m’ont signifié qu’ils voulaient être d’art, et point de métier ni de marchandise. Bref, le premier est Peintre, le second Graveur, le troisième Architecte, et le dernier Sculpteur. (…)Quand notre boutique est fermée, et que le soir ils sont à souper avec nous, c’est un plaisir de les entendre se chamailler sur toutes les nouveautés. (…)952.’

Défenseur d’un style gothique dépouillé de toute contamination, le frère Architecte plaide pour le débarrassement de Notre-Dame de tout élément qui n’appartient pas au projet d’origine. Convaincu de la fonction esthétique et morale des tableaux accrochés dans la nef de la cathédrale, le peintre accuse son frère architecte que “‘ la Gothimanie a brouillé sa cervelle ’”‘ . ’Pour illustrer cette confrontation d’opinions, l’auteur des lettres a recours à des moyens littéraires, telle la description pathétique des effets de cette dispute enflammée, qui rappelle parfaitement bien une scène de genre :

‘J’ai laissé hier mon Architecte, croyant dans son enthousiasme, parler au Chapitre de Notre-Dame, avec l’empressement d’un Acteur de théâtre. En effet, là mon Architecte essoufflé perdit la voix : une toux horrible le prit, et il se leva de la table et se retira dans sa chambre voisine, où sa mère et les deux frères le Sculpteur et le Graveur, à force de frapper sur les épaules et de lui faire avaler des gorgées d’eau, parvinrent enfin à apaiser la convulsion, qui fut longue et violente953 .

Le père qui parle de ses fils artistes semble un modèle littéraire agréé par les journalistes, puisque en 1782, après “Le père Bonnare”, prend la parole un certain “Guenillet, Marchand Fripier”, lui aussi père de quatre fils, dont un dessinateur et un maître maçon à l’Ecole gratuite de dessin. L’auteur de la lettre critique l’austérité decevante de la cérémonie d’attribution des médailles aux jeunes peintres de l’Académie, à travers le récit d’un père de famille asssistant à la remise du prix de son fils. Il ne manque certainement pas le préambule contenant des louanges au Journal et une description du cadre familial de “Guenillet” :

‘Je dîne tous les dimanches chez un Procureur, qui est de mes Parents et j’y lis vos feuilles de chaque semaine : il y a bien des articles qui je passe, parce que je ne les entend pas. Il y en a d’autres qui me plaisent parce qu’ils sont drôles ; il y en a beaucoup qui me font pleurer de joie que vous prêchez toujours de la bienfaisance et que vous trouvez souvent des Bienfaiteurs. Mon compère et mon ami Bonar, le Bonnetier, n’a pas craint de vous écrire il y a quelques années, quoiqu’il ne fût pas plus homme de lettres que moi ; mais il était père de famille, il vous a parlé de ses enfants ; j’ai à vous parler des miens, voilà mon titre ; ce brave homme est cause que l’on a remis nos beaux Tableaux de Notre-Dame à leur ancienne place : peut-être ce que j’ai à vous dire, produira-t-il un bon effet dans un autre genre et alors je me féliciterai d’avoir pris la liberté de vous écrire. Je suis, Messieurs, un honnête Marchand Fripier, père de quatre enfants ; très peu aisé, mais heureux puisque les quatre fils tournent tous à bien. Il est vrai qu’aucun d’eux n’a voulu s’attacher à la boutique de son père ; cela me fâche un peu : peut-être est-ce ma faute954.’

Les notices sur les arts sont, à la fois, des exercices de style entrepris par les collaborateurs masqués ou sans masque, réels ou inventés, de la feuille quotidienne. Celle-ci habitue ses lecteurs à ce que les nouvelles soient présentées sous une forme élégante, agréable et facile à consommer et dont la légèreté est souvent recherchée. Toutefois, cette forme-là nous semble être plus qu’une enveloppe agréable, censée contenir et faire passer les‘ ’informations artistiques à un public en pleine expansion. Tout en se donnant pour un outil de diffusion des productions artistiques, le Journal semble tenter aussi, à travers sa correspondance, de créer du lien social. Parler des arts est souvent, pour les auteurs des lettres, un moyen d’exercer et d’aiguiser leur esprit critique, et par conséquent, celui du lectorat du quotidien. L’utilité commune visée par les journalistes, nous semble accompagnée par un plaisir constant de partager des idées et des opinions de toutes sortes, par le biais de l’échange épistolaire.

Le Journal de Paris affirme sans cesse son rapport privilégié avec les arts visuels, en en faisant parler ses collaborateurs. Les “Lettres aux Auteurs du Journal” ayant trait aux arts commencent souvent par une phrase rituelle du type ‘ : ’“‘ L’un des plus précieux avantages de votre journal, et qui le rend cher aux Savants et aux Artistes est de pouvoir être dépositaire des vues utiles au progrès des Arts et des Sciences ’”955.‘ ’Les journalistes de Paris sont souvent loués pour‘ ’“‘ leur amour pour les arts ’”‘ , ’dont ils se montrent en toute occasion‘ ’“‘ les défenseurs éclairés ’”956 ’On loue leur capacité de saisir au vol toutes les nouveautés concernant les arts, ainsi que leurs compétences critiques:‘ ’“‘ L’on vous voit sans cesse, pour ainsi dire, à l’affût de toutes les productions relatives aux Arts ’”957,‘ ’remarque un correspondant, tandis qu’un autre souligne : “‘ (…) vous paraissez vous occuper dans votre Journal de toutes les nouvelles productions des arts, et (…) cette partie, de l’avis de tout le monde, est traitée avec goût et connaissance ’”958.

Un lecteur commence sa lettre par observer‘  : ’“‘ C’est vous servir selon votre goût de vous faire part des découvertes qui intéressent les beaux-arts et ceux qui les cultivent. Votre plaisir est de les annoncer au public (…) ’”959 ’D’autres notent que‘ : ’“‘ Tout ce qui tend à honorer les Arts et les Artistes est sûr de votre approbation ’”960 ’et que‘ ’“‘ Tout ce qui tient des Arts a droit à votre Journal ’”961.‘ ’Les phrases de ce type deviennent une convention dont se sert le quotidien pour introduire de façon élégante les interventions des lecteurs sur les arts visuels.

Le‘ Journal ’construit, à travers ses lettres, son image de promoteur des arts et des jeunes artistes, oeuvrant en même temps pour la gloire de la nation et pour assurer la transmission de la mémoire des arts contemporains à la postérité. Ainsi, un collaborateur assure, au début de son intervention, que sa lettre s’adresse à “‘ tous ceux qui, comme vous, Messieurs, s’intéressent véritablement à l’honneur des Arts, au succès des jeunes Artistes, à la gloire de la Nation (…) ’”962 ’Un autre achève sa lettre en ces termes‘  : ’“‘ (…) comme vous semblez vous faire un devoir de rendre hommage aux vrais talents, et que cette anecdote ne peut que faire plaisir à ceux qui comme moi s’intéressent aux ’ ‘ progrès de l’Art et à l’ancouragement des jeunes Artistes, j’espère que vous voudrez bien insérer ma lettre dans votre Journal ’”963.

En partant d’exemples concrets tirés de la correspondance des lecteurs avec le Journal, nous allons essayer d’identifier, dans ce qui suit, les différentes fonctions que remplit le périodique quotidien dans la diffusion de l’information artistique. Signalons en premier lieu une fonction commerciale, qui consiste à fournir régulièrement aux amateurs le prix des estampes nouvelles et d’autres informations indispensables qui y sont étroitement liés : le format, le procédé employé, la couleur, le tirage, la célébrité de l’artiste. La publication de ce genre d’annonces dans la presse (le Journal de Paris, le Journal de la librairie, le Mercure de France) est fondamentale pour le marché de l’estampe, dans la mesure où elle permet la fixation des prix. Les marchands qui achètent les estampes aux éditeurs ne peuvent pas en majorer le prix sans courir le risque de ne pas vendre964. C’est toujours à cette fonction commerciale que sont liées les notices et les lettres du Journal qui annoncent des souscriptions de séries d’estampes ou d’estampes séparées, qui rendent compte des différentes livraisons et qui tiennent les abonnés au courant des changements et des retards éventuels qui les concernent. Certaines notices marquent le commencement d’une nouvelle entreprise, comme il arrive à l’occasion de la distribution de la première livraison de la Description générale et particulière de la France, d’après les dessins de Cochin :

‘Les Editeurs avaient promis dans le Prospectus, de donner au Public une collection de Tableaux de grands Maîtres qui embellissent la Capitale et les provinces, gravés d’après les dessins de M Cochin. Ils commencent à remplir leurs engagements, et ils se flattent de satisfaire un grand nombre d’Amateurs qui ont paru désirer que les livraisons de cette partie se suivent alternativement avec celles des Vues pittoresques, des Monuments, etc et les missent à portée de jouir promptement des différentes parties de leur entreprise965.’

D’autres notices tiennent les souscripteurs au courant de l’avancement du travail des éditeurs et des artistes, ainsi que des obstacles rencontrés. Les journalistes de Paris annoncent, par exemple, à propos des Figures de Télémaque par Tilliard :

‘M Tilliard, Graveur, nous ayant prié d’annoncer ce 7e et 8e cahiers, faisant suite à ceux dont nous avons parlé dans une de nos feuilles du mois de juin 1778, nous nous sommes d’autant plus volontiers à satisfaire proprement ses désirs, que le laps de temps écoulé entre cette livraison et les autres étant considérable, a pu faire croire que cet ouvrage avait été abandonné.
Des obstacles auxquels il ne devait point s’attendre, en avaient suspendu l’exécution ; (…)966.’

Les notes signalant des retards dans les diverses entreprises suivies par le quotidien sont assez fréquentes. En 1782, Gaucher écrit au Journal, en justifiant le retard de son travail par le soin particulier qu’il lui accorde :

‘Permettez-moi d’instruire, par la voie de votre Journal, les personnes qui ont souscrit pour l’Estampe du Couronnement de Voltaire, que le retard qu’éprouve cette gravure n’est occasionné que par le désir d’y apporter tous les soins, et s’y répandre l’expression et l’harmonie dont ce sujet peut être susceptible967.’

Les éditeurs de l’Histoire universelle des Théâtres avertissent, de leur côté, les souscripteurs dans une lettre au Journal, que le dessin du grand Cirque de Rome comporte des détails “‘ qui ont mis le Graveur dans l’impossibilité de le terminer pour le 10 ’”968.‘ ’En 1784, Moreau le Jeune explique que le retard de sa première édition des Œuvres de Voltaire est dû à des facteurs météorologiques :‘ ’“‘ je vous prie d’assurer les Souscripteurs que cette livaison aurait été faite dans son temps, si la rigueur de la saison eût permis aux différents Artistes de se livrer avec la même activité à leurs différents tableaux ’”969.

Le‘ Journal ’se charge aussi d’apprendre aux souscripteurs les changements qui surviennent durant les entreprises. En 1779, le graveur David se propose de faire un nouveau tirage d’une gravure intitulée‘ Adam et Eve dans le Paradis terrestre :

‘Le nombre d’Epreuves n’étant pas suffisant pour satisfaire l’empressement du Public, et l’altération où se trouve la planche ne permettant plus d’en tirer d’autres, l’Auteur s’est determiné à la graver de nouveau du même format. 970.’

Une notice du 20 avril 1785 annonce que, étant donné le prix élevé de la première édition des Costumes des Anciens peuples, à l’usage des Artistes par Dandré Bardon, “‘ au-dessus des facultés du plus grand nombre des Elèves-Artistes, à qui elle est essentiellement utile ’”‘ , ’Charles-Nicolas Cochin s’est associé à l’éditeur Alexandre Jombert “‘ pour trouver les moyens de donner une nouvelle Edition à un prix modéré ’”971 ’Quant au dessinateur Moreau le jeune, il écrit au‘ Journal ’en mars 1784, pour reconfirmer son acquisition de l’entreprise de feu Le Bas,‘ Gravures de l’Histoire de France ’des héritiers de celui-ci, et pour reconstituer, grâce à l’aide du périodique, la liste des noms des souscripteurs qui lui étaient encore inconnus :

‘(…) Il est cependant bien intéressant que je sache le nom et le nombre des Souscripteurs, soit pour pouvoir les inscrire sur la liste imprimée que je vais faire paraître incessamment, soit pour tirer avec soin le nombre d’exemplaires proportionné à celui des Souscripteurs, nombre que je ne puis arrêter définitivement que d’après ma liste imprimée972.’

Si le Journal est un moyen facile et rapide pour les éditeurs et les artistes graveurs de s’adresser à leurs souscripteurs réels ou potentiels, connus ou inconnus, il offre aussi la possibilité d’exprimer leur satisfaction de l’avancement ou de l’accomplissement de leur propre travail. Tel est le cas des auteurs de la Description générale de la France, qui s’autogratifient à la dixième livraison de leur entreprise, tout en renouvelant leur engagement auprès des souscripteurs :

‘Les auteurs de cet ouvrage immense se félicitent d’être arrivés à la 10e livraison, sans rien exiger d’avance de leurs Souscripteurs et de pouvoir leur présenter en même temps la seconde partie du volume, contenant la description historique. Ils espèrent mettre encore plus de rapidité dans leurs livraisons, par le nombre de Souscripteurs qui s’accroît tous les jours, et par les encouragements qu’ils reçoivent du patriotisme et de l’émulation973.’

Le quotidien se donne également pour tâche de corriger les erreurs concernant les estampes nouvelles, glissées dans les autres périodiques. En parlant de l’estampe représentant le Couronnement de Voltaire gravée par Gaucher, d’après le dessin de Moreau le Jeune, les rédacteurs rappellent : “‘ C’est par erreur que l’on a annoncé, dans quelques papiers publics, qu’elle ne paraîtrait que vers la fin de Février prochain ’”974 ’En 1783, Massard graveur, prend la parole lui-même pour désavouer “‘ un article inséré dans quelques Papiers publics, par lequel on assure que j’ai renoncé à l’Estampe de Charles Ier et de sa Famille ’”,‘ ’pour certifier devant le public que l’ébauche de sa planche est déjà faite et qu’il s’adonne sans relâche à son travail975.

En dehors des informations pratiques telles le prix, le format ou les conditions de vente, les notices sur les gravures nouvelles contiennent souvent des considérations critiques, censées orienter les éventuels acheteurs quant à la qualité des produits. Une lettre par Moreau le Jeune datée du 24 janvier 1783, annonçant la mise au jour du portrait de John Paul Jones, “‘ un homme aussi aimable en paix que redoutable en guerre ’”‘ , ’est tout de suite suivie par une note des rédacteurs du Journal, ’contenant quelques observations critiques‘  : ’“‘ Cette Gravure nous a paru porter beaucoup de ton, et exécutée avec une touche ferme et spirituelle. L’air de vérité qui règne dans la physionomie, annonce une parfaite ressemblance ’”976.

En parlant des gravures annoncées, les journalistes relèvent souvent l’exécution “soignée”, marquée par la “justesse”, la “précision”, la “finesse” ou le “goût”, le sujet “agréable”, la composition “harmonieuse”, “pleine d’‘esprit” et de “propreté”, le dessin “correct”, pour conclure que l’estampe‘ ’“‘ fait honneur ’”977 ’à la réputation de l’artiste‘ . ’Le Journal devient un intermédiaire indispensable entre les éditeurs et les artistes graveurs et leur clientèle, dans la commercialisation des estampes. La fonction commerciale du quotidien réunit une dimension informative et pratique à une autre dimension critique. Il ne manque pas d’illustrer lui-même l’importance de son rôle de guide dans l’acquisition de gravures nouvelles, en publiant en 1782 la lettre d’un lecteur inquiet du silence des rédacteurs à propos de la série d’estampes destinées à décorer les Œuvres de Voltaire à laquelle il avait souscrit :

‘A toutes les annonces des nouvelles estampes vous faites pressentir par un mot, ce que vous en pensez. Vous dites de l’une, qu’elle porte du ton ; de l’autre qu’elle a une harmonie douce ; de celle-ci que le travail du burin est varié ; de celle-là que l’Artiste a bien saisi l’esprit original du peintre ; enfin vous ne manquez pas l’occasion de donner votre grain de sel ou d’encens. Pourquoi donc, s’il vous plait, Messieurs, avez-vous, dans votre feuille du 17 septembre dernier, annoncé si sèchement la 1ere livraison in-8° des Estampes destinées à décorer la nouvelle édition de Voltaire par Moreau le Jeune ? Je suis un des souscripteurs, et je vous avoue, que, refroidi de votre silence absolu, j’avais différé jusqu’à ce jour d’envoyer retirer ma livraison. Je ne pouvais cependant pas arranger votre humeur taciturne avec la réputation de l’Auteur. J’ai pris le parti de juger par moi-même et j’ai été agréablement dédommagé de l’inquiétude que vous m’aviez donnée en examinant des Estampes, qui, à l’harmonie la plus agréable, à l’effet le plus piquant, et à la touche la plus spirituelle, réunissent les compositions les plus ingénieuses et les plus variées. Alors je me suis dit à moi-même, ou Messieurs du journal ne les ont pas vues avec les mêmes yeux que moi, ou ils les ont oubliées (…)978.’

Non seulement l’opinion du quotidien devient-elle déterminante dans la vente d’estampes, mais le lecteur qui se plaint d’avoir été abandonné par les rédacteurs et qui se décide à juger par lui-même, finit par employer le langage même des journalistes, ce qui renvoie à une fonction pédagogique du Journal. En effet, ceux-ci lui répondent dans une note, en confirmant aussi leur attachement à ses remarques critiques :

‘Ce problème est aisé à résoudre, nous avons vu cette livraison des mêmes yeux que l’Amateur qui nous écrit ; nous ne l’avons point oublié, mais comme nous l’avions dit dans notre feuille du 14 avril dernier, ce que nous pensions d’un pareil ouvrage lors de la livraison de l’in-4° et que celles du format in-8° sont des répétitions faites sous la conduite de l’Auteur, nous avons cru être dispensés de l’éloge que nous en avons fait dans le temps (…)979.’

Le Journal de Paris affirme constamment son engagement de promouvoir le “‘ progrès des arts ’”‘ ’et d’encourager les artistes nationaux, ce qui correspond à une fonction propagandistique. La collaboration d’Antoine Renou avec la feuille quotidienne commence par une série de cinq lettres, dont le but est de résumer l’état des arts en France. Dans la première, Renou observe d’emblée le grand nombre d’artistes que possède la nation : “‘ (…) je pense que la France possède actuellement plus de peintres, de sculpteurs et d’architectes qu’aucune contrée d’Europe ’”980. ’Les premiers à être loués, encouragés, voire critiqués (d’une critique qui se veut pour autant constructive et utile), collectivement ou individuellement, sont les artistes de l’Académie. Les premières lettres d’Antoine Renou exaltent leur liberté, obtenue suite à la supression en 1776 de l’Académie de Saint-Luc, institution supposée rivale de l’Académie Royale et‘ ’coupable de maintenir les arts dans un état de servitude981. ’En 1784, un amateur rempli de‘ ’“‘ zèle patriotique ’”‘ , ’déplore la‘ ’“‘ manière bien sèche ’”‘ ’dont le‘ Journal ’a annoncé les prix remportés par les élèves de l’Académie et se propose d’y suppléer en relevant l’enthousiasme qui a marqué cette cérémonie, ainsi que‘ ’“‘ l’esprit de justice, l’impartialité et l’amour de la gloire dans les jeunes artistes ’”‘ . ’La lettre énumère les jeunes talents ayant remportés des prix, souligne les “‘ efforts de croissance ’”‘ ’que suppose le métier d’artiste, montre l’importance du secours des amateurs prêté à ceux d’entre eux qui manquent de fortune et s’achève sur une exhortation enflammée adressée aux compatriotes, d’encourager les artistes et les arts :

‘François, quittez la triste manie de déprimer dans leur nouveauté toutes les productions des Arts ; Grands, et vous hommes riches, mettez en œuvre les Artistes, donnez-leur de grands travaux, et vous verrez naître de grands hommes. (…) alors nous verrons sous le règne de Louis XVI, revivre le beau siècle de Louis XV982.’

Le quotidien de Paris s’engage, d’une part, pour citer un de ses correspondants, d’annoncer à ses abonnés “‘ les pertes et les acquisitions que faisait successivement la Nation en artistes estimés ’”983 ’et d’autre part, de stimuler le‘ ’“‘ progrès des arts ’”‘ ’et d’encourager les talents naissants. Quand on parle d’ “‘ acquisitions ’”‘ , ’on fait référence principalement aux extraits des registres de l’Académie, annonçant les réceptions d’agréés et d’académiciens ou sein de la corporation. De leur côté, les nécrologies d’artistes publiées par le Journal ont, au-delà de leur rôle d’assurer la mémoire des artistes décédés, la fonction implicite de rendre le public familier avec les noms les plus célèbres de l’art français contemporain. Antoine Renou, qui écrit régulièrement pour la partie artistique de cette rubrique, explique qu’il conçoit les notices nécrologiques de ses confrères comme des “‘ portraits ressemblants ’”‘ , ’qui mêlent naturellement leurs qualités et leurs défauts, et qui s’intéressent à la fois à leur talent et à leur travail, comme à leurs vertus domestiques et à leur vie sociale. En rédigeant son Essai d’un tableau historique des peintres de l’Ecole Française, depuis Jean Cousin, en 1500, jusqu’en 1783 inclusivement, Pahin de la Blancherie souligne l’utilité des notices nécrologiques du Journal de Paris : “‘ Nous devons beaucoup à l’intéressante collection du Journal de Paris quant aux notices sur les Peintres modernes morts ’”984.

Chardin est peint comme un “‘ Maître et guide sûr ’”‘ , ’sévère avec soi-même dans son travail, au bout duquel “‘ il ne voyait que la gloire ’”, mais aussi comme un‘ ’“‘ honnête homme ’”‘ , ’doué d’une‘ ’“‘ probité austère ’”‘ ’et d’un‘ ’“‘ cœur très sensible ’”985 ’On loue l’“‘ intrépidité ’”‘ ’et‘ ’“‘ le dévouement pour son Art ’”‘ ’et la probité du graveur Pierre-Etienne Moitte, pour critiquer en revanche sa négligeance d’“‘ alimenter son génie au sein de la nature ’”‘ , ’sa franchise qui‘ ’“‘ heurte et offense ’”‘ ’et son amour propre qui éloignait ses amis986. ’On relève dans Noël Hallé son respect pour la vraisemblance, son jugement sain et son‘ ’“‘ pinceau chaste et pur comme son cœur ’”‘ , ’tout aussi bien que la froideur de son comportement, contrebalancé toutefois par ses vertus de père et d’époux987. ’Si l’art de Jacques-Philippe Beauvais, pensionnaire du Roi et sculpteur, se remarque par‘ ’“‘ facilité ’”‘ , ’“‘ grâce ’” et par une‘ ’“‘ manière large ’”, il fait preuve d’une‘ ’“‘ modestie et timidité excessive ’”‘ , ’qui lui font détruire son ouvrage destiné à être présenté à l’Académie988. ’Jean-Jacques Flipart, graveur, réunit à son “‘ amour de l’art ’” et à son‘ ’“‘ travail opiniâtre ’”‘ ’des qualités morales comme le désintéressement, la modestie, la “‘ probité à toute épreuve ’”‘ , ’ainsi que son respect de la Religion, “‘ base de toutes ses vertus ’”989 ’Le graveur Le Bas est décrit à la fois comme un artiste d’une “‘ étonnante facilité ’”‘ , ’doué d’un‘ ’“‘ goût particulier reçu du génie ’” et comme une‘ ’“‘ âme sensible et bienfaisante ’”990 ’Quant à Pigalle, on lui assigne “‘ plus de talent que d’esprit ’”‘ ’et‘ ’“‘ plus de justesse que d’étendue ’” et on lui reproche d’avoir‘ ’“‘ perdu le beau idéal ’”991 ’Le lecteur du‘ Journal de Paris ’habitué à‘ ’parcourir cette galerie de portraits posthumes y trouve également des informations sur la formation des artistes, sur leur rapport avec le monde académique et les mécènes, ainsi que des réflexions sur le talent, la gloire et sur la complémentarité entre génie et travail.

Tout en servant de vitrine pour les artistes consacrés de l’Académie, le quotidien de Paris se présente comme promoteur et défenseur des jeunes talents et les comptes rendus des expositions de la Jeunesse illustrent parfaitement cette fonction propagandistique. Organisée chaque année le matin de la Fête-Dieu, ou une semaine après, si le temps ne le permettait pas, l’exposition de la place Dauphine est la plus ancienne et la plus régulière manifestation publique dédiée à l’art contemporain, ou, comme le remarquait un correspondant du Journal, elle est l’ancêtre du Salon992 :

‘L’exposition de tableaux qui se faisait tous les ans le jour de l’Octave de la Fête Dieu, place Dauphine, n’a pas été très considérable cette année. Cette exposition est, comme on sait l’origine du Salon. Les plus grands Maîtres y faisaient apporter leurs ouvrages ; depuis longtemps ce ne sont plus que de jeunes talents qui offrent leurs essais au jugement public : c’est par cette raison qu’ils ont lieu d’attendre de l’indulgence, et qu’ils ne doivent point s’offenser des avis que l’amour des Arts et l’impartialité peuvent leur donner993.’

Si d’une part, le correspondant souligne la gloire passée de l’exposition de la place Dauphine, d’autre part, il admet l’importance de traiter avec indulgence les jeunes artistes qui s’y présentent, et ces deux aspects sont mis en évidence dans tous les comptes rendus du Journal concernant cette manifestation. Le quotidien fait passer l’idée que l’exposition de la place Dauphine n’a ni l’éclat, ni la qualité du Salon du Louvre994, toutefois, elle semble être désignée comme un berceau de futurs artistes de valeur, ou du moins comme la représentation d’un espace alternatif à l’institution académique, préparant et mettant en lumière une jeunesse engagée dans le domaine des arts visuels, qui serait autrement vouée à rester inconnue et privée de toute possibilité de progrès.

En effet, on dirait parfois que les journalistes s’ennuient presque à rendre compte des œuvres de la place Dauphine et que c’est en quelque sort par un devoir imposé que l’on continue à en parler tous les ans. Le compte rendu de 1777 ne dépasse pas quelques lignes, l’unique objet qui semble avoir été digne d’attention étant quelques gouaches et quelques paysages dont on ne connaît pas l’auteur995. Quelques jours après, un correspondant anonyme reproche au Journal le manque d’attention accordé à la place Dauphine et se propose d’y suppléer par une lettre plus fournie de détails : “‘ Ce n’est qu’avec le plus grand étonnement que j’ai remarqué le silence que vous avez gardé dans le N°157 sur les tableaux exposés cette année à la place Dauphine. Vous n’ignorez pas sans doute, Messieurs que l’oubli est la critique la plus amère qu’on puisse faire des talents ’”996.

Même si, les années suivantes, le Journal continue à s’intéresser aux ouvrages exposés à la place Dauphine, les notices sont souvent publiées tardivement, deux ou trois semaines après l’évènement, et les informations sont incomplètes, comme saisies au vol par un critique pressé ou indifférent, et mêmes incorrectes. Les auteurs de ces comptes rendus prennent l’habitude de mettre leurs commentaires brefs et fragmentés sur le compte des conditions météorologiques peu favorables et de la foule qui rend difficile l’accès aux ouvrages.‘ ’“‘ Voilà tout ce qui a été possible de remarquer dans une exposition aussi rapide et troublée par le mauvais temps ’”997, ’conclut un correspondant. Un autre avertit les lecteurs, dès le début de sa lettre : “‘ L’affluence du monde y était grande, et la difficulté d’approcher nous a fait échapper beaucoup d’objets ; ainsi nous prions ceux que nous ne citerons pas, de ne point le prendre en mauvaise part ’”998.‘ ’En 1787, les journalistes préviennent de nouveau les lecteurs‘  : ’“‘ (…) la foule des Spectateurs était considérable, ce qui ne nous a pas permis de voir ou de retenir tous les noms ’”999 ’En 1784, les journalistes concluent abruptement leur compte rendu :‘ ’“‘ Voilà l’aperçu rapide que nous avons pu faire ’”1000. ’Il peut arriver aussi que la faiblesse d’une exposition puisse être une raison suffisante pour les journalistes de réduire l’espace qui lui est consacré à l’intérieur du Journal. Tel est le cas en 1786, lorsque, après avoir annoncé que l’exposition avait été peu satisfaisante, les rédacteurs coupent court‘  : ’“‘ Les bornes de notre Journal nous forcent de garder le silence sur beaucoup d’autres objets ’”1001.

Les erreurs, les oublis et les confusions qui abondent dans les comptes rendus de l’exposition de la place Dauphine sont mis souvent sur le compte des conditions peu favorables dans lesquelles celle-ci se déroule. Ainsi, un amateur écrit aus rédacteurs en 1781 pour “‘ relever plusieurs erreurs du Journal ’”‘ ’au sujet de l’exposition et les journalistes de répondre dans une note : “‘ Nous avons fait entendre dans notre Notice sur les Ouvrages exposés dans la place Dauphine le jeudi de l’Octave, que le mauvais temps, qui fait déplacer et remettre des tableaux à différents moments, pouvait occasionner des oublis et des méprises ’”1002.‘ ’Le même amateur attire l’attention aux rédacteurs qu’ils confondent les noms de plusieurs artistes :‘ ’“‘ Ces jeunes Artistes, qui voient leurs ouvrages honorés de vos éloges doivent être jaloux sans doute de les mériter sous leur nom. Par exemple, l’éloge que vous avez accordé à un paysage sous le nom de Brunaders ’”1003 ’En 1783, une note avertit les journalistes qu’ils ont confondu les paysages du peintre Morillon avec ceux de Martin, élève de Le Prince et en 1788, un lecteur souligne une erreur à‘ ’propos du sujet d’un tableau1004. ’A force de se voir corriger, les journalistes reviennent sur leurs propres notes, comme il arrive en 1787, lorsqu’ils s’empressent d’annoncer le nom complet d’une femme peintre, dont ils n’avaient donné que le prénom dans l’article précédent1005.

Malgré les oublis, les erreurs et les confusions, le but affirmé des articles consacrés à l’exposition de la place Dauphine est la publicité et l’encouragement des jeunes artistes.‘ ’“‘ En rendant compte de ces différentes productions, nous n’avons pas d’autre but que d’être utiles aux jeunes Artistes et non de les offenser ’”‘ , ’expliquent les rédacteurs en 1788. Ceci est valable même pour les années où la qualité des ouvrages exposés n’est pas des meilleures. Tel est le cas en 1786, lorsque les journalistes remarquent :‘ ’“‘ L’Exposition de la place Dauphine, faite Jeudi dernier nous a paru plus faible qu’à l’ordinaire ; cependant nous nous imposons la loi de ne jamais décourager les Artistes ’”‘ . ’Quant aux plaintes et aux reproches, ils servent, selon les auteurs, à “‘ exciter la jeunesse à faire de nouveaux efforts ’”1006.

Le compte rendu de l’exposition de 1783 commence par une observation pleine d’optimisme : “‘ Cette exposition a été hier bien plus nombreuse en morceaux que les années précédentes. On ne saurait trop louer les talents naissants, de s’exposer au jugement du Public, pour recevoir de lui ’ ‘ des conseils et des encouragements ’”1007 ’Selon les rédacteurs, l’encouragement des jeunes talents est le but premier de cette manifestation artistique annuelle, qui explique la satisfaction exprimée par la critique et par le public. En 1779, ils soulignent que les attentes du public sont parfaitement en accord avec le rôle de l’exposition :‘ ’“‘ Il semble que le Public, qui n’attend là que les talents naissants, ait été généralement satisfait ’”1008. ’Un correspondant du Journal fait remarquer en 1783‘ ’“‘ qu’on ne peut qu’applaudir l’émulation ’”‘ procurée par une exposition qui sert de ’“‘ point d’appui d’où les jeunes gens s’élancent dans la carrière ’”1009.‘ ’A l’occasion de l’exposition de 1787, “‘ plus nombreuse ’”‘ ’et‘ ’“‘ plus intéressante ’”‘ ’que les années précédentes, les rédacteurs observent‘  : ’“‘ La plus grande partie de jeunes gens de l’un et l’autre sexe qui y ont présenté des Ouvrages méritent quelques éloges et tous des encouragements ’”1010.

Les comptes rendus sur la place Dauphine multiplient généreusement les verbes‘ ’“‘ encourager ’”‘ , ’“‘ applaudir ’”‘ ’et‘ ’“‘ mériter ’”‘ ’et les substantifs qui en dérivent‘ . ’Un amateur assure en 1777, que les paysages d’un jeune peintre nommé Camus‘ ’“‘ ont fait le plus grand plaisir ’”‘ , ’pour poursuivre‘  : ’“‘ On ne peut qu’applaudir à ses efforts, et il le méritait bien, Messieurs, d’être encouragé publiquement par vous ’”. Le même amateur soutient que les encouragements adressés à un jeune peintre de 15 à 16 ans,‘ ’“‘ dont la timidité doit être encouragée ’”1011, ’sont parfaitement légitimes. De même, en 1781, les journalistes affirment qu’“‘ il serait injuste de ne point donner quelques encouragements aux premiers essais de Mlle Fremy ’”1012.

Le Journal de Paris se donne aussi pour promoteur et défenseur des femmes peintres, qu’elle appartiennent ou non à l’institution académique, ce qui constitue un troisième volet de sa fonction propagandistique. Les comptes rendus des expositions de la place Dauphine sont les sources premières d’information, mais aussi d’éloges et d’encouragement pour les femmes peintres. Tous les ans, au moins un paragraphe leur y est dédié. En 1781, les rédacteurs observent : “‘ Les Dlles se sont mises aussi sur les rangs ’”1013 ’et illustrent la participation féminine à l’exposition avec les exemples de Mlle Avril et Mlle Capet, élèves de Mme Guyard1014. ’Mlle Capet attire de nouveau l’attention en 1782 avec ses portraits en pastel, loués pour leur‘ ’“‘ vérité ’”1015 ’et, sensible aux encouragements du Journal, elle l’en remercie par une lettre publiée quelques jours après1016.

Une année plus tard, un correspondant anonyme fait insérer une lettre contenant l’éloge des élèves de Mme Guyard, associées à des muses et qui plus est, leur dédie des vers louangeurs‘  : ’“‘ (…) ces Dlles, au nombre de neuf, toutes jolies et aimables, forment entre elles l’assemblage des Neuf Muses au berceau, dont Mme Guiard est l’institutrice. Cette Dame, de l’Académie Royale de Peinture, est recommandable par son mérite particulier et par celui qu’elle communique ’”1017. ’En 1784, le Journal revient sur le groupe des neuf demoiselles qu’il désigne par le terme affectif “‘ les Virtuoses femelles ’”‘ , ’et, même s’il avoue ne plus se rappeler tous leurs noms, il déclare que “‘ ces jeunes Demoiselles méritent toutes d’être encouragées ’”1018.

En publiant l’éloge posthume de Mlle Lusurier en 1781, Charles-Nicolas Cochin saisit l’occasion pour passer en revue l’apport des femmes dans l’art de la peinture et de s’interroger sur leur place dans le monde des arts contemporains. Cochin note que même si Mlle Lusurier n’était pas arrivée au niveau d’autres représentantes de son sexe, telles Mlle Valayer, Madame Filleul ou Madame le Brun, “‘ elle avait lieu d’espérer de les atteindre ’”‘ . ’Tout en citant des exemples de femmes affirmées dans l’art de la peinture à l’étranger, Cochin souligne que la France s’est montrée réticente depuis toujours à la promotion des artistes femmes :

‘Bologne, en Italie, s’était en bon droit, vantée de la femme la plus célèbre par la réunion des grands et rares talents de l’histoire : la fameuse Elisabeth Sirani. Venise avait à citer pour la plus haute perfection de l’art, l’admirable Rosalba, qu’aucun homme n’a pu surpasser, si même il en est qui l’aient égalée. La Flandre se faisait honneur de Rachel Reus, dans le genre des fleurs. La France seule semblait refuser les talents de premier ordre à ce sexe fait pour réussir à tout ce qu’il entreprendra, lorsqu’il y apportera le courage et la ténacité nécessaires, et quand la route qui conduit aux grands talents pourra lui être ouverte1019.’

Cochin continue par observer que si les femmes artistes en France n’ont pas le droit à la postérité, et qu’elles se limitent à embrasser “‘ les genres en petit, ou ceux qui n’ont pas pour objet la nature vivante ’”‘ , ’ce n’est pas par défaut de talent, ni par manque de travail assidu, mais parce qu’on continue de leur nier l’accès à la formation artistique prodiguée aux hommes, dont l’élèment principal est l’étude de la nature :

‘C’est au siècle présent que la France devra être illustrée par des femmes véritablement Artistes, et dont les noms vivront dans la mémoire des hommes. C’est cependant à travers mille peines, sans encouragement, privées, pour la plupart des secours nécessaires à l’étude de la Nature ; étude qui, si souvent en pure perte, est prodiguée aux hommes. N’est-il donc aucun moyen de leur ouvrir cette carièrre qui semble leur être interdite ? il en est sans doute, ainsi que de répandre sur elles les encouragements utiles aux progrès des Arts1020.’

La demande finale de Cochin contient à la fois la dénonciation des barrières que l’on construit en France aux dépens de la carrière des artistes femmes, et d’autre part, la conviction que les encouragements adressés aux femmes, tels ceux dont le Journal de Paris sont le porte-parole, peuvent contribuer à abattre ces obstacles.

En 1785, le quotidien de Paris s’élève, à travers la voix d’Antoine Renou, en défenseur des femmes peintres, contre la suspicion et les reproches d’immoralité et de volonté outrée d’indépendance formulés par le rédacteur du Journal général de France, l’Abbé Aubert1021. Provoqué par son adversaire, Renou s’engage à détruire quelques lieux communs sur les femmes artistes et en premier lieu, il défend la réputation morale des “‘ Virtuoses femelles ’” qui peuplent le monde de l’art français :

‘Je supplie donc notre sévère Antagoniste de ne pas croire aussi légèrement à son imagination enflammée et de ne point dénoncer si affirmativement au Public la corruption des Mœurs de toutes les femmes Peintres. Celles dont j’ai à parler ci-dessus, et de plus Mlles Boullogne, Mlles Loir et beaucoup d’autres, ont joui de la meilleure renommée ; et je citerai en dernier lieu une de nos Académiciennes, dont la perte excite encore les regrets de ceux qui l’ont connue, de ses enfants et de son mari, Artiste célèbre lui-même : je veux parler de Mme Roslin, femme aussi vertueuse, mère aussi tendre et aussi surveillante qu’elle était bon Peintre1022.’

Au scepticisme de l’abbé quant à la capacité physique des femmes de pratiquer à la longue le travail de peintre, Renou réplique par deux exemples d’artistes femmes qui se sont dédiées à la peinture jusqu’à un âge avancé : “‘ Mlle Basseporte, du Jardin du Roi, a passé quatre-vingt ans, et a presque travaillé jusqu’aux derniers moments de sa vie ; Mlle Rosalba en eut fait autant, si elle n’eût point perdu la vue, perte qu’elle n’a point due à son art, mais à son grand âge ’”1023 ’Quant à la conviction d’Aubert qu’il existe déjà trop de peintres mâles qui aspirent à se frayer un chemin dans le monde de la peinture, pour permettre aux femmes de s’y mettre aussi, le correspondant du Journal répond que “‘ le talent n’a pas de sexe ’”‘ ’et que, de toute façon, tous‘ ’les jeunes artistes ont droit, indistinctement, à tenter leur affirmation dans ce champ‘  : ’“‘ (…) mais, dans une pépinière, quel jeune arbre oserez-vous arracher de préférence ? ne craindrez-vous point d’en détruire un, qui aurait fait l’honneur du verger ?1024.

Toujours fidèle à son rôle de défenseur et de promoteur des femmes artistes, le‘ Journal ’publie en 1779 une lettre relevant une erreur au sujet d’Elisabeth Vigée Le Brun, puisée dans l’Education physique et morale des femmes, ou Notice abrégée des Femmes illustres. ’Admirateur enthousiaste des talents de Mme le Brun, l’auteur de la lettre la désigne comme “‘ cette Rosalba moderne ’”‘ ’et tient à souligner son privilège d’“‘ avoir toutes ses entrées libres à toutes les séances académiques ’”1025. ’En 1785, le quotidien publie des vers dédiés A Mlle de Beaulieu, peintre et Académicienne de l’Académie de St Luc de Rome, ’suivie par une “Note des Rédacteurs” qui exalte la présence des femmes dans l’art contemporain :‘ ’“‘ Ceux qui aiment les Arts et qui s’intéressent à l’honneur de l’Ecole Française remarqueront avec plaisir que, dans aucun temps et chez aucun peuple, il n’y a eu à la fois autant de femmes qui aient cultivé la Peinture avec des talents et des succès aussi distingués que nous en voyons aujourd’hui ’”1026. ’En 1788, une notice annonce en revanche l’ouverture d’une exposition privée, réunissant les ouvrages de Mlle de Beaulieu :

‘Mlle de Beaulieu, de l’Académie de Peinture de Rome et honorée du suffrage de l’Académie Royale, a cédé aux instances de différents Artistes ou Amateurs distingués qui l’ont engagé à donner à ses Ouvrages la publicité dont ils les croient dignes. En conséquence, elle a réuni tous les morceaux de sa composition qu’elle a pu rassembler, et on peut les voir pendant quelques jours dans son Cabinet rue du Dauphin, depuis 10 jusqu’à 2 heures. 1027

Promoteur déclaré du travail et de la réputation des artistes, le Journal de Paris possède également une fonction dénonciatrice, qui consiste à signaler et à condamner les impostures et les contrefaçons qui adviennent dans le monde des arts. Faute d’une communauté de graveurs qui prévoie des règles internes sur la commercialisation des estampes, la contrefaçon des gravures est monnaie courante dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. L’unique façon de préserver une estampe de la contrefaction est d’obtenir un privilège de la part de la Chancellerie, action qui comportait le règlement d’une taxe et le dépôt de huit exemplaires. Les estampes munies d’un privilège étaient annoncées dans le Journal des Savants et le Journal de Paris. Toutefois, à part les séries d’estampes ayant pour sujet des portraits, des actions illustres ou des monuments, le nombre de privilèges requis pour les gravures individuelles est vraiment infime1028.

Quelques annonces d’estampes publiées par le Journal de Paris touchent au problème de la contrefaction et fournissent aussi des solutions préventives. Le 11 mars 1778, en annonçant une seconde édition des Estampes pour servir à l’histoire des Modes et du Costume en France, dans le dix-huitième siècle par Moreau le Jeune, les rédacteurs expliquent la stratégie employée par l’éditeur pour empêcher les éventuelles contrefaçons :

‘La beauté de ces Gravures et généralement de cet Ouvrage, lui ayant mérité l’accueil le plus favorable du Public, l’Editeur a cru, pour se mettre à l’abri du brigandage trop commun des contrefacteurs, et aussi pour les mettre plus à la portée des personnes qui ne voudraient pas faire la dépense de la première Edition, devoir en donner une plus portative et dont le prix fût plus modique1029.’

Les estampes les plus sujettes à la contrefaction sont celles qui représentent des événements de l’actualité. Ainsi, le Journal précise à propos du Tableau des Evolutions, exécutées par les Armées navales de France et d’Angleterre, dans le combat donné entre l’Isle d’Ouessant et les Iles Sorlingues, le 27 juillet 1778 :

‘L’éditeur pour mieux s’assurer des contrefaçons si ordinaires et si fautives, qui pourraient paraître, a signé de sa main chaque Epreuve, en outre cette feuille diffère essentiellement de celles qui ont déjà paru, et qui portent à peu près le même titre1030.’

Une autre catégorie d’estampes concernées par la contrefaction sont celles qui représentent des œuvres d’auteurs connus, dont les copies sont facilement vendues à bas prix. Le 8 décembre 1781 le peintre Ménageot écrit au quotidien de Paris pour dénoncer la publication et l’annonce, sans son aveu, d’une estampe d’après son tableau de Léonard de Vinci mourant 1031. Un cas similaire est celui de la gravure d’après la Malédiction paternelle de Greuze, dont les journalistes de Paris annoncent la contrefaction le 26 avril 1778 :

‘La gravure n’est plus exempte que la librairie de l’avidité des contrefacteurs. La petite Estampe de la Malédiction paternelle gravée d’après le célèbre tableau de Greuze par un Artiste du premier mérite, que nos souscripteurs n’ont pas reçue avec indifférence et que nous aurions désiré qu’ils possedassent seuls, vient d’être contrefaite. Mais cette copie est infiniment au-dessous de l’Estampe originale et très facile à distinguer par la position des figures qui dans la contrefaçon ont été transportées de gauche à droite. Cette incivilité se vend 12 f, chez M Civil, rue du petit Bourbon, en face de la Colonnade du Louvre1032.’

Outre les exemples de contrefaçons, le Journal enregistre un cas d’imposture lié toujours à l’art de la gravure. Le 1er mars 1780, le correspondant artistique du Journal, Antoine Renou devient porte-parole du peintre Vernet pour dénoncer le graveur David1033 qui, deux semaines auparavant, avait annoncé dans le quotidien deux Vues des environs de Dunkerque, gravées par Auder d’après Vernet. Renou souligne avec fermeté le désaveu exprimé par le peintre quant à l’attribution d’œuvres qui ne lui appartiennent pas : “‘ Je suis chargé par M Vernet ’ ‘ lui-même de vous dire que ces Estampes ne sont point gravées d’après lui, qu’il n’en a point fait les tableaux, et qu’il n’a jamais été à Dunkerque ’”1034 ’Quelques jours plus tard, David écrit au Journal pour se défendre de l’accusation d’imposture. Non seulement assure-t-il avoir lu “‘ avec surprise ’”‘ ’la lettre de Renou, mais il précise également que les deux dessins originaux de Vernet se trouvent dans le cabinet du Chevalier de Lambert. Toutefois, il admet par la suite que, pour ce qui est du titre des gravures, il s’en est rapporté au graveur qui lui a vendu les planches et les titres gravés, et que celui-ci s’était servi des Vues de Flandres, de Suisse et d’Italie ’comme prétexte de vente pour les Vues de Dunkerque. ’Renou est loin d’être tendre avec le vendeur dans sa réplique détaillée, où il s’emploie à démonter les justifications de l’accusé pour en montrer les intentions cachées :

‘Il avoue d’abord que “pour ce qui regarde le titre des Vues, etc, elles peuvent très bien n’être pas celles de Dunkerque”. Pour le titre de doute, on lui certifie que ce ne sont ni les Vues de Dunkerque, ni d’aucuns lieux connus ; on le prie en même temps de convenir que ce titre est une première infidélité, la seconde est d’avoir écrit sur les Planches “peint par Vernet”, puisqu’elles ne sont exécutées que d’après ces Dessins de ce Maître, tiré du Cabinet de M le Chevalier Lambert. Mais comme un dessin n’a pas l’importance d’un Tableau, on a transformé en Tableaux ces Dessins et pour donner du débit des Gravures et d’assimiler aux Vues d’Italie et de la Suisse, on les a intitulées Vues des environs de Dunkerque. Voilà la ruse ordinaire de ces Messieurs dévoilée et avouée par eux-mêmes. C’est au Public à juger de la confiance qu’il leur doit1035.’

En dénonçant l’imposture du vendeur d’estampes David, Antoine Renou touche au thème de la propriété artistique, et plus précisément, fait référence et cite l’article VIII de la Déclaration du Roi concernant les Arts de Peinture et de Sculpture donnée à Versailles le 15 mars et enregistrée en Parlement le 2 septembre 1777, qui défend aux graveurs et aux vendeurs d’estampes de représenter et de commercialiser des ouvrages appartenant aux artistes de l’Académie, sans leur permission. Il y va, souligne Renou, de la réputation des artistes, qui est bafouée par la mise au jour forcée d’“‘ images ’”1036 que le peintre ne considère pas dignes de sa renommée :

‘Heureusement la réputation de M Vernet est hors d’atteinte ; mais quelle mauvaise opinion de pareilles Gravures ne donneraient-elles pas d’un Peintre moins connu que lui ? Si des Artistes soigneux de leur réputation, ne mettent quelquefois leurs noms sur des ouvrages dont ils ne sont pas contents, combien il n’est pas cruel pour eux d’être exposés à voir graver maussadement et à leur insu des Esquisses sans prétention, qu’ils condamneraient peut-être à l’oubli et au feu, si elles repassaient devant leurs yeux ?1037

Les rédacteurs du Journal se montrent également attentifs aux coïncidences de noms dont pourraient profiter les vendeurs malhonnêtes. Tel est le cas d’une gravure intitulée Eruption du Vésuve, que l’on dit gravée “‘ d’après le tableau de M Vernet ’”‘ , ’tout en omettant de spécifier qu’il ne s’agit pas de Joseph Vernet, nom dont la seule sonorité représente un fort argument de vente, mais de son frère puîné et, à la fois, son élève, Ignace Vernet. Tout en soulignant le vrai nom de l’artiste de l’estampe, les journalistes avertissent le graveur de corriger son omission, sous peine de compromettre son honnêteté :‘ ’“‘ Nous annonçons donc au Graveur, que M Vernet ’ ‘ attend de son honnêteté qu’il fera écrire sur sa planche : Gravé d’après le Tableau d’Ignace Vernet ’ ‘ , en toutes lettres ’”1038.

Le rôle d’intermédiaire du Journal entre les graveurs et le public n’est pas toujours dépourvu du risque de faire passer de fausses annonces, visant le discrédit ou la compromission du travail des artistes. Le 24 juillet 1777, les rédacteurs avouent être tombés dans le piège d’un détracteur, qui leur a apporté une fausse notice sur une gravure de Beauvarlet1039, dont les détails concernant la commercialisation étaient modifiés dans le but d’arrêter la vente de l’estampe. La meilleure façon pour les journalistes d’assumer leurs responsabilités est de raconter aux lecteurs les circonstances dans lesquelles on leur a joué ce mauvais tour :

‘Nous croyons devoir avertir le Public d’une surprise faite à notre bonne foi par un ennemi de M Beauvarlet, Graveur du Roi, Auteur des Couseuses, qui ont été annoncées dans notre Feuille de Dimanche dernier, n°201.
Un Quidam est venu nous apporter cette Estampe avec une note du prix et du nom de l’Artiste, comme il est d’usage. Nous n’avons point d’abord jeté les yeux sur cette note. En l’examinant, nous l’avons trouvée, à la vérité, singulière et mal rédigée. Nous en avons retranché la plus grande partie et n’avons laissé subsister que ce qui nous a paru des détails essentiels et relatifs au commerce et au débit des Estampes. C’était dans ces détails qui nous sont peu connus, qu’était caché le venin de la méchanceté1040.’

Le prix est doublé, le tirage est augmenté de façon exagéré, le titre est changé, et en plus, le “jaloux” s’emploie à dénigrer l’artiste, en mettant sur le compte de ses élèves une grande partie des détails de l’estampe. Les journalistes admettent s’être laissé tromper par la fausse notice, faute de connaissances techniques sur la production et la commercialisation des estampes1041 et afin d’expier leur faute, ils assurent s’être empressés de désabuser le public sur le champ et s’engagent à prendre des mesures contre ce genre d’impostures1042.

Si les pages du Journal de Paris s’ouvrent volontiers aux inventions et aux découvertes les plus récentes concernant les arts visuels, les rédacteurs ne manquent pas non plus de mettre en garde sur les impostures qui peuvent se manifester dans ce domaine. Le 31 août 1778, Pahin de la Blancherie, agent de la Correspondance des Savants et des Artistes annonce un “‘ buste de la Reine, modelé en carton, peint d’après nature par M Gardeur ’”1043 ’ayant reçu les hommages de l’assemblée dont il est l’organisateur. Quelques jours plus tard, un sculpteur signant “Couasnon” se plaint au‘ Journal ’de ce que ledit Gardeur se soit emparé de son invention‘  : ( ’“‘ Je suis l’Auteur de ce même portrait, modelé en terre d’après nature ’”1044) ’sans en mettre au courant l’agent général de la Correspondance. “Couasnon” invoque le droit de propriété artistique et implicitement, relève le rôle important du Journal ’dans la défense de celle-ci‘  : ’“‘ (…) les suffrages du Public sont, pour un Artiste, la récompense la plus flatteuse ; il ne lui est agréable de voir les ouvrages applaudis sous le nom d’un autre ’”1045

Après avoir annoncé le 6 août 1780 le moyen de Vincent de Montpetit de conserver sans altération les tableaux à l’huile, le 19 mars 1782, le‘ Journal ’revient sur cette invention pour mettre en garde contre un imposteur qui tente de s’en emparer :

‘Il se distribue à Versailles un imprimé du S le Doux, Peintre, qui s’annonce l’inventeur d’une manière de coller les petites peintures à l’huile sous glace ; il est étonnant que cet Artiste, qui se dit El… de l’Académie Royale de Peinture de Paris, ne sache pas que chez presque tous les Bijoutiers de cette Capitale, on vend de ces sortes de peintures, depuis que le Sr Montpetit, en 1760, publia sa nouvelle manière de peinture en petit à l’huile, à laquelle il employait indispensablement l’adhérance de la glace, par un procédé dont il faisait usage de 1745, et qui vient d’être approuvé de l’Académie Royale des Sciences. (…) Le Sr Doux ne peut donc se donner pour premier inventeur d’un moyen publié depuis plus de 20 ans1046.’

En 1788, une dispute concernant l’unicité d’une machine appelée “physionotrace” occupe plusieurs numéros du Journal. Le peintre Quenedey explique les vertus de cette ingénieuse machine, capable de faire des portraits très fidèles, ou, selon ses dires, de “‘ copier exactement la personne qu’il ’ ‘ dessine ’”1047et il s’en déclare le propriétaire unique. C’est en effet sur la base de cette unicité, qu’à distance de quelques jours, il se permet d’annoncer à sa clientèle toujours plus nombreuse et plus impatiente l’augmentation du prix de ses portraits1048. ’C’est un certain “Gonord” qui risque cependant de troubler son succès assuré, en soutenant dans une lettre du 18 novembre qu’il s’en sert depuis 12 ans et qu’après‘ ’tout, cet instrument‘ ’“‘ est presque entre les mains de tout le monde ’”. Pour prouver la banalité de l’instrument, “Gonord” fait référence au‘ ’“‘ panthographe ’”‘ , ’qui, selon lui, est une version plus ancienne, mais très ressemblante du “‘ phsyionotrace ’”‘ . ’En d’autre mots, Quenedey ne ferait rien d’autre, aux yeux de son opposant, que de nommer par un terme plus nouveau et plus intéressant une invention qui remonte à plus d’une décennie. A la fin de la lettre, on apprend finalement que “Gonord” est un concurrent de Quenedey, puisqu’il annonce l’ouverture chez lui d’une souscription pour deux types de machines ayant les mêmes propriétés que le phsyionotrace1049. ’La dispute autour de la machine à portraits s’achève avec l’intervention indignée de son auteur, Chrétien, qui, tout en admettant la multiplicité d’instruments ayant des fonctions similaires au physionotrace, s’efforce d’apporter des preuves quant à l’authenticité et l’unicité de son invention :

‘(…) mais si quelque personne éclairée veut m’apprendre qu’il a existé des Polygraphes, Scénographes, Panthographes ou autres instruments produisant les mêmes effets que le mien, je dois au moins espérer qu’elle prendra la peine de me prouver qu’elle a bien senti tous les points et toutes les propriétés de ma découverte ; alors il suffira de m’indiquer le nom d’un instrument que j’ignorais pour que je l’adopte et pour que je renonce au nom bizarre de Physionotrace par lequel j’ai voulu distinguer le mien1050.’

Constamment intéressé aux inventions concernant la conservation des tableaux, le quotidien de Paris dénonce les abus perpétrés par des restaurateurs maladroits ou charlatans. Quand ils annoncent en 1780 le moyen de fixer sous glace les tableaux à huile inventé par Vincent de Montpetit, les journalistes expriment d’une part leur scepticisme quant à l’efficacité de ce procédé et de l’autre, leur vœu sincère pour la découverte d’un “‘ secret plus beau ’”‘ , ’qui permette de‘ ’“‘ nettoyer les tableaux chargés de crasse en peu de temps, et sans altérer les couleurs ’”1051. ’En 1781, un groupe d’amateurs, abonnés du quotidien en province, demande au Journal de dénoncer, à l’aide des artistes parisiens, “‘ les vernis que l’on applique très abusivement sur les tableaux ’”1052. ’Le fils peintre du marchand Bonnetier attire l’attention sur‘ ’“‘ cette fureur de faire retoucher tout et de mettre tout à neuf ’”‘ ’qu’il considére comme une mode, synonyme en France de‘ ’“‘ maladie épidémique, qui attaque les meilleures têtes ’”‘ ’et condamne avec force‘ ’“‘ l’enduit criminel ’” dont ses contemporains maladroits et insensés s’empressent de recouvrir les chefs-d’œuvres du passé1053. ’Le Comte de B*** s’indigne de la manière dont Callet, peintre de l’Académie, a restauré le Chapelle de la Vierge de Saint-Sulpice, peinte par Le Moyne, travail qu’il qualifie sévèrement de‘ ’“‘ replâtrage ’” et dont le résultat final est, ni plus ni moins, une‘ ’“‘ cacophonie ’”:

‘Avant ce replâtrage, ce plafond avait une harmonie douce et cette mélodie délicieuse de tons, qui était le talent particulier de son Auteur ; actuellement il est méconnaissable ; on n’y voit plus qu’un cliquetis de couleurs âcres, on n’y aperçoit plus aucune masses de clairs et d’ombres ; aucuns objets ne se détachent les uns des autres ; c’est une cacophonie insupportable et un amas indigeste de figures, qui semblent toutes prêtes à tomber en masse sur la tête des spectateurs (…)1054 .

Un autre correspondant signant “Le Rêveur” critique, dans sa deuxième lettre au Journal, les restaurateurs charlatans, toujours plus nombreux et plus avides, qu’il désigne à tour de rôle par les termes‘ ’“‘ nettoyeur ’”‘ , ’“‘ insectes ’”‘ et ’“‘ harpies ’”‘  :

‘(…) permettez-moi, Messieurs, de gémir sur la détérioration des beaux Tableaux de Jouvenet, qui ornent la nef de l’Abbaye de S Martin des Champs. Hélas ! on leur a arraché jusqu’à l’épiderme ! les glacis, les tons légers et transparents sont disparus. N’est-il pas triste d’imaginer, que ces morceaux si renommés, qui attirent les regards Nationaux et des Etrangers, qui font tant d’honneur à l’Ecole Française, aient perdu par l’impéritie d’un Nettoyeur, l’esprit des dernières touches de l’Artiste, qui donnent l’âme et la vie à un Tableau ? Combien d’autres chefs-d’œuvres, je ne dis pas dans cette Ville, mais dans les Provinces, sont et seront impitoyablement dégradés, raclés et même repeints par ces effrontés charlatans, qui, sous prétexte de prétendus secrets, courent le pays et se font payer pour tout détruire (…)1055.’

La critique sévère des restaurateurs maladroits et sans scrupules va de pair, pour “Le Rêveur”, avec une prise de conscience d’un “‘ patrimoine [artistique] de la nation ’”‘ , ’qui lui fait honneur et‘ ’“‘ en réclame la conservation comme de son bien propre ’”‘ . ’Situé dans la capitale et dans la province, il attire “‘ les regards Nationaux et Etrangers ’”‘ , ’et requiert des lois concernant sa sauvegarde et sa transmission à la postérité. En prenant l’exemple de l’Italie, où, assure‘ ’“Le Rêveur”‘ , ’il est défendu aux propriétaires de sortir les chefs-d’œuvres du pays et où‘ ’“‘ on ne s’avise point de déplacer des morceaux d’une réputation universelle, ni de les altérer par des nettoiements trop fréquents ’”‘ , ’le correspondant propose l’introduction obligatoire pour les restaurateurs de tableaux, d’un certificat délivré par l’Académie de peinture et de sculpture, attestant leurs compétances indéniables dans ce domaine. Après avoir montré à plusieurs reprises les avantages du contrôle de l’Académie sur la production et la commercialisation des estampes, stipulé dans la Déclaration ’royale de 1777, le‘ Journal ’suggère cette fois une loi‘ ’similaire concernant la restauration de tableaux, qui serait elle aussi mise sous la tutelle directe de la corporation1056:

‘Eh bien, qu’il soit établi une loi par laquelle il sera enjoint aux Chapitres, Couvents, Eglises, Abbayes ou autres, dans tout le Royaume, de ne confier le nettoiement de leurs Tableaux et Peintures, qu’à des Restaurateurs, dont la capacité sera reconnue par l’Académie ; et que ces Restaurateurs n’obtiennent un certificat de cette Compagnie, qu’après lui avoir apporté un Tableau en état de délabrement, et rapporté le même tableau après sa réparation. Par cette précaution, on obvierait, autant que possible, à la perte totale de nos grands morceaux, et il est à croire que les Particuliers, jaloux de la conservation de ce qu’ils possèdent, n’en confieraient la restauration qu’à ceux munis d’un pareil Certificat. (…) 1057

Une querelle concernant la restauration de tableaux occupe l’attention des lecteurs du Journal pendant plusieurs numéros, entre fin 1778 et 1779. Dubuquoy, peintre restaurateur de tableaux, est connu grâce à deux lettres signées par les supérieurs des Jacobins, exprimant leur gratitude et leur satisfaction à propos du travail de l’artiste, chargé de restaurer plusieurs œuvres abritées dans leurs église1058. En 1779, le peintre lui-même écrit au Journal pour se plaindre des attaques dénigrateurs d’un ébeniste qui l’accuse d’avoir très mal accompli tous les travaux dont il a été chargé aux Jacobins et à Saint André des Arts. Hacquin, antagoniste de Dubuquoy, explique de son côté, dans une autre lettre au Journal que, appelé par le Curé de Saint-André des Arts pour donner son avis d’expert quant aux tableaux restaurés, il n’a fait que déclarer en toute sincérité ce qu’il en pensait :

‘(…) j’offre de lui démontrer publiquement en présence des Artistes nommés par l’Académie de Peinture, que cet ouvrage est absolument mal fait, ainsi que les Tableaux qu’il a voulu restaurer, dont la plupart sont défigurés totalement, tels que celui de l’Eglise des Jacobins de la rue St Jacques, représentant la naissance de la Vierge, qui n’est ni de Valentin, ni de Sebastien del Piombo, mais qu’on dit autrefois d’André del Sarte ; le témoignage que rendront de pareils juges, aura une valeur que ne peut avoir celui des personnes que je respecte infiniment, mais dont le ministère n’est pas de prononcer sur des cas réservés aux Artistes1059.’

Face au défi de son adversaire, le peintre restaurateur fait publier, à distance de quelques jours, un certificat de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, signé par Hallé et Vernet, qui atteste que les travaux des deux églises ont été accomplis avec “‘ habileté et intelligence ’”1060 ’Devant cette preuve, Hacquin se voit obligé de limiter ses critiques au seul rentoilage des tableaux, qu’il affirme pratiquer depuis vingt-cinq ans, ce qui l’autorise à soutenir que, sur ce point, l’avis des académiciens était loin de le convaincre1061.

Dès le Prospectus, le Journal de Paris assignait à sa rubrique consacrée aux arts visuels une fonction patriotique, qui consistait à faire part aux lecteurs de toutes les productions artistiques qui, faute d’annonces dans les périodiques, risquaient de rester ensevelies dans les collections privées ou de partir pour l’étranger sans être connues au public français. La promotion de la peinture française contemporaine dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle est soutenue par une rhétorique du service patriotique. Si cette rhétorique est déjà présente chez les collectionneurs des années 1760 et 1770, concrètement, ce n’est que dans les années 1780 que l’école française l’emporte sur l’école nordique1062. ’Le‘ Journal de Paris ’parle de la peinture française contemporaine comme d’une peinture en pleine évolution, à l’accès de laquelle prétend un public toujours plus vaste et plus varié. Connaître les œuvres d’art françaises qui embellissent les collections privées ou qui prennent la voie de l’étranger est non plus une affaire d’amateur ou de connaisseur d’art, mais un devoir de tout citoyen. Le 11 octobre 1777, un correspondant qui annonce une écritoire réalisée par Mailly, peintre en émail, rappelle l’engagement pris par le Journal ’dans son‘ Prospectus :

Vous nous aviez fait observer avec raison par votre Prospectus, qu’il arrivait souvent que les chefs d’œuvre de nos Artistes paraissent dans le pays étranger, sans qu’ils fussent connus de la plus grande partie des nationaux. Je suis très étonné d’après cela que vous n’ayez point fait mention dans votre Journal d’une Ecritoire faite par M de Mailly célèbre Peintre en émail, par les ordres et pour le compte de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies. J’ai vu ce chef-d’œuvre et je l’ai examiné avec tant de soin, que je suis en état de vous en donner quelques détails. Je vous préviens au surplus, qu’on peut le voir quelques jours encore, excepté le dimanche, chez l’Artiste même, qui demeure rue Pavée S André des Arcs, à côté des Messageries de Bretagne1063.

Les commandes aux artistes français destinées pour l’étranger sont vues sous un double jour : d’une part, on déplore la séparation des œuvres qui peuvent enrichir le patrimoine national et servir de modèles aux nouvelles générations d’artistes, d’autre part, elles sont la preuve de la valeur des productions artistiques françaises et la garantie de leur renommée au-delà des frontières nationales. Autrement dit, le départ d’œuvres pour l’étranger est présenté comme un rapt nécessaire. Telle est la vision offerte par un abonné du Journal qui veut faire part au public de six tableaux de Vernet destinés au prince des Asturies1064 :

‘Il serait à désirer que les chefs d’œuvre qui sortent des mains de nos grands artistes nous restassent, pour servir de modèles aux jeunes gens qui entrent dans la carrière et leur indiquer la vraie route du beau ; mais la concurrence étant utile à l’Artiste, il est souvent avantageux que ces mêmes chefs- d’œuvres passent chez l’Etranger. Le Prince des Asturies vient de faire enlever six tableaux du célèbre M Vernet. Ils ont été vus de peu de personnes, et comme je crois qu’il est intéressant que leur existence soit constatée, permettez que je me serve de la voie de votre Journal, pour en faire la description. Le nom de M Vernet fait d’avance l’éloge de ses ouvrages ; je me dispenserai en conséquence de rien ajouter qui puisse me faire soupçonner de partialité.1065

Vernet est, en toute circonstance, cité comme un exemple de peintre qui ne cesse d’attirer l’attention et l’admiration du public. Le 16 novembre 1784, le peintre et marchand de tableaux Le Brun écrit au Journal pour annoncer l’exposition de huit tableaux peu connus de Vernet, à l’occasion de l’exposition générale de la collection du comte de Vaudreuil. “‘ Ces derniers, explique Le Brun ’ ‘ , ’“‘ que l’on peut regarder comme autant de chefs-d’œuvre de cet Artiste célèbre, n’étant jamais exposés au Salon et n’étant point aussi connus que ceux qui forment le reste de la collection, plusieurs personnes m’ont écrit pour me demander à les voir ’”1066.

L’absence d’une œuvre au Salon du Louvre correspond à un manque de visibilité à laquelle l’exposition privée peut remédier dans une certaine mesure. Après le succès remporté en 1782 par deux expositions dédiées à trois familles patriciennes du monde des arts (les Hallé, les Restout et les Jouvenet), l’agent général de la‘ Correspondance des Sciences et des Arts, ’Pahin de la Blancherie, organise en 1783 une nouvelle exposition consacrée cette fois-ci à Vernet, réunissant des œuvres éparses dans différents cabinets de peinture de la capitale. Ce n’est pas sans fierté que Pahin de la Blancherie affirme que l’accueil du public aux manifestations de 1782 en a fait‘ ’“‘ un monument national ’”‘ , ’ce qu’il a l’intention de réaliser à propos de l’exposition des tableaux de Vernet. Afin d’y arriver, il se sert, comme toujours, de la publicité du quotidien de Paris :‘ ’“‘ Aidez-moi, Messieurs, par la publicité que vous voudrez bien donner de cette annonce, à faire jouir d’une part les ’ ‘ Amateurs et les Artistes d’un spectacle qu’on est si peu à portée de leur offrir, et de l’autre M Vernet ’ ‘ , d’un hommage d’autant plus flattteur qu’il naît absolument de ses propres ouvrages ’”1067.

La clôture du Salon du Louvre, unique manifestation gratuite et régulière mettant sous les yeux d’un large public les productions d’art contemporain, n’est pas dépourvue d’un sentiment de nostalgie, mêlée toutefois d’un sens d’assouvissement de l’orgueil national. Un correspondant anonyme qui annonce, une fois le Salon de 1785 achevé, la parution d’une estampe intitulée Coup d’œil exact de l’arrangement des Peintures du Salon du Louvre en 1785 remarque ainsi avec amertume mêlée de fierté, l’utilité d’une telle entreprise : “‘ Cette planche peut être très utile pour nous conserver la mémoire des ouvrages de nos meilleurs Peintres du siècle dont les productions sont pour la plupart dérobées au Public, et pour donner aux Etrangers une idée de ce qui a fait l’admiration de la Capitale ’”1068. ’L’estampe représente l’unique moyen de garder une trace d’un événement unique pour les arts visuels, imposant mais passager, de suppléer autant que possible, au manque de visibilité permanente des productions artistiques contemporaines, mais aussi d’en rendre compte au-delà des frontières nationales.

Le Journal ne saurait ne pas mentionner l’un des premiers projets de l’administration de d’Angiviller, investi d’une importante valeur patriotique : la création d’un Musée national permanent dans la galerie reliant le Louvre aux Tuileries1069. ’L’idée d’un musée réunissant tous les tableaux du Roi à l’intérieur du Louvre n’est pas nouvelle. La Font de Saint-Yenne en parle dès les années 1750‘ , l’Encyclopédie ’mentionne ce projet à l’article “Louvre” et le marquis de Marigny, directeur des Bâtiments entre 1751 et 1773, s’y montre également intéressé, mais faute de fonds, il n’aboutit pas. C’est son successeur, l’abbé Joseph-Marie Terray qui, pendant son bref directorat, ranime l’idée de musée, en lui donnant une portée plus ambitieuse : il voulait organiser un étonnant jardin d’hiver, associant la mise en valeur du patrimoine artistique à l’organisation de spectacles et de divertissements, bref, créer un espace permanent de rencontre entre l’art et le public parisien1070.

Pendant la deuxième moitié du siècle, la collection du prince d’Orléans abritée dans le Palais Royal et la collection du Palais Luxembourg, close en 1779, représentent un substitut de musée national. C’est le nom du comte d’Angiviller qui est le plus souvent associé à la création du musée, même si celui-ci ne voit pas le jour sous son administration, n’étant finalement ouvert qu’en 1793. Toutefois, c’est sous son directorat que commence à prendre forme l’idée de transformer la galerie du Louvre dans le plus imposant musée européen, comme image de la‘ ’supériorité de l’école de peinture française et de la magnificence du régne de Louis XVI1071. ’L’encouragement par d’Angiviller du genre historique à travers des commandes royales régulières et la constitution d’un musée réunissant dans un même endroit les œuvres anciennes et modernes correspond à un projet de réforme unique, qui consiste à mettre sous les yeux du public un art investi de significations morales et politiques.

A travers le voix de son correspondant artistique, Antoine Renou, le Journal de Paris célèbre la charge patriotique et pédagogique du projet du directeur des Bâtiments :

‘Quel spectacle imposant pour les Etrangers, intéressant pour la Nation et utile pour les Artistes, que de voir rassemblés et rangés sous la même ligne des chefs-d’œuvre de toutes les Ecoles anciennes et modernes, et de pouvoir, sans sortir du même lieu, leur comparer les productions de nos plus sublimes Artistes, amoncelées depuis plus de cent ans dans les salles immenses de l’Académie ! Cette idée vaste et noble fait le plus grand honneur à M le Comte d’Angiviller, et donne les plus heureux présages pour l’avenir (…)1072.’

Dans une autre lettre, Renou s’enthousiasme à l’idée d’un Musée comme lieu permanent de rencontre entre les artistes anciens et contemporains, et comme agora où pourront se donner rendez-vous tous les jours des amateurs, des artistes et des hommes de goût, réunis par le même amour pour les arts :

‘Quel Muséum, Messieurs, que celui dont nous allons jouir, qu’il est digne d’un Prince ami des arts, et du ministre éclairé qui y préside ! Pour le coup, nous allons avoir un Lycée, un Portique, un Temple enfin qui sera le rendez-vous continuel des Artistes, des Amateurs, des gens de goût, où le génie pourra s’échauffer du feu des Grands Hommes qui se sont immortalisés par leurs talents. En vérité, cette idée me touche, me ravit, m’enchante (…)1073.’

Une idée récurrente dans les notices artistiques du‘ Journal de Paris ’est que toute entreprise d’ampleur concernant l’art contemporain qui peut être vue comme une réussite nationale, est par conséquent digne d’une attention universelle. Un bref article de 1780 rend compte de la visite du Prince de Montbarey, Ministre de la Guerre, dans l’atelier du sculpteur Caffieri, pour voir la statue de St Satyre, commande destinée pour la décoration des Invalides. La notice rapporte que le ministre se montre si satisfait du travail du sculpteur, qu’il lui fait sur le champ une autre commande pour le même édifice, en exprimant son désir de le voir‘ ’achevé durant son ministère. Et le journaliste de commenter‘  : ’“‘ La Nation et, on ose dire, les Pays étrangers, verront avec plaisir qu’un aussi bel édifice, qui fait l’admiration de toute l’Europe, soit terminé dans toutes ses parties ’”1074.

Le sentiment patriotique qui anime les arts vers la fin de l’Ancien Régime respose sur la forte conviction que l’art contemporain peut trouver ses sources d’inspiration et ses moyens d’expressions propres sur le sol national‘ . ’Le critique du Salon de 1779 insiste sur les potentialités inouïes de l’art français de se nourrir de sa propre sève :

‘Nos Artistes, pour se réchauffer, n’ont besoin, sans passer les Alpes que de regarder en arrière et se retourner vers ceux de leurs Concitoyens célèbres, qui les ont précédés dans la carrière des Arts. La France a fourni des hommes qui peuvent servir de guides à leurs Compatriotes, s’ils daignent les consulter. Ce n’est pas que nous voulions insinuer que la connaissance des différentes Ecoles soit inutile, nous la croyons au contraire très essentielle ; mais nous voulons seulement faire entendre que les Arts peuvent même croître et fructifier sur notre propre sol1075.’

L’idée d’une école française qui élogie sa tradition, vénère ses maîtres, exalte ses héros nationaux et puise son inspiration dans son histoire nationale, en élevant le genre historique à sa plus haute distinction, revient couramment dans les pages du quotidien de Paris. Le sentiment patriotique lié aux arts visuels consiste donc dans une espèce de révélation des ressources nationales, qui sont souvent obscurcies par l’écran des modes venues d’ailleurs. Le goût patriotique qui domine les arts est aussi directement associé à un besoin de pureté, d’effacement des contaminations étrangères, entendues comme des errances de brève durée. Ainsi, l’auteur anonyme d’une lettre badine au Journal de Paris confesse son goût pour les estampes anglaises à la manière noire, comme une errance personnelle, dont il s’avoue guéri au moment où il rédige ses réflexions :

‘Parmi ces goûts que j’ai dus à la mode, un, surtout, m’a dominé avec fureur ; c’est celui des Estampes anglaises. Tout ce qu’il a plu aux Marchands de Londres de nous en envoyer a été étalé avec soin sur tous les murs de mon appartement. A mes yeux rien n’était plus gai que cette suite de manières-noires ; et il n’a pas tenu à moi d’en tapisser jusqu’au cabinet de toilette de la femme, à peu près comme le vieux Marquis de… à Orme, qui, par vénération pour le Caravage, exigea de sa Maîtresse qu’elle décorerait son boudoir de trois ou quatre grands tableaux bien rembrunis de ce Peintre.
Un instant de réflexion et de calcul m’apprit, ces jours passés, que ce goût Calco-Britannique me coûtait déjà cinq ou six cent guinées. Quinze mille livres d’Estampes, grand Dieu ! et pas un seul Audran, par un seul Edelinck, en un mot, pas une Gravure française. Depuis ce moment, c’en est fait de ma manie ; mais je voudrais y faire renoncer mes amis et le Public comme j’y ai renoncé moi-même1076.’

La lettre communique avec humour que ce qui fait cesser la “manie” pour les estampes anglaises est simplement le calcul des dépenses entreprises. Tout de même, la révélation d’un chiffre insensé est suivie, chez le lecteur, par la découverte blessante de l’absence des graveurs français de sa collection, et, comme pour expier sa faute, il se transforme sur le champ en apôtre de la gravure française et en critique acharné de la manie pour la manière noire1077. Ce cadre littéraire sert au rédacteur de la lettre pour introduire une réflexion sur le rôle du Journal de Paris dans la promotion de l’art contemporain national :

‘Il est digne de vous, Messieurs, de m’aider dans l’exécution de ce projet patriotique. Un moyen à peu près sûr pour le faire réussir, est entre vos mains, et ce serait d’annoncer les Ouvrages de nos Graveurs avec plus de détails que vous n’avez fait jusqu’à présent. Une brochure, qui n’est souvent qu’une brochure, occupe deux, trois colonnes de votre Journal, et vous accordez à peine quelques lignes à une bonne Estampe : convenez-en, cela n’est pas justice. En donnant un peu plus d’étendue à vos articles des Arts du Dessin en général, que pouvez-vous craindre que de donner lieu de temps en temps à ces petites discussions qui mettent aux prises les Artistes avec une certaine classe d’Amateurs, éclairent toujours ceux-ci, souvent aussi les premiers, et qui, ôtant aux uns et aux autres ce que l’amour propre a de trop irritable, ne peuvent manquer de se terminer à l’avantage des Arts1078.’

Au début, le “‘ projet patriotique ’”‘ ’désigné par l’auteur de la lettre consiste à encourager la gravure française et à dissuader le public de se passionner pour les estampes anglaises, et le périodique quotidien est, selon ses dires, l’instrument idéal pour le réaliser. Il conseille donc au Journal d’oser assigner plus d’espace aux arts du dessin en général, d’offrir plus de détails à propos des œuvres annoncées, et de favoriser moins les petites publications imprimées aux dépens des estampes. En faisant tout cela, assure l’auteur de la lettre, le‘ Journal ’fait déclencher automatiquement le débat autour des arts visuels, engageant des artistes et des amateurs, ce qui ne peut que favoriser leur progrès. Autrement dit, l’avancement de l’art contemporain ne saurait passer, à la fin de l’Ancien Régime, qu’à travers le débat public, dont la presse périodique constitue un support fondamental.

Et pourtant, si la parole sur les arts visuels est assignée aux seuls initiés aux secrets des métiers du dessin et si l’on ne peut s’exprimer impunément sur les peintres contemporains‘ ’réunis sous la coupole de l’Académie Royale, comme le montrent d’ailleurs quelques exemples du Journal de Paris ’même, comment ce débat public, devenu si nécessaire à l’avancement des arts, serait-il possible ? Qui y prendrait partie et quelle en serait l’étendue ?

C’est toujours un correspondant du‘ Journal de Paris ’qui offre une réponse à ces questions, qu’il met en relation avec une fonction pédagogique du journal quotidien, la dernière des cinq que nous avons illustrées. L’auteur de la lettre avoue qu’ayant visité le Salon de 1787 et lu tous les ouvrages critiques qui le concernaient, il a été profondément déçu par la qualité douteuse de la critique d’art, qui, à ses yeux, cache son ignorance soit derrière une sévérité trop accentuée, soit derrière un faux enthousiasme et des éloges exagérés. Il constate avec amertume l’absence en France d’un‘ ’“‘ amour éclairé des arts ’”‘ , ’source d’intarissables‘ ’“‘ jouissances ’”‘ , ’qui n’appartient pas pour autant à un nombre limité d’élus, mais devrait être inspiré, à son sens, à toute la‘ ’“‘ Nation ’”‘ . ’Il explique par la suite la manière dont ce projet est réalisable :

‘(…) ce serait d’établir au milieu d’elle la plus grande étendue possible de connaissances dans ce genre, et à force d’instruction de nous acquérir ce tact, cette sûreté de goût qui, lorsqu’il est fortifié par la vue des grands ouvrages de l’Art, devient comme une sorte de sens qui ne nous permet plus de méconnaître le vrai beau.
Il y a quelques années, Messieurs, que votre Journal devint le centre d’une correspondance précieuse, à laquelle la France doit principalement de s’être éclairée sur un Art, qui, par la nature des sensations qu’il produit, et surtout par la force de nos préjugés, semblait présenter bien plus de difficultés qu’un autre dans l’analyse de ses effets et de ses moyens. Ce qu’on a déjà fait par rapport à la Musique, il serait aussi important de l’exécuter aujourd’hui par rapport aux arts du dessin. Que les gens de goût veuillent seulement vous communiquer leurs idées et leurs observations sur tout ce qui concerne les trois Arts ; cette sorte de publicité et les discussions utiles qui pourraient en résulter donneraient aux bons principes et la clarté et l’intérêt dont ils sont susceptibles ; vos Feuilles devenues ainsi le dépôt de toute ce qu’il y a sur ces objets de lumières éparses en France, ne tarderaient peut-être pas à produire une révolution que nous attendrions vainement d’aucune autre cause.
J’ose espérer, Messieurs, que vous voudrez bien concourir, avec tous ceux qui aiment et cultivent les arts, à l’exécution de ce projet. Quand il n’y aurait d’autre utilité que de nous donner tous les deux ans un seul bon tableau de plus et une seule critique de moins, ce double service que vous aurez contribué à rendre au Public ne pourra qu’ajouter infiniment à la reconnaissance qu’il vous doit déjà1079 ,

Le message du lecteur est bien clair : c’est à travers l’instruction que l’on répand dans la “Nation” l’amour éclairé des arts. Celle-ci comprend deux étapes : premièrement, la diffusion de l’enseignement des principes de l’art, qui a pour conséquence l’acquisition du “‘ tact ’”‘ ’ou du‘ ’“‘ goût ’”‘ . ’Cet élément charnière déclenche, dans un deuxième temps, à travers le contact régulier avec les œuvres d’art, la formation d’un “‘ sens ’”‘ ’particulier, permettant la reconnaissance du‘ ’“‘ vrai beau ’”‘ . ’L’auteur de la lettre est persuadé que la presse périodique et le‘ Journal de Paris ’en particulier, représentent l’instrument idéal pour y arriver. Sa confiance‘ ’dans le potentiel pédagogique du périodique quotidien est fondée sur un précédent : la correspondance autour de la querelle musicale entre gluckistes et piccinnistes, qui anime la feuille pendant les deux premières années de son existence. D’une part, la passion qu’a suscité cette correspondance musicale au sein du lectorat est la preuve même du pouvoir du journal périodique de contribuer à l’instruction du public et à l’évolution des arts. D’autre part, l’auteur de la lettre souhaite que le Journal donne lieu à une correspondance similaire dans le domaine des arts du dessin, ce qui implique que, en 1787, lorsque cette lettre est rédigée, ceci n’a pas été encore fait.

La correspondance dont il rêve accueillerait une discussion ouverte, régulière et polyphonique, entre personnes de goût, qui metterait sous les yeux des lecteurs un tableau de tous les principes qui régissent les trois arts visuels : peinture, sculpture et gravure. Grâce à son double mécanisme qui joint à la publicité étendue des idées le débat public, le Journal représente, selon le correspondant, la voie la plus sûre pour une‘ ’“‘ révolution ’”‘ ’dans le domaine des arts du dessin. Il paraît qu’à travers la voix d’un de ses correspondants, le Journal veuille renouveler, une décennie après sa naissance, un pacte avec ses lecteurs, quant à son rapport avec les arts visuels et réaffirmer également dans ce domaine son rôle de réformateur. Si pendant tout ce temps, il a n’a pas cessé de leur accorder une place privilégiée, en accueillant dans ses pages les nouvelles et les querelles artistiques, les nécrologies d’artistes et les observations critiques, il n’est pas encore parvenu à donner lieu à un débat sur les arts de la même ampleur et intensité que la correspondance sur la musique des années 1777 et 1778, dont il est à même de mesurer les conséquences. Autrement dit, parallèlement à la fameuse‘ ’“‘ libération des artistes ’”‘ ’des contraintes de la maîtrise, suite à la suspension de l’Académie de Saint-Luc en 1776, qui remplit ses premiers numéros, le quotidien de Paris souligne l’idée que les arts du dessin ont besoin d’un affranchissement à travers le débat public.

La vie artistique française se déroule, dans une grande mesure, sous le monopole académique, et qui plus est, la tolérance quant au discours critique sur les arts est extrêmement réduite, ce qui rend très pénible tout débat public sur les arts visuels. En même temps, dans les années 1780, l’art français ne peut plus exister, ni avancer en dehors de la sphère publique. Tous les deux ans, l’exposition du Salon du Louvre met sous les yeux d’un public hétérogène et enthousiaste les productions des artistes de l’Académie et donne lieu, en même temps, à une foule d’observations critiques, avec permis ou clandestines, adoptant des positions plus ou moins révérencieuses à l’égard de la corporation académique et de ses membres. Le Salon de peinture du Louvre est loin de constituer la seule image de la majesté‘ ’indiscutable de l’Académie, il représente la manifestation la plus claire de la jouissance du public devant les œuvres artistiques.

C’est à partir de ce point que le correspondant du‘ Journal ’entend réaliser la‘ ’“‘ révolution ’”‘ ’des arts à travers le périodique quotidien : il ne s’agit plus de nier la parole au public, désigné dans ce cas par le terme plus englobant de‘ ’“‘ nation ’”‘ , ’mais de mettre en place des projets visant à son instruction artistique, ce qui assurerait une critique plus éclairée, des tableaux meilleurs et une jouissance générale encore mieux ressentie. Si l’avancement des arts est désormais indissociable du discours qui les concernent, la presse périodique peut y contribuer en oeuvrant à la formation artistique du public. L’attitude du‘ Journal de Paris ’à l’égard des arts visuels révèle un double aspect de la critique d’art journalistique de la fin de l’Ancien Régime : d’une part, la nécessité de se montrer respectueuse et retenue quant aux artistes et à leurs productions, sous peine de sanctions, d’autre part, l’affirmation incessante de l’importance du débat public sur les arts, se manifestant sous la forme de la correspondance entre les lecteurs.

Notes
934.

Journal de Paris, 3 mai 1777, “Arts, A Mrs les Auteurs du Journal de Paris, par un artiste de l’ancienne Académie de Saint-Luc”.

935.

Ibidem, 22 mai 1777, “Arts, Lettre d’un Maître de la Communauté des Peintres, à celle d’un Artiste de l’ancienne Académie de Saint-Luc”.

936.

La première lettre sur la Chapelle de la Sainte Vierge de Saint-Sulpice est publiée justement le 25 août 1778, le jour de la fête de Saint-Louis, établi pour l’ouverture du Salon.

937.

En 1781, Antoine Renou rédige, pour le Journal de Paris, la nécrologie du graveur Pierre-Etienne Moitte et en souligant des qualités de père de l’artiste, il explique: “Il a laissé quare fils, qui sont tous entrés dans la carrière des Arts. L’un a pris la palette, l’autre le ciseau de Phidias, celui-là le compas de Vitruve, et enfin celui-là le burin de son père; ainsi M Moitte , non content de cultiver lui-même les Arts, il s’est plu à voir ses enfants s’élever autour de lui autant d’Artistes de différents genres” Il est donc possible que la famille du graveur Moitte ait servi de modèle à Renou pour ses lettres signées sous le pseudonyme de “marchand Bonnare” en 1780 et 1781.

938.

Ibidem, 10 septembre 1778, “Variétés”.

939.

Ibidem, 4 septembre 1780, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

940.

Ibidem, 23 août 1780, Arts, Aux Auteurs du Journal.

941.

Ibidem, 18 novembre 1788, “Arts, Aux Auteurs du Journal”

942.

Ibidem, 29 avril 1779, “Aux Auteurs du Journal ”.

943.

Ibidem, 22 mai 1777, “Lettre d’un Maître de la Communauté des Peintres en réponse à celle d’un Artiste de l’ancienne Académie de St Luc”.

944.

Ibidem, 24 mars 1781, “Variétés, Aux Auteurs du Journal”.

945.

Ibidem, 4 septembre 1780, “Arts, Aux Auteurs du Journal”; 5 septembre 1780, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

946.

Ibidem, 29 avril 1779, “Aux Auteurs du Journal”.

947.

Ibidem, 28 mars 1780, “Arts, 2e lettre du Rêveur”.

948.

Ibidem, 29 octobre 1780, “Variété, Aux Auteurs du Journal”.

949.

Ibidem, 8 novembre 1780, “Aux Auteurs du Journal”.

950.

Ibidem, 17 juillet 1782, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

951.

Ibidem, 18 octobre 1787, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

952.

Ibidem,16 août 1780, “Arts, Aux Auteurs du Journal”

953.

Ibidem, 5 septembre 1780, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

954.

Ibidem, 26 décembre 1782, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

955.

Ibidem, 5 novembre 1788, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

956.

Ibidem, 5 septembre 1781, “Aux Auteurs du Journal”.

957.

Ibidem, 30 mars 1781, “Variété, Aux Auteurs du Journal”.

958.

Ibidem, 24 avril 1780, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

959.

Ibidem, 22 novembre 1777, “Arts, Lettre aux Auteurs du Journal”.

960.

Ibidem, 4 décembre 1777, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

961.

Ibidem, 13 septembre 1785, “Arts”.

962.

Ibidem, 3 juillet 1782, “Arts, Lettre de M Roucher Aux Auteurs du Journal”.

963.

Ibidem, 29 janvier 1778, “Lettre aux Auteurs du Journal”.

964.

Pierre Casselle, Le commerce de l’estampe dans la moitié du 18e siècle, thèse de doctorat.

965.

Journal de Paris, 4 juillet 1780, “Gravure”.

966.

Ibidem, 29 juin 1781, “Gravure”.

967.

Ibidem, 25 mars 1782, “Gravure, Aux Auteurs du Journal”.

968.

Ibidem, 10 juillet 1779, “Aux Auteurs du Journal”.

969.

Ibidem, 17 mars 1784, “Gravure, Aux Auteurs du Journal”.

970.

Ibidem, 4 juillet 1779, “Gravure”.

971.

Ibidem, 20 avril 1785, “Arts”.

972.

Ibidem, 17 mars 1784, “Gravure, Aux Auteurs du Journal”.

973.

Ibidem, 21 octobre 1781, “Gravure ”.

974.

Ibidem, 27 janvier 1783, “Gravure”.

975.

Ibidem, 14 juin 1783, “Gravure, Aux Auteurs du Journal”.

976.

Ibidem, 25 janvier 1783, “Gravure, Note des Rédacteurs”.

977.

Ibidem, 17 novembre 1777, “Gravure”.

978.

Ibidem, 27 octobre 1782, “Gravure”.

979.

Ibidem.

980.

Ibidem, 9 février 1777, “Arts, Lettre première sur les arts, par un Ami des Artistes, aux Auteurs de ce Journal”.

981.

Les arts cependant supportaient impatiemment la servitude et désiraient de respirer un air qui leur est si naturel, celui de la liberté”, Ibidem, 12 février 1777, “Arts, Lettre seconde sur les arts aux auteurs de ce journal”.

982.

Ibidem, 1er septembre 1784, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

983.

Ibidem, 2 juin 1778, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

984.

Pahin de la Blancherie, Essai d’un tableau historique des peintres de l’Ecole française depuis Jean Cousin, en 1500, jusqu’en 1783 inclusivement, avec le catalogue des ouvrages des mêmes maîtres qui sont offerts à présent à l’émulation et aux hommages du Public, dans le Salon de la Correspondance, sous la diretion et par les soins de M de la Blancherie, Agent général de la Correspondance pour les sciences et les arts, (Paris, Knapen et Fils, 1783).

985.

Journal de Paris, 17 décembre 1779, “Nécrologie”.

986.

Ibidem, 11 mai 1781, “Variété, Aux Auteurs du Journal”.

987.

Ibidem, 1er juillet 1781, “Variété, Aux Auteurs du Journal”.

988.

Ibidem, 18 novembre 1781, “Variété, Aux Auteurs du Journal”.

989.

Ibidem, 3 août 1782, “Nécrologie”.

990.

Ibidem, 12 mai 1783, “Nécrologie”.

991.

Ibidem, 21 septembre 1786, “Nécrologie, Suite de la notice sur Pigalle

992.

L’Exposition de la Jeunesse se tenait bien chaque année depuis un temps immémorial, le jour de la petite Fête Dieu, à la place Dauphine, quand l’état de l’atmosphère le permettait; mais les exposants admis à accrocher leurs toiles et leurs dessins aux tapisseries tendues pour faire honneur à la procession, devaient les retirer dès que celle-ci se présentait; d’ailleurs il faut aller compulser les journaux ou les volumes de l’époque, devenus parfois rarissimes, pour rencontrer quelques lignes consacrées à ces exhibitions de courte durée faites sans ordre et sans contrôle; nous sommes parvenus déjà à recueillir des indications pour celles qui eurent lieu en 1772, 1723, 1725, 1734, 1761, 1767, 1770, 1771, 1772, 1773, 1783, 1787, 1788, 1789, la dernière qui se tint rue de Cléry, 96, dans la salle de vente du peintre Lebrun, Emile Bellier de la Chavignerie, Les Artistes français du XVIIIe siècle oubliés ou dédaignés, Extrait de la Revue universelle des arts, (Paris, Veuve Jules Renouard, 1865).

993.

Journal de Paris, 22 juin 1781, “Arts”.

994.

Les rédacteurs expriment leur désaccord quant à l’enthousiasme qu’a suscité un tableau par le peintre Garnerey en ces termes: “Ce bas relief est bien, mais les vrais connaisseurs ne s’enthousiasment point pour ces sortes d’imitations les moins difficiles en peinture, et qui, même portées au plus haut degré, ne donnent pas à un Artiste un mérite suffisante pour être admis à l’Académie Royale, Ibidem, 27 juin 1781, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

995.

Ibidem, 7 juin 1777, “Arts”.

996.

Ibidem, 11 juin 1777, “Arts”.

997.

Ibidem, 22 juin 1781, “Arts”.

998.

Ibidem, 18 juin 1784, “Arts”; En 1789 on essaye de remédier aux inconvénients dûs au mauvais temps en transportant l’exposition de la Jeunesse dans un local fermé. Le marchand de tableaux Le Brun envoie au Journal de Paris une lettre dans laquelle offre aux exposants sa propre salle de vente: “Le désir que j’ai d’être utile à un art que j’aime, et auquel j’appartiens depuis mon enfance, m’a fait naître une idée que je soumets et que je vous prie de vouloir bien rendre publique par la voie de votre Journal. Les jeunes Artistes de l’un et de l’autre sexe, qui veulent recueillir des avis et des encouragements sur leurs tableaux et sur leurs dessins, sont dans l’habitude de les exposer tous les ans à la place Dauphine, au risque de les voir gâter par la poussière, la pluie ou par quelque autre accident plus redoutable encore. J’ai pensé que la grande salle que j’ai fait construire, rue de Cléry n°96, leur offrirait un local plus vaste, beaucoup plus commode, exempt surtout des inconvénients attachés à une exposition faite en plein air, L’exposition organisée en 1789 dans la salle de vente de rue Cléry fut d’ailleurs la dernière. Ibidem, 14 juin 1789, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

999.

Ibidem, 19 juin 1787, “Arts”.

1000.

Ibidem, 18 juin 1784, “Arts”.

1001.

Ibidem, 25 juin 1786, “Arts”.

1002.

Ibidem, 27 juin 1781, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1003.

Ibidem.

1004.

Le Rédacteur qui a rendu compte des Tableaux exposés à la place Dauphine a avancé que le Tableau de Mlle la Ville l’aînée, représentait l’instant où le frère de Clarisse sort pour se battre avec Lovelace. (…) C’est une erreur par rapport au tableau’, Ibidem, 5 juin 1788, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1005.

Dans l’article sur l’exposition des Tableaux à la place Dauphine, inséré dans la Feuille de Mardi dernier, nous avons parlé avantageusement des talents de Mlle Nanine; cette Artiste, âgée de 19 ans, se nomme Nanine Vallain”, Ibidem, 21 juin 1787, “Arts”.

1006.

Ibidem, 25 juin 1786, “Arts”.

1007.

Ibidem, 27 juin 1783, “Arts, Exposition de la place Dauphine”.

1008.

Ibidem, 12 juin 1779, “Arts”.

1009.

Ibidem, 28 juin 1783, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1010.

Ibidem, 19 juin 1787, “Arts”.

1011.

Ibidem, 11 juin 1777, “Arts”.

1012.

Ibidem, 22 juin 1781, “Arts”.

1013.

Ibidem, 22 juin 1781, “Arts”.

1014.

Mme Guyard est un des 15 noms de femmes inscrits dans les registres de l’Académie Royale de peinture et de sculpture de l’Ancien Régime. Elle participe en 1774 à l’exposition de l’Académie de St Luc, en 1782 elle se présente à l’Académie Royale avec le projet ingénieux de faire les portraits des membres de l’institution et en 1783, elle y est admise, avec Elisabeth Vigée-Le Brun. Voir Octave Fidière, Les femmes artistes à l’Académie Royale de peinture et de sculpture, (Paris 1885).

1015.

Journal de Paris, 7 juin 1782, “Arts, Exposition de la place Dauphine”.

1016.

Ibidem, 13 juin 1782, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1017.

Ibidem, 28 juin 1783, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1018.

Ibidem, 18 juin 1784, “Arts”.

1019.

Ibidem, 8 février 1781, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1020.

Ibidem.

1021.

Voir ci-dessous le chapitre Information artistique et intertextualité.

1022.

Journal de Paris, 9 juillet 1785, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1023.

Ibidem.

1024.

Ibidem.

1025.

Ibidem, 6 février 1779, “Aux Auteurs du Journal”.

1026.

Ibidem, 22 novembre 1785, “Arts, A Mlle de Beaulieu, peintre et Académicienne de l’Académie de St Luc à Rome”.

1027.

Ibidem, 22 mai 1788, “Arts”.

1028.

Pierre Casselle, Le commerce de l’estampe dans la deuxième moitié du 18e siècle, thèse de doctorat..

1029.

Journal de Paris, 11 mars 1778, “Gravure”.

1030.

Ibidem, 24 août 1778, “Gravure”.

1031.

Ibidem, 8 décembre 1781, “Gravure”.

1032.

Ibidem, 16 avril 1778, “Gravure”.

1033.

La lettre signée par Renou du 16 mars 1780 est suivie par une brève note d’approvation portant la signature de Vernet: “Excepté le bien que M Renou dit de moi dans sa lettre, j’approuve tout ce qu’elle contient; je pense comme lui sur les Estampes dont il s’agit. Je déclare donc formellement que je les désavoue comme ne méritant point de faire partie de mon oeuvre et d’y figurer avec les belles figures de Mrs Cochin , le Bas, Aliamet, et autres.

1034.

Ibidem, 1er mars 1780, “Gravure, Aux Auteurs du Journal”

1035.

Ibidem, 16 mars 1780, “Gravure, Aux Auteurs du Journal”.

1036.

C’est par le terme “images” que Renou désigne les dessins de Vernet que David veut faire passer pour des tableaux et que le peintre lui-même semble considérer comme indignes de sa réputation.

1037.

Journal de Paris, 16 mars 1780, “Gravure, Aux Auteurs du Journal”.

1038.

Ibidem, 24 avril 1780, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1039.

La fausse annonce est insérée dans le numéro du Journal de Paris du 20 juillet 1777.

1040.

Journal de Paris, 24 juillet 1777, “Gravure”.

1041.

“(…) la basse jalousie s’est complue à (…) discréditer la beauté, en déclarant, avec un air de franchise, que M Beauvarlet occupait ses élèves aux draperies, et ne se réservait que le travail des têtes et surtout des mains. Nous avons cru que ce pouvait être un usage parmi MM les Graveurs; mais nous avons appris encore de M Beauvarlet lui-même qu’un Artiste jaloux de sa réputation, ne trouve rien d’indigne de ses soins, et que particulièrement dans cette estampe, il n’avait rien négligé”, Ibidem.

1042.

Les journalistes assurent : “Nous prendrons dorénavant des mesures pour éviter les pièges, et d’y faire prendre ceux qui nous les tendent, sans pour autant expliquer comment ils entendent s’y prendre”, Ibidem.

1043.

Ibidem, 31 août 1778, “Arts”.

1044.

Ibidem, 2 septembre 1778, “Aux Auteurs du Journal”

1045.

Ibidem.

1046.

Ibidem, 19 mars 1782, “Arts”.

1047.

Ibidem, 15 juin 1788, “Arts”.

1048.

Ibidem, 21 juillet 1788, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1049.

Ibidem, 18 novembre 1788, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1050.

Ibidem, 27 novembre 1788, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1051.

Ibidem, 6 août 1780, “Arts, Avis aux Amateurs de Peinture. Moyen de conserver sans altération les Tableaux peints à l’huile”.

1052.

Ibidem, 28 décembre 1781, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1053.

Ibidem, 16 août 1780, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1054.

Ibidem, 12 septembre 1778, “Aux Auteurs du Journal”.

1055.

Ibidem, 28 mars 1780, “Arts, 2e Lettre du Rêveur”.

1056.

Au début de sa deuxième intervention au Journal, “Le Rêveur” avoue avoir puisé son idée à une lettre par Antoine Renou, qui explique les avantages du règlement sur la gravure de 1777 : “M Renou en a très bien développé toute la sagesse et ce règlement m’a conduit à d’autres idées. Je me suis dit à moi-même, si le Roi défend de porter atteinte à la réputation des Artistes, par une t raduction informe, à combien plus forte raison, ne devrait-on pas veiller à ce que les chefs-d’œuvre eux-mêmes ne fussent point altérés et enfin détruits”.

1057.

Journal de Paris, 28 mars 1780, “Arts, 2e Lettre du Rêveur”.

1058.

Le supérieur des Jacobins observe à propos de la restauration d’une Naissance de la Vierge, peinte sur bois par Valentin: “Ce tableau, cité dans un des plus beaux dont la France soit en possession, était devenu méconnaissable par les ravages du temps. Le bois était pourri et une grande partie de la peinture levée par écailles. Nous cherchions les moyens de conserver les restes d’un morceau si précieux, lorsque le sieur Dubuquoy s’offrit il y a environ trois mois de détacher la peinture du bois et de faire revivre les couleurs. Ce qu’il a fait avec tant de succès, que le tableau paraît tel qu’il a dû sortir des mains de son célèbre Auteur. Nous croyons devoir ce témoignage authentique de notre satisfaction aux talents supérieurs de ce jeune Artiste”. Ibidem, 12 août 1778, “Arts Aux Auteurs du Journal”. La deuxième lettre parle de la restauration réussie d’une Descente de Croix attribuée à Le Brun. Ibidem, 30 décembre 1778, “Aux Auteurs du Journal”.

1059.

Ibidem, 20 août 1779, “Aux Auteurs du Journal”.

1060.

Ibidem, 28 août 1779, “Aux Auteurs du Journal”.

1061.

Ibidem, 13 septembre 1779, “Aux Auteurs du Journal”.

1062.

Colin B. Bailey, Patriotic Taste, Collecting Modern Art in Pre-Revolutionary Paris, (Yale University Press, 2002).

1063.

Journal de Paris, 11 octobre 1777, “Aux Auteurs du Journal”.

1064.

Le critique du Salon de 1783 rappelle avec la même nostalgie, les six tableaux de Vernet partis pour l’étranger, en suggérant que ce départ prive également le Salon des oeuvres de l’artiste: “M Vernet n’a exposé cette année que quatre tableaux sous le n°37. Ce sont probablement les six grands Tableaux qu’il a composés pour le Prince des Asturies, qui nous ont privés d’un plus grand nombre de ses Ouvrages. On peut dire qu’il fait assez pour sa gloire et trop peu pour nos plaisirs”. Ibidem, 17 septembre 1783, “Arts, Peinture, Suite de la Lettre sur le Salon”.

1065.

Ibidem, 8 novembre 1782, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1066.

Ibidem, 21 novembre 1784, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1067.

Ibidem, 13 mars 1783, “Arts, Aux Auteurs du Journal”; Rappelons toutefois que le Salon de la Correspondance n’est accessible qu’aux membres de l’association ouverte par Pahin de la Blancherie. Dans une lettre publiée le 3 mars 1779, Millon, Conseiller au Châtelet se plaint au Journal de Paris de n’avoir pas été accepté à une de ses assemblée, sous prétexte qu’il n’était connu ni par l’agent général, ni introduit par un artiste.

1068.

Ibidem, 30 septembre 1785, “Gravure”.

1069.

A côté de l’idée de révitalisation de la peinture d’histoire, la constitution d’un musée national représente le deuxième volet important du projet de réforme des arts visuels mis en place par d’Angiviller dans les années 1780, et que le Journal de Paris résume dans ces termes : “Non content d’avoir fixé une commande annuelle des travaux pour ranimer les talents souvent engourdis dans l’inaction, [d’Angiviller ] a conçu le projet d’entretenir l’union et l’enthousiasme même, dont le Public paraît s’enflammer de plus en plus pour les Arts, en étalant sous les yeux la riche Collection des Tableaux du Roi, les Plans bientôt transportés aux Invalides, vont leur céder la place qu’ils occupaient dans cette galerie immense qui conduit du Salon au château des Tuilleries”.

1070.

Thomas Crow, La peinture et son public au dix-huitième siècle, (Paris, Macula, 2000).

1071.

Andrew McClellan, Inventing the Louvre: Art, Politics and the Origins of the Moderne Museum in Eighteenth-century Paris, (University of California Press, 1999).

1072.

Journal de Paris, 30 mars 1777, “Arts, Lettre cinquième et dernière sur la situation actuelle des Arts en France”.

1073.

Ibidem, 4 mars 1777, “Seconde Lettre du Marin”.

1074.

Ibidem, 27 mai 1780, “Arts”.

1075.

Ibidem, 12 septembre 1779, “Arts, Suite de l’examen du Salon”.

1076.

Ibidem, 17 avril 1787, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1077.

Le correspondant observe que les idées réformatrices et à portée patriotique ne sauraient être réalisées sans un instrument puissant, tel le journal quotidien. Il souligne également l’utilité que son projet d’encouragement de la gravure française aurait sur le commerce national : “(…) rien dorénavant de ce qui nous vient d’Angleterre n’aura place dans mon cabinet ; mais encore une fois, Messieurs, c’est à vous que je confie le soin de cette révolution que l’exemple d’un seul particulier ne saurait opérer. Nos Graveurs sentiront aisément tout ce qu’elle doit leur procurer d’avantages, et considérée sous un point de vue politique, vous calculerez mieux que moi le poids de ce qu’elle peut jeter dans la balance de notre commerce’. Ibidem.

1078.

Ibidem.

1079.

Ibidem, 24 octobre 1787, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.