6. Projets d’embellissement de la capitale

Lettres de “Pro Patria”

1777, n°155, mercredi, 4 juin, Aux Auteurs du Journal

Je ne suis, Messieurs, ni Savant, ni Auteur ; je ne suis point non plus un des Lettrés de Senlis ; je n’appartiens ni de près ni de loin à la nombreuse et plaisante famille des Kergolé ; mais je suis Citoyen et Observateur, et c’est sous ce double titre que je me présente à vous, et par conséquent au Public. Nul intérêt, je le proteste, ne décide ma démarche ; je ne prétends ni à profits ni à gloire quelconques, et en conséquence je vous prie de garder soigneusement le secret de mon incognito.

Je lis avec beaucoup d’intérêt votre Journal. Les articles que vous faites vous-mêmes méritent des éloges ; mais votre complaisance à y admettre toutes sortes de Lettres, vous a exposé à en faire paraître quelques-unes qui ont été trouvées peu intéressantes par leur style ou par leur objet. Je vous assure que cela vous a donné, auprès de quelques personnes trop difficiles, l’air de chercher du remplissage. Peut-être qu’on en dira autant au sujet de cette Lettre, si vous avez la facilité de lui donner place dans votre Journal. Cependant je crois devoir vous tracer légèrement le plan de la Correspondance que j’ai la témérité de vous offrir. Plusieurs Citoyens se sont essayés, dans votre Journal, sur différents objets, principalement sur les Arts, à qui réellement la publication de tant d’idées différentes peut devenir utile. Je m’étonne que personne n’ait encore imaginé de traiter de même, par des Lettres courtes et détachées, les grands objets qui intéressent tout le monde, comme par exemple plusieurs points de Police et d’Administration relativement à la sûreté et à la commodité des Citoyens, aux bonnes mœurs et à l’ordre public, à l’éducation de la jeunesse de tous les états, à l’embellissement de la Capitale, aux amusements publics, et enfin au progrès des Arts en général. Je me propose, moi indigne, de traiter de temps à autre, dans des lettres fort courtes, ces matières utiles ; bien entendu qu’on ne me fera pas un crime d’un style peu élégant et nullement châtié, parce que je me déclare incapable de mieux faire. Je m’engage seulement à parler raison et vrai, comme aussi à ne jamais critiquer personne ; à respecter les Lois, l’Administration et la Religion. Ce ne sera qu’en Observateur exact, et en Citoyen timide et zélé pour le bien, que je proposerai humblement mes idées, dans la seule vue d’engager d’autres Citoyens plus habiles à exercer leur génie sur les mêmes objets que j’aurai présentés. Je ne dois être considéré que comme l’Indicateur des vues utiles. Je souffrirais toute espèce de critiques sans murmurer ; plus mes Lettres en provoqueront, plus mon objet se trouvera rempli, parce que la discussion étend toujours les idées. on n’aura jamais aucun reproche à me faire du côté de l’honnêteté et du zèle patriotique qui m’anime.

Ma première lettre présentera des vues générales pour l’embellissement de la Ville de Paris. Je les développerai ensuite, si vous m’en donnez le Signal. Je ne m’assujettirai point à aucun ordre des matières. Je chercherai seulement à me rendre intelligible et à ne traiter que les objets d’utilité et d’agrément. Je vous laisse les maîtres, Messieurs, du sort de cette première Lettre. Jugez-la digne ou indigne d’être placée dans votre Journal ; si je l’y trouve, je poursuivrai ; si au contraire je ne l’y vois pas, je me condamne au silence, et n’en serai pas moins avec beaucoup d’estime, Messieurs, votre très humble serviteur,

PRO PATRIA