1787, n°356, samedi 22 décembre, Variété, AAJ, Paris ce 13 décembre 1787

Messieurs,

Je ne fais point de projets, je me borne pour l’instant à voir si ceux que l’on propose pour Paris sont exécutables ; je m’aperçois souvent que faute d’observation et de travail, on en impose au Public par des idées chimériques qui ont quelque apparence de réalité. J’ai réfléchi, j’ai vu que ces erreurs provenaient principalement des plans dont on se servait ; la lettre de M le Bon, insérée dans votre Feuille du 30 novembre dernier, a fixé mon opinion.

M le Bon raisonne le plan sous les yeux : S’il se fût servi du plan fait il y a quarante à cinquante ans par M l’Abbé de la Grive, le seul plan de Paris qui ait été levé avec méthode et soin dans ce siècle, et dans lequel la partie de la Cité est très bien faite, il eût vu que la rue Saint Louis, prolongée sur le Palais aboutit au pavillon neuf d’entre la grille dorée et la grande salle, de sorte qu’il est impossible de voir les deux extrémités de cette rue d’aucun point de la cour du Mai ; que cette même rue, prolongée du côté opposé, donne dans les bâtiments de l’Arsenal bien en-deçà de la terrasse circulaire de l’hôtel de M le Prince de Montbarrey, et par conséquent bien loin du bastion de l’Arsenal.

Voilà donc un percé séduisant, dont la ligne droite finit par être une ligne brisée en deux sens contraires, et qui interrompt deux fois la vue.

M le Bon n’a vu qu’à moitié le superbe effet que produira la démolition des maisons du quai de Gèvres et du pont Marie. Il aurait dû s’apercevoir que du bout du Cours-la-Reine, pris la place Louis XV, on découvrira les maisons du port Saint Paul, près des anciens Célestins, et que cette vue magnifique, s’élargissant par la suite lorsque l’on fera un quai entre le pont Rouge et le Pont Notre-Dame, donnera la plus haute idée de l’immensité de cette Capitale à Etranger arrivant par la route de Versailles.

Je voudrais pouvoir laisser à M le Bon le mérite de l’idée des plans arrêtés au Conseil qu’il propose pour les alignements des rues de Paris ; elle est trop connue pour la donner à présent comme neuve ; et il ne serait pas pardonnable à un bon Parisien d’ignorer que ces plans se font depuis près de 12 ans par M Verniquet, l’un des quatre Commissaires Généraux de la Voierie , qui les a conçus, en a donné le Prospectus à l’Administration, en a été ensuite chargé Sa majesté et y a occupé journellement près de 100 personnes depuis cinq ans qu’il donne toute l’activité nécessaire à ce travail aussi immense qu’utile, et dont la majeure partie n’a pu être faite que de nuit.

Dites donc, je vous prie, Messieurs, à M Le Bon, que chaque rue est levée et rapportée à l’échelle de 6 lignes pour toise ; que cette grande échelle ne laisse échapper aucun détail de saillies, sinuosités, distinctions de propriétés, etc

Qu’il y a trois expéditions au net de chaque rue, dont quelques-unes on en dessin près de 200 pieds de long ; que l’on y a tracé des projets d’alignements pour être vus et arrêtés au Conseil ; de sorte qu’à un pouce près on peut se rendre compte des retranchements que chaque propriété subira à l’avenir.

Qu’une de ces expéditions sera déposée au Conseil, une autre au Parlement, et la troisième au Bureau des Finances de la Généralité de Paris ; que toutes les autorités légales concourront unanimement à l’exécution de ces alignements combinés entre le bien public et les intérêts des particuliers.

Que l’invariabilité et la simplicité qui règneront dans ces alignements feront faire volontiers aux propriétaires des sacrifices de terrain pour l’élargissement des rues, quand le sort sera commun à tous et que le restant de la propriété augmentera en valeur bien au-delà du sacrifice une fois fait, etc, etc

Ajoutez-lui, que tous les monuments publics et les principaux édifices de Paris avec leur environs sont levés, détaillés et rapportés à 3 lignes de toise, et que ces plans n’existaient pas auparavant.

Qu’il y a un plan général du cours de la rivière dans toute la longueur de Paris, à une ligne et demie pour toise, qui, dans une espace de 30 pieds de long, présente tous les détails de cette superbe partie de la Capitale.

Que le plan général, qui comprend de 2 à 400 toises au-delà de la nouvelle enceinte, est rapporté à une demi ligne pour toise, et offre dans une ensemble de 13 sur 15 pieds les plus petits détails des rues, les masses et détails des monuments publics ; le tout établi trigonométriquement par grands et petits polygones, distances de clochers, etc ; le tout calculé à la méridienne et à la perpendiculaire.

Que tous les plans particuliers portent les cottes des opérations qui ont servi à les lever, et les plans généraux, les tableaux des calculs trigonométriques ; de sorte que dans tous les temps on pourra renouveler ces plans à peu de frais et à telle échelle que l’on voudra.

Enfin, que ce travail immense se fait dans une galerie du couvent des Grands Cordeliers ; que les Princes du Sang, les grands Seigneurs français et étrangers, les Gens en place, les Artistes, etc, se sont empressés de le visiter, ne pouvant en avoir une idée juste qu’en les voyant ; que M le Bon pourra, ainsi que vous, messieurs, venir le voir, en prévenant, et que je me ferai un vrai plaisir de le mettre à même de ne plus se tromper ou se laisser tromper par ses plans, lorsqu’il vous proposera de nouveaux projets de percés et prolongements de vues.

Signé G…. Architecte, Inspecteur Général des Plans de Paris, aux Grands Cordeliers