1777, n°171, 20 juin, Lettre aux Auteurs du Journal

Je vous remercie, Messieurs, d’avoir bien voulu placer dans votre journal ma dernière lettre ; il faut donc en conséquence que je vous donne maintenant connaissance de mes idées sur la manière dont je pense que le plan général d’embellissement et de réformation de la Ville de Paris, doit être fait et arrêté. Le plan lui seul est une opération de conséquence, et demande de longues méditations. Je crois que le corps de Ville de Paris ferait bien de réunir un certain nombre d’architectes connus pour être habiles et surtout désintéressés, qui, sur des ordres et des instructions clairs et précis, s’occuperaient à dresser conjointement un plan de réformation dans les constructions qui forment la Ville de Paris. Ce serait une espèce de Conseil pour cette partie. Le Conseil de Ville prendrait connaissance des opérations que les Architectes auraient proposées. Il me paraîtrait convenable que le Corps de la Ville rendît publics les plans et les projets qui lui auraient été présentés, en laissant la liberté à tout Citoyen de faire des observations et de proposer d’autres vues. Enfin le projet d’embellissement et de réformation ayant été dressée avec soin et débattu dans le public, il serait arrêté par une délibération du Conseil de la Ville, et alors il en serait fait un grand plan à vue d’oiseau, qui serait exposé dans une des salles de l’Hôtel de Ville ; il serait revêtu de toutes les marques possibles d’authenticité. Il faudrait exposer en même temps un autre plan de la Ville de Paris, telle qu’elle est aujourd’hui, sur lequel on tracerait, d’une manière distincte, les réformations qui auraient été arrêtées. Il serait nécessaire de joindre à ces deux plans des Mémoires servant d’explication ; peut-être serait-il convenable qu’ils fussent aussi rendus publics par la voie de l’impression. La sanction du Prince ne pourrait qu’imprimer à cette opération le caractère respectable de l’immuabilité. Ainsi Messieurs les Prévôts des Marchands et Echevins feraient le bien de la chose, en sollicitant l’approbation la plus authentique du Roi. J’en ai dit assez pour que mon idée puisse être saisie, et cela me suffit. Ma première Lettre traitera des Règlements relatifs au plan général.

Il n’est pas besoin d’une longue méditation pour apercevoir les avantages de l’opération que je propose. Les particuliers qui ont des maisons ou des terrains, connaîtraient par là l’avantage ou le désavantage de leur position ; ceux qui voudraient vendre ou acquérir, jugeraient facilement de ce qu’ils peuvent demander ou offrir. Les personnes qui désirent réparer ou construire, mesureraient leurs vues sur les avantages que le plan général pourrait leur promettre ; chacun enfin ferait ses spéculations avec sûreté et connaissance de cause.

Quant au Conseil des Architectes, il convient qu’il soit bien choisi ; car la décision des projets publics et aussi considérables, ne doit jamais être confiée à un seul Artiste, dans la crainte que quelque intérêt particulier ne gouverne son génie ; étant plusieurs, l’un surveille l’autre. La Ville, en donnant à ceux qu’elle aurait rassemblés de bonnes honoraires, pourrait statuer qu’aucun d’eux ne serait jamais chargé d’aucune des constructions à faire ; par là on les mettrait hors d’intérêt. Je suis, Messieurs, etc.