1780, n°232, 19 août, Arts, Aux Auteurs du Journal, A Paris, ce 16 août 1780

Je crois, Messieurs, que vous pouvez tranquilliser M Bonnare et ses enfants sur le sort des tableaux de la Nef de Notre-Dame ; l’intention de l’illustre Chapitre n’est point de priver le Public de ces chefs-d'œuvre. Tout ce qu’il fait depuis plusieurs années pour l’embellissement de la Métropole, prouve assez que le goût ne préside pas moins que la magnificence aux soins dispendieux qu’il y consacre, et qui sont si bien secondés par la vigilance éclairée d’un de ses Membres, M l’Abbé de Monjoy.

Le marbre dont on a pavé l’Eglise entière, hors le chœur qui l’était déjà ; les candélabres appendus à quelques-uns des piliers, et qui en font désirer pour tous les autres ; la superbe menuiserie des trois portes de face intérieures ; l’élégance des deux tambours de la croisée ; la reconstruction du Trésor, la décoration des Chapelles qui en manquaient encore ; etc. Voilà ce que M Bonnare pouvait louer, au lieu de se livrer à des frayeurs imaginaires sur la soustraction des tableaux, ou sur le prétendu danger, qu’il y a, que le blanchiment qu’on achève dans cette Eglise, ne donne l’idée de barbouiller les plafonds de Versailles, ou les coupoles du Val-de grâce et des invalides. Que peut avoir de commun la savante restauration de ces grands morceaux de peinture, avec le procédé simple des Italiens qui ont reblanchi les Eglises de St Denis-en-France, de St Nicolas du Chardonnet, etc,etc qui viennent de rendre à la Cathédrale tout l’éclat que nous admirons ?

Oui, Messieurs, admirer est le mot ; c’est le seul qui exprime la sensation qu’éprouvera tout homme impartial, en entrant à Notre-Dame. J’y allai hier ; la foule était grande, à cause de la fête, et je ne vis que des admirateurs. Mais tout le monde ne sait pas que ce singulier embellissement est dû à la générosité de M l’Abbé de la Fage, Chanoine de cette Eglise. Il a fallu descendre les tableaux de la Nef, et cette opération, qu’il faut renouveler à tous les Catafalques, comme l’observe M Bonnare, ne laisse pas d’être coûteuse, embarrassante, dangereuse pour les bordures et même pour les tableaux, malgré les précautions qu’il a su nous indiquer. Cette considération peut influer sur la décision du Chapitre, relativement à la place et à la distribution future de ces tableaux : sa sagesse examinera si les plus célèbres, comme le Noli me tangere et quelques autres, ne seraient pas avantageusement dans la croisée, de part et d’autre, et si le reste ne serait pas un ornement très agréable dans les galeries de cette Nef, toute gothique que M Bonnare la trouve, peut se passer d’une surcharge étrangère ; et j’ose en juger par le plaisir que m’a fait, ainsi qu’aux autres spectateurs, cet aspect nouveau, ce développement que nous ne connaissons point encore.

En revanche, je crois que tout le monde, à peu près, sera de l’avis de M Bonnare sur la suppression de la lourde représentation de Saint Christophe, et du rocher informe qui la soutient. Le respect dû au Saint ne pourra qu’y gagner au temps où nous sommes ; et la mémoire du Prélat qui gouverne la Diocèse perpétuera mieux que la gloire de ce nom, que ne le ferait la conservation d’un monument si grossier et si ridicule.

J’ai l’honneur d’être, etc Le M de L