1777, n°74, 15 mars, Arts Quatrième lettre aux Auteurs de ce Journal, du 14 mars 1777.

Tant que les Elèves de l’Académie royale, trop faibles sans doute pour être admis dans ce Corps, ont tenu l’Ecole publique de S Luc, le bon goût dans les Arts ne courait aucun risque de s’altérer, parce que ces Elèves enseignaient les excellents principes qu’ils avaient reçus : mais depuis que la Maîtrise est réduite à une simple communauté de marchands, cette Ecole a dû se fermer d’elle-même, pour ne se rouvrir jamais.

En vain les Entrepreneurs de Peinture et de Sculpture, sentant à présent, pour se donner de la considération, le besoin de s’associer les Artistes qu’ils tourmentaient autrefois voudraient-ils les rappeler à la servitude. Les Artistes fiers avec raison de la liberté rendue aux Arts, se ressouvenant toujours des insultes et du mépris versé par la Communauté sur leurs talents, dans des Mémoires injurieux ; ne voulant plus s’exposer à de querelles interminables, ni rentrer dans les fers qu’ils n’ont porté qu’à regret ; ces Artistes, dis-je, et vraiment dignes de l’être, leur répondraient :

Vous nous engagez de nous rejoindre à vous par l’appas des petites rétributions de Bureau, actuellement diminuées de moitié, et par la promesse de faire à vos frais l’exposition publique de nos Ouvrages. En nous attirant par l’intérêt et l’amour propre, vous faites un nouveau calcul de finance : vous savez que le simple produit du Livret du Salon, dédommage avec usure des dépenses : d’ailleurs votre demande de rouvrir une Ecole avec nous, s’appuie sur un mensonge, dont nous ne voulons point être complices. Vous calomniez l’Académie Royale, en avançant que les fils et les Elèves des Académiciens sont les seuls admis dans ses écoles ouvertes à tout le monde sans distinction. De plus votre demande, sous le prétexte de l’amour et du bien des Arts, cache adroitement une spéculation d’intérêt. Vous dites en vous mêmes, si notre Ecole se relève à l’aide de quelques Artistes et sous le beau nom d’Académie, dont nous abusons, nous ne payerons plus d’industrie. Non, votre piège est aperçu par nous, et il le sera par ceux dont vous tenterez de tromper la religion. Quand même quelques-uns d’entre nous seront assez faibles pour céder à vos séductions, la liberté une fois maintenue pour toujours, comment pourrez-vous, par la suite, renouveler les professeurs de votre Ecole ? Vous flattez-vous, par exemple, que les Elèves de l’Académie qui ont été aux frais de Sa Majesté se perfectionnent en Italie, et qui doivent compte à la nation des bienfaits dont ils ont été honorés, dédaignent la société de leurs Maîtres, renonçant sans motif à la franchise des Arts qu’ils professent, brigueront de s’asseoir parmi vous ? Vous avez beau répandre par vos agents secrets, des bruits faux et outrageants contre la prétendue sévérité de l’Académie ; ils n’en croiront rien. Cette Compagnie, dont le nombre n’est pas fixé, n’a jamais refusé l’entrée à de véritables talents. Il serait impossible de le prouver. Elle désire avec impatience d’admettre dans son sein ceux qu’elle a instruit par ses leçons et ses exemples. Elles est assez juste pour ne pas exiger de tous ses candidats la même force, impossible à rencontrer au même degré dans tous les hommes ; mais elle se doit à elle-même de ne point accorder le droit de confraternité à de trop faibles talents. Une sévérité mal entendue amènerait sa destruction et une condescendance maladroite, son déshonneur. On la verra constamment marcher entre ces deux écueils.

Voilà ce que les Artistes nouvellement licenciés auraient à répondre aux Marchands qui solliciteraient leur réunion ; qu’ont produit depuis plus de cent ans les efforts de la Communauté ? a-t-elle jamais pu élever autel contre autel et offusquer l’éclat de l’Académie ? le pourra-t-elle, dénuée d’artistes et sous le règne de la liberté ? A quoi bon son Ecole ? elle serait inutile et déserte.

M le comte d’Angiviller, ce Ministre vigilent des Arts, y a supplée sur le champ. Il a obtenu du Roi, qu’il serait ouvert à la jeunesse, aux dépens de Sa Majesté, deux Salles publiques, où quatre Modèles sont employés à son instruction, sous la discipline des plus célèbres Artistes de nos jours.