Le secrétaire de l’Académie

Outre qu’artiste aspirant et, par la suite, membre de l’Académie de peinture et de sculpture, Antoine Renou y occupe une fonction importante, qui révèle une autre facette de sa personnalité : le 24 février 1776, il est élu secrétaire adjoint de Charles-Nicolas Cochin, qui était, depuis 1755, secrétaire en titre de cette institution. Si Cochin avait joui, dès les années 1750, d’une grande influence au sein de l’Académie, avec l’arrivée du comte de d’Angiviller, en 1775, il commence à perdre son pouvoir, surtout sous l’influence de Jean-Baptiste Marie Pierre, peintre du Roi, qui nourrit une hostilité manifeste à son égard. Dans une lettre au secrétaire de l’Académie de Marseille du 2 janvier 1779, Cochin avouait sa perte d’influence :‘ ’“‘ J’ai encore, il est vrai, le titre de Secrétaire de l’Académie royale, mas je n’exerce presque plus aucune fonction ’”.

Cochin avait exprimé à plusieurs reprises, à la direction de l’Académie, le désir d’avoir un successeur et il pensait en premier lieu, à Nicolas-Bernard‘ ’Lépicié, fils de son propre prédécesseur. Ce choix lui aurait permis de continuer à exercer son contrôle sur les décisions de l’Académie, sans être contraint d’être présent à toutes les séances. Cochin renouvelle sa demande en 1775 et Pierre y répond en faisant élire non Lépicié, mais l’un de ses anciens élèves, Antoine Renou. L’élection de Renou dans le poste de secrétaire adjoint constitue donc, une solution officielle du premier Peintre pour écarter l’ancien secrétaire de l’Académie1135.

De plus, la position de Renou n’est pas sans soulever quelques difficultés à caractère protocolaire, dans la mesure où, en 1776, il n’est qu’un simple agréé, et que par conséquent, il n’a pas le droit de participer aux séances de l’Académie1136. ’Dans une lettre adressée à Pierre, le comte d’Angiviller remarque, à propos de la place du nouvel adjoint au secrétaire :‘ ’“‘ Vous me marquez que, lorsqu’il en a anciennement eu, cet officier se plaçait à la suite des conseillers de l’Académie, entre les deux ’ ‘ adjoint aux professeurs d’anatomie et de perspective ; je ne vois rien à changer à cet usage ’”1137.‘ ’On décide donc de le placer auprès de l’adjoint à professeur de perspective, et on dispose qu’il n’aurait de voix délibérative que dans les assemblées où il ferait fonction de secrétaire1138. ’Alors qu’il domine nettement l’adjoint Renou, Pierre fait en sorte que le secrétaire Cochin occupe une place marginale dans les séances de l’Académie, ce qui correspond non seulement à une perte de pouvoir, mais aussi à un discrédit de l’image de celui-ci en dehors de l’Académie1139. ’Dans une lettre au directeur des Bâtiments, Pierre signale la particularité du statut de secrétaire de l’Académie de peinture et de sculpture, tout en désignant le cas de Cochin comme une exception à la règle :

‘C’est une différence essentielle entre notre Académie et toutes celles que l’on met souvent en avant ; par notre constitution, le secrétaire n’a aucune part à l’administration, il est de tout, a la voix surtout, sans se mêler de rien décider, Si M Cochin a joué un autre rôle c’est par les circonstances. J’accorde que les secrétaires des autres académies ont presque toute la prépondérance ; mais ils sont ordinairement l’âme de leur compagnie, les représentants perpétuels ; d’autant que les directeurs passent comme des décorations ; dans les académies de peinture et d’architecture, il y a une masse d’officiers permanents. Les secrétaires malhonnêtes qui ont la manie de dominer, ne le peuvent que par le secours de l’intrigue (…)1140.’

Ceci dit, Pierre laisse entendre qu’avec l’arrivée de Renou dans le poste de secrétaire adjoint, l’ère de Cochin est achevée et que cette fonction retrouve son humilité traditionnelle. ‘ Plus qu’un titre convoité, celui de ’secrétaire de l’Académie semble finalement mettre l’agréé Renou dans une position plutôt ingrate. Successeur non désiré de l’ancien secrétaire, il usurpe malgré lui l’influence du vétéran Cochin, et joue le rôle de pion servant aux ambitions de pouvoir du premier peintre Pierre. Son siège n’est ni haut, ni bas, sa position est provisoire et subordonnée, devant substituer le secrétaire perpétuel en titre jusqu’en 1790. Sa position ne nous semble pas propice pour pouvoir faire entendre sa voix de façon distincte au sein de l’Académie. La collaboration au Journal de Paris ne serait-elle donc pas, pour lui, une occasion intéressante de faire entendre sa voix de secrétaire peu influent, une manière d’exprimer ce que l’espace trop étroit de sa fonction ne lui permettait pas ?

La version que donne Nicolas Ponce à propos de la nomination de Renou dans la fonction de secrétaire adjoint de l’Académie est décidément différente de celle que nous venons d’exposer : “‘ M Cochin ’ ‘ , depuis longtemps secrétaire perpétuel de cette Académie, désirant s’adjoindre l’un de ses ’ ‘ confrères pour le suppléer au besoin, les talents littéraires de M Renou ’ ‘ le firent préférer à tous ses concurrents : il fut nommé à cette place en 1776 ’”1141.‘ ’En soutenant que c’est Cochin même qui a choisi Renou comme successeur au poste de secrétaire de l’Académie, et que le critère principal de ce choix furent ses compétences littéraires, Ponce semble‘ ’vouloir offrir à la postérité une vision lumineuse de l’accès de son ami aux rouages de la Compagnie.

D’autres critiques du XIXe siècle ont des opinions partagées sur la fonction de secrétaire de Renou. Charles-Paul Landon, auteur d’une notice sur Renou insérée dans le‘ Salon de 1808 ’semble apprécier plus le secrétaire que le peintre et le littérateur : “‘ (…) il fut attaché à un corps respectable, et y remplit les fonctions de secrétaire d’une manière distinguée et digne d’éloge. Affable et obligeant, il sut se faire estimer par la candeur et la solidité de ses principes ’”1142.

Les‘ Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des Membres de l’Académie Royale ’avancent l’hypothèse de l’élection de Renou au poste de secrétaire comme une conséquence de la fatigue et de la perte d’efficience de son prédécesseur, Cochin :‘ ’“‘ (…) soit que l’Académie n’ait pas été absolument satisfaite de son service, soit qu’elle ait voulu épargner la fatigue à sa main déjà vieillie, elle nomma le 24 février 1776 un secrétaire adjoint qui fut Antoine Renou ’”.‘ ’Toutefois, les auteurs des Mémoires n’ont pas une opinion favorable du successeur de Cochin, qu’ils considèrent‘ ’“‘ encore moins fécond ’”‘ ’que l’ancien secrétaire. De plus, ils lui reprochent de borner son exercice de secrétaire à la rédaction, pour le Journal de Paris, d’articles nécrologiques sur ses collègues disparus. “‘ Mais, ’ajoutent-ils‘ , il le faisait en son nom et non pas comme secrétaire ’”1143. ’Autrement dit, Renou est non seulement critiqué pour son manque de poids en tant que secrétaire de l’Académie, mais aussi pour sa tendance à personnaliser son exercice. Au lieu de s’exprimer, lorsque l’occasion se présente, au nom de l’institution qu’il représente, il donnerait voix à ses propres opinions.

Quelles sont donc ces lettres signées par Renou secrétaire dans la feuille parisienne ? Quel est leur contenu ? Y repère-t-on la voix du secrétaire de l’Académie ou plutôt celle de Renou ? Après les premières lettres envoyées au Journal sous divers pseudonymes, Antoine Renou commence à mettre en bas de ses articles sa propre signature, lorsqu’il publie les nécrologies des artistes de l’Académie. Dans ces cas, tantôt il signe par son initiale “R”, tantôt par son seul nom‘ ’“‘ Renou ’”‘ , ta ’ntôt par sa fonction complète, “‘ Renou ’ ‘ , Secrétaire (Adjoint) de l’Académie de Peinture et de Sculpture ’”.

Renou se charge de la rédaction des notices nécrologiques de ses collègues de l’Académie en sa qualité de peintre, témoin fiable du travail, des talents et de la vie des artistes, mais aussi en tant que secrétaire, connaisseur des rouages internes de l’institution, investi de la tâche de conservateur de la mémoire des faits et des hommes qui constituent l’histoire de la Compagnie. “‘ J’aime rendre à la mémoire de mes Confrères, le tribut que je crois leur être dû ’”‘ , ’affirme-t-il au début de la nécrologie de Noël Hallé, et ajoute : “‘ Je pense même que le devoir de ma place m’en impose la loi ’”1144 ’Entre 1777 et 1787, Renou signe dans le‘ Journal de Paris ’les nécrologies de treize artistes : les sculpteurs Guillaume Coustou et Jean-Baptiste Le Moyne, les peintres Michel-Ange Challes, Nicolas-Sébastien Adam, Jean-Baptiste Chardin, Jean-Baptiste Le Prince, Dumont le Romain, Noël Hallé, des agréés Théaulon, de la Rue et Hoffman et l’architecte Jacques-Germain Soufflot.

D’une part, Renou y adopte un style sobre et dépouillé et, dans ce sens, il semble prêter sa voix de secrétaire à l’Académie pour faire l’éloge de ses artistes disparus. Le 17 juillet 1777, il annonce aux lecteurs du‘ Journal : ’“‘ L’Académie Royale de peinture et de sculpture vient de perdre, dans M Coustou ’ ‘ , l’un de ses plus grands sculpteurs : témoin de ses regrets et les partageant, je m’empresse d’aller au devant de vos recherches ’”1145.‘ ’En 1781, la nécrologie d’Etienne Aubry commence ainsi : “‘ L’Académie Royale de Peinture et de Sculpture déplore la perte de M Etienne Aubry ’ ‘ , successivement peintre de portraits, de genre et d’histoire, décédé dans la 36e année de son âge ’”1146.‘ ’En faisant l’éloge du jeune agréé Théaulon, Renou remarque‘  : ’“‘ Ses talents, qui n’ont point eu le temps d’acquérir une pleine maturité, le font regretter de la Compagnie, à laquelle il appartenait ’”1147. ’A propos du sculpteur Le Moyne, le‘ ’secrétaire adjoint note que‘ ’“‘ l’Académie perd en lui un de ses Sculpteurs les plus renommés et le plus connus par des travaux publics ’”1148.

Dans ces exemples, Antoine Renou joue le rôle de héraut de l’Académie, de gardien de sa mémoire et de témoin digne de confiance, il est celui qui, doué d’une oreille fine et d’une plume leste, fait part au public des artistes que la mort lui a enlevés1149, ’en assurant de cette manière la victoire de la Compagnie sur la mort elle-même. D’autre part, certaines nécrologies signées par Renou font plutôt passer les idées et les émotions de l’homme que de l’officier académique. Renou n’hésite pas à exprimer son chagrin et ses regrets sincères à propos des artistes auxquels il était attaché par une amitié profonde. En 1779, il écrit à propos de Chardin :

‘L’Amitié dont il m’honorait, la vénération que j’ai toujours eue pour sa personne et pour ses talents, les premières leçons que j’ai reçues de lui dans mon Art, exigent de moi ce tribut. Quoique entré dans une autre carrière que la sienne, je l’ai toujours regardé comme un Maître et un guide sûr, dont les principes puisés dans l’étude éternelle de la nature pouvaient m’empêcher de m’égarer. Heureux ! Si j’eusse pu mettre à profit toutes ses leçons1150.’

En parlant de l’architecte Soufflot, Renou souligne d’emblée l’amitié qui le liait à cet artiste : “‘ Je l’ai connu, il m’a obligé. Je crois donc de mon devoir de joindre aux notices que vous m’avez communiquées, ce que j’ai su et vu par moi-même ’”.‘ ’Plus loin, il révèle un détail concernant la passion commune pour les lettres, ainsi que leur complicité :‘ ’“‘ Il cultivait les lettres, mais sans en tirer vanité. Il m’a lu plusieurs morceaux de Métastase traduits en vers avec grâce et précision, en me recommandant de taire les amusements de ses loisirs. Je ne crois pas offenser son ombre, en trahissant ce secret ’”1151. ’En 1781, il commence sa notice nécrologique dédiée à Le Prince‘ ’par une observation touchante, qui va au-delà de la rhétorique de secrétaire de l’Académie :‘ ’“‘ Si quelque chose peut consoler de la perte d’un véritable ami, c’est la douceur d’en parler, c’est ce plaisir si touchant pour le cœur de rendre un hommage public à ses belles qualités ’”‘ . ’A la fin de la lettre, en évoquant les derniers jours de Le Prince, Renou donne libre voix à l’émotion :

‘Oui, la douleur a brisé ce vase fragile et rempli d’une liqueur si précieuse. Enfin luttant contre la noire mélancolie, contre la mort qui le poursuivait, l’amour de son talent a ranimé ses forces pour terminer le Tableau qui a été exposé les derniers jours du Salon. Il se faisait, de son lit, porter son chevalet, travaillait quelques moments et se recouchait… Je m’arrête… Je sens que je vais mouiller de pleurs le portrait que je fais de mon ami. 1152

Renou se sert de son image de secrétaire de l’Académie pour intervenir à plusieurs reprises, dans le Journal, en faveur de quelques’uns de ses collègues. En 1780, il se fait le porte-parole de Joseph Vernet contre le graveur David, après que le second a imprimé des gravures d’après des dessins du premier, sans la permission de celui-ci. Endossant sa fonction d’officier de l’Académie, Renou cite et explique la loi VIII de la Déclaration du Roi de 1777, sur la gravure, dont il souligne l’importance pour le respect de la propriété artistique et la défense de la réputation de l’artiste1153. En 1787, Renou intervient, en revanche, pour dénoncer l’architecte Gisors, soupçonné de s’être emparé d’un projet de place pour le Roi sur le Pont-Neuf, dont l’auteur serait son ami, l’architecte Antoine1154. Dans ces lettres, Renou se sert de son image de secrétaire pour plaider la cause d’artistes de l’Académie, qui sont à la fois, ses amis. C’est encore sa double appartenance à l’institution académique, en tant que peintre et secrétaire, à laquelle s’ajoute une certaine galanterie qui lui est propre, qui le poussent à prendre la défense des femmes peintres en 1785, discréditées par un collègue journaliste1155. Finalement, on retrouve la plume officielle du secrétaire adjoint dans un extrait des Registres de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, qui certifie le passage de propriété du secret pour des crayons au pastel, de son auteur Dumarest à un acquéreur de nom Nadaux :

‘Nous, soussigné, Peintre ordinaire du Roi et Secrétaire-Adjoint de son Académie Royale de Peinture et de Sculpture, certifions que l’Extrait ci-dessus est conforme à l’original, et que lesdits Crayons en pastel des différentes espèces en nombre de seize, que fabrique et qu’a perfectionné le sieur Nadaux d’après les procédés du sieur Dumarest, conservent toujours leurs qualités énoncées, c’est-à-dire la même couleur et le même degré de fermeté et de mollesse, qui leur a été donné d’abord et que l’usage depuis nombre d’années en a été reconnu très bon par l’Académie.
En foi de quoi nous lui avons expédié le présent Certificat, etc. Signé RENOU’

Le 27 juin 1777, le Journal annonce la présentation des quatre premiers cahiers des Estampes Topographiques du Voyage d’Italie, en y joignant une lettre signée par Renou, secrétaire adjoint de l’Académie, qui marque la satisfaction de l’institution à propos de cette série1156. C’est toujours en sa qualité de secrétaire, que Renou signe une brochure de 8 pages, publiée aux frais de l’Académie et parue le 20 avril 1780, intitulée Secret de fixer le pastel, inventé par M Loriot , et publié par l’Académie de Peinture et de Sculpture, en 1780, qui décrit les circonstances dans lesquelles ce secret a été rendu public. Après avoir été encouragé par le marquis de Marigny, ancien directeur des Bâtiments, Loriot, explique la brochure, décide de révéler son secret au public, aux instances du comte de d’Angiviller1157. Le 6 mai 1780, le Journal de Paris publie un article sur le secret de Loriot, composé de quelques extraits de la brochure signée par Renou, sans spécifier pour autant la source des informations. Il nous semble, d’une part, que le Journal de Paris représente pour Renou une occasion de mettre en évidence, voire de consolider, en dehors de l’Académie, son image de secrétaire adjoint et d’autre part, que sa fonction lui permet d’exprimer ses propres idées et opinions sur les arts.

C’est avec la mort de Cochin, en 1790, lorsqu’il devient secrétaire perpétuel de l’Académie, et dans un contexte politique et artistique marqué par des bouleversements et des changements rapides, qu’Antoine Renou est mis dans la situation d’exercer sa fonction avec plus d’intensité. Si les auteurs des Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des Membres de l’Académie considèrent Renou“‘ encore moins fécond ’”‘ ’que Charles-Nicolas Cochin, en tant que secrétaire de l’Académie, ils admettent en revanche son engagement de défenseur de l’institution après 1790 : “‘ il faut dire pourtant que, dès que l’Académie fut menacée par des idées nouvelles, Renou ’ ‘ se hâta de la défendre ’”1158.‘ ’Henry Jouin dédie également une partie importante de sa monographie aux prises de position de Renou, en faveur de l’Académie d’après la Révolution.

A partir de 1789, l’Académie de peinture et de sculpture se fracture en deux groupes d’artistes, dont un premier, ayant à sa tête le peintre Jacques-Louis David plaide avec force pour des changements radicaux dans les statuts de l’institution, tandis que l’autre lutte pour le maintien de l’ancien ordre. D’abord dans l’ombre de Vien, nouveau directeur de la Compagnie, et par la suite, parlant en son propre nom, Renou ne cesse de mettre sa plume au service des statuts de l’Académie, datant de l’Ancien Régime.

Le 22 mai 1790, il signe‘ Esprit des statuts et règlements de l’Académie Royale de peinture et de sculpture, pour servir de réponse aux détracteurs de son régime, ’mémoire conciliateur des deux groupes adversaires. Le 20 juin de la même année, il répond à l’une des trois attaques contre l’Académie, du politique, archéologue et critique d’art Quatremère de‘ ’Quincy, dans une brochure intitulée‘ Réfutation de la ’“Seconde suite aux Considérations sur les arts du dessin”‘ . ’A l’accusation lancée à l’Académie de s’ériger en‘ ’“‘ juge sans appel de tous les talents ’”‘ , Renou ’ ‘ rétorque que celle-ci ’“‘ exerce sa puissance de juge non sur les talents, mais sur l’opinion publique ’”1159. ’Il se déclare absolument contraire à l’ouverture du Salon à tous les artistes, proposée pour l’année 1791 et sanctionnée par l’Assemblée Nationale au mois d’août, tout aussi bien qu’à l’abolition des prix, des médailles et des places privilégiées pour les élèves méritants, considérés comme des moyens pour exciter l’émulation, indispensable au progrès des arts.

Au début de 1792, dans‘ Adresse à l’Assemblée Nationale, relativement aux patentes pour les lettres, les sciences et beaux-arts, ’Renou plaide en revanche pour l’exemption de patente des artistes, au nom de leur affranchissement des contraintes du système corporatif, obtenu par la Déclaration ’royale de 17771160. ’Conçu comme une initiative personnelle, le texte de Renou est voté pour l’impression par l’Académie, chaque membre en ayant droit à deux exemplaires et, qui plus est, on décide de reconnaître le dévouement de son auteur en lui assignant une gratification de 1200 livres.

Pendant que l’Académie est supprimée en 1793, Renou se bat pour la conservation des écoles d’enseignement, expliquant aux pouvoirs publics le dommage que constituerait leur fermeture pour la formation des artistes. Grâce à son intervention, l’école maintint ses salles du Louvre et Renou fut nommé survéillant des Ecoles spéciales de peinture1161, ’unique intermédiaire autorisé entre les étudiants et le pouvoir. En 1795, il réussit à exempter un jeune artiste du nom Callot du service militaire, ce qui l’encouragea à plaider pour une exemption générale de tous les élèves de l’école1162. ’Les exemples énumérés ci-dessus mettent le secrétaire Renou, successeur indésiré de Cochin et pion subordonné à l’autorité de‘ ’Pierre, dans une lumière nouvelle et plus favorable. Ses nombreuses batailles d’après la Révolution se concentrent sur la défense de l’ancien ordre de l’Académie de peinture et de sculpture, révélant chez lui un attachement sincère à l’institution qui l’a accueilli dans son sein et une foi authentique dans ses anciennes valeurs. Ecoutons Nicolas Ponce célébrer Renou dans sa fonction de secrétaire perpétuel :

‘Chargé plusieurs fois, soit pour l’intérêt général des arts, ou pour l’intérêt particulier des artistes, de porter au sein de l’Assemblée nationale, ou auprès des grandes autorités de l’Etat, les vœux ou les demandes de ses confrères, il remplit toujours ces importantes missions avec le courage du devoir et le zèle de l’amitié1163.’
Notes
1135.

Christian Michel, Charles-Nicolas Cochin et l’Art des Lumières, p. 155,(Ecole Française de Rome, Palais Farnèse, 1993).

1136.

L’Académie de peinture et de sculpture est une institution hiérarchisée, où l’étiquette occupe une place très importante. Selon le règlement, les simples académiciens prenaient place aux séances sur des tabourets, les professeurs et les conseillers s’asseyaient sur des chaises, tandis que le directeur, le chancelier, le recteur et le professeur en exercice avaient droit à des fauteuils. Ibidem, pp. 155-156.

1137.

Marc-Furcy Raynaud (éditeur), Correspondance de M d’Angiviller avec Pierre ds Nouvelles archives de l’art français, 3e série, tomes XXI, XXII, D’Angiviller à Pierre, 6 novembre 1777, (Paris, Schemit, 1906, 1907).

1138.

Antoine Renou, premier secrétaire de l’école nationale des beaux-arts.

1139.

Christian Michel montre que Charles-Nicolas Cochin finit par céder même les honoraires de secrétaire de l’Académie, Charles-Nicolas Cochin et l’Art des Lumières, p. 165.

1140.

Correspondance de M d’Angiviller avec Pierre, Pierre à d’Angiviller, 27 septembre 1784.

1141.

Mélanges sur les Beaux-Arts.

1142.

Salon de 1808, notice “Renou”.

1143.

Mémoires inédits sur les ouvrages des Membres de l’Académie Royale de peinture et de sculpture, Introduction, p.XXXI.

1144.

Journal de Paris, 1er juillet 1781, “Variété, Aux Auteurs du Journal”.

1145.

Ibidem, 17 juillet 1777, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1146.

Ibidem, 28 septembre 1781, “Variétés, Aux Auteurs du Journal”.

1147.

Ibidem, 15mai 1780, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1148.

Ibidem, 4 juin 1778, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1149.

La mort a encore enlevé à l’Académie le 27 mars de cette année M Nicolas-Sébastien Adam , Sculpteur, âgé de 74 ans”, Ibidem, 2 juin 1778, “Arts, Aux Auteurs du Journal”.

1150.

Ibidem, 17 décembre, “Nécrologie”. L’éloge de Renou à Chardin fut bien accueilli par le public. Il fait partie de la collection Deloynes et, en 1900, Furcy-Renaud l’insère dans l’ouvrage intitulé Chardin et M d’Agiviller. Correspondance inédite de l’artiste de sa femme avec le Directeur général des bâtiments du Roi. Dans l’avant-propos, l’éditeur précise avoir choisi “l’éloge érudit de Chardin par Renou” pour illustrer “l’opinion d’un peintre contemporain sur son illustre confrère.

1151.

Journal de Paris, 16 septembre 1780, “Variétés, Aux Auteurs du Journal”.

1152.

Ibidem, 8 novembre 1781, “Variété, Aux Auteurs du Journal”.

1153.

Voir chapitre La correspondance artistique, p. 253.

1154.

Renou est d’ailleurs l’auteur d’une notice nécrologique sur l’architecte Jacques-Denis Antoine. Il commence par avouer l’amitié qui le liait à l’artiste disparu: “(…) j’aurais dû me présenter à cette tribune pour m’acquitter de ce triste devoir envers un ami de quarante-cinq ans, et dont l’amitié fut toujours pour moi comme un jour sans nuages”, Notice des ouvrages et de la vie du Cen Antoine, Architecte, par le citoyen Renou, lue à la séance du 9 nivôse de la Société libre des sciences, lettres et arts, (s.l, s.d.)

1155.

Voir chapitre Information artistique et intertextualité, p.202.

1156.

M Cochin a présenté en votre nom à la Compagnie, les quatre premiers cahiers d’Estampes de différentes vues de la Suisse, faisant partie du projet immense de donner au public les Sites les plus intéressants, non seulement de la Suisse, mais encore de l’Italie. Vous aviez désiré que l’Académie daignât en agréer l’hommage avec bienveillance. Tous vos désirs, Messieurs, à cet égard sont remplis. L’Académie en a paru satisfaite et m’a chargé de vous en faire part. Quant à moi, je m’acquitte de ce devoir avec le plus grand plaisir. Ce n’est pas d’aujourd’hui que j’ai fait des voeux, pour qu’un ouvrage d’une aussi longue haleine parvienne à son entière exécution avec le même soin qu’il a commencé”. Journal de Paris, 27 juin 1777, “Gravure”.

1157.

Le mécanicien Loriot loge aux galerie du Louvre. Il a pour voisin le peintre de La Tour. Evidemment les deux hommes se fréquentent, car voilà bien dix ans qu’ils vivent côte à côte. Loriot a l’esprit ingénieux. C’est un inventeur. Les pastels l’intéressent. Ils trouvent un moyen de les fixer. D’Angiviller est saisi de la question, mais il s’en remet à l’Académie du soin d’apprécier le secret de Loriot . Celle-ci ayant jugé que le procédé qui lui était soumis pouvait rendre quelque service au pastellistes, Renou rédigera l’exposé de ce procédé à l’usage du public. L’imprimé s’intitule Secret pour imprimer le pastel, inventé par Loriot et publié par l’Académie de peinture”, Antoine Renou, premier secrétaire de l’école nationale des beaux-arts.

1158.

Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des Membres de l’Académie Royale de peinture et de sculpture, Introduction, p.XXXI.

1159.

Réfutation de la Seconde suite aux considérations sur les arts du dessin, par Quatremère de Quincy, (Paris, Impr. De Vve Hérissant, 1791).

1160.

Pour ce sujet, voir l’article de Edouard Pommier, “De l’art libéral à l’art de la Liberté: le débat sur la patente des artistes sous la Révolution et ses antécédents dans l’ancienne théorie de l’art”, Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français, (Société de l’Histoire de l’Art français, 1993), pp. 147-167.

1161.

L’Académie de peinture ayant été supprimée à l’époque de la révolution, M Renou resta attaché aux écoles spéciales de peinture, avec le même titre de secrétaire, auquel on joignit celui de surveillant des études, fonctions qu’il a exércés jusqu’à sa mort”. Mélanges sur les beaux-arts, p. 412.

1162.

Antoine Renou, premier secrétaire de l’école nationale des beaux-arts.

1163.

Mélanges sur les Beaux-Arts, p. 416.