1780, n°203, 21 juillet, Architecture, Aux Auteurs du Journal.

Messieurs,

J’ai lu dans votre Journal du 11 de ce mois, une lettre qui vous est adressée de Toulouse par M de la Cour. Elle m’a fourni les réflexions suivantes ; permettez-moi de vous les communiquer.

M de la Cour dit que chargé de construire une Salle de Spectacle pour une grande ville de Province, il a recherché ce qui des Théâtres antiques pouvait être adapté à nos usages et concilié avec nos convenances théâtrales ; il a suivi toutes les variétés des salles de spectacles modernes ; mais il n’a trouvé que peu de dimensions fondées sur des proportions précises et agréables, peu de formes analogues à l’objet, peu de caractère ; mais il n’a trouvé que peu de dimensions fondées sur des proportions précises et agréables et peu de formes analogues à l’objet, peu de caractère ; il n’a reconnu enfin aucune théorie établie sur des expériences de la manière de propager et d’augmenter le son des voix des Acteurs et des Chanteurs, et celui des instruments, parce qu’il ne fait que penser de ces cloches retentissantes dont parle Vitruve, ni des cavités pratiquées sous les orchestres imaginées, dit-on, par Jean-Jacques Rousseau.

Si M La Cour, dans les théâtres antiques et modernes, a trouvé peu de dimensions précises et agréables, peu de formes analogues à l’objet, et de caractère, ses jugements n’ont pu être portés que d’après d’excellents principes qu’il s’est faits à lui-même sur la meilleure construction d’une Salle de Spectacle. Il a dû sans doute se dire, en faisant des observations, telle dimension, telle forme est vicieuse, telle décoration extérieure ou intérieure manque de caractère, par telle ou telle raison. C’est donc à lui-même de mettre au jour ces raisons, et ces principes invariables et incontestables d’après lesquels il a jugé des défauts des anciens et des modernes ; et ce sera à nous de lui témoigner toute notre reconnaissance, quand il aura eu la bonté de nous développer sa Théorie fondée sur l’expérience.

On ne devine pas pourquoi, vers la fin de sa Lettre, il s’amuse à nous faire des questions d’enfants.

Il demande si une Salle de Spectacle doit être sonore ; oui sans doute, pourvu qu’elle ne forme pas écho.

Il demande encore si cette propriété vient de la forme ou de la matière ; il est à croire qu’elle vient de l’une et de l’autre, à en juger de la forme et de la matière employée pour les instruments.

Il ne se sait si les cavités réservées sous les orchestres de l’Opéra de Paris et de Versailles produisent de l’effet. En quoi ces cavités peuvent-elles s’opposer au propagement du son, et pourquoi n’y contribueraient-elles pas ?

Il présume que les Architectes distingués de la Capitale ont tellement examiné ces questions, qu’ils voudront bien l’éclairer par des solutions qui ne peuvent que justifier leur réputation. Que peuvent répondre nos Architectes, constructeurs de Salles, dont M la Cour n’est pas content ? Sinon, Monsieur, construisez une Salle de Spectacle dont l’extérieur ne présente l’idée ni d’un temple, ni d’un Palais de Roi, ni du Sanctuaire de la Justice, ni d’un Hôtel de Ville, ni d’un Arsénal, ni d’une Prison, ni d’une Cazerne : enfin, dont au premier aspect on devine la vraie destination ; que les abords en soient faciles, que les ornements du dedans soient analogues à celles du dehors ; que dans la partie du Théâtre tout soit prévu pour le service aisé des décorations et le jeu des Acteurs ; que dans le cirque, il n’y ait pas un coin où chacun ne voie et n’entende à merveille, sans gêner, ni l’être pour son voisin ; qu’après la représentation, la foule de Spectateurs s’écoule de toutes parts, sans presse, sans confusion, et sans risque, alors que nous avouerons (si vous avez été aussi resserré que nous par le terrain et les données de convention), que vous l’emportez sur nous, et nous vous prierons de nous éclairer de vos lumières.

J’ai l’honneur d’être, Laville.